Intervention de Françoise Rudetzki

Réunion du 15 février 2016 à 15h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Françoise Rudetzki :

Je n'oublie aucune victime : j'ai notamment organisé aux Invalides une réunion d'information à l'intention des victimes des attentats du Bardo, afin qu'elles prennent connaissance de leurs droits, et je défends leurs dossiers au Fonds de garantie.

Bien sûr, il faut d'abord que les avocats, qui ne sont pas toujours au fait des droits des victimes, s'informent. C'est ce qu'ont fait un certain nombre d'entre eux en s'adressant à moi. Je mène en effet tout un travail au Barreau pour transmettre mon savoir – à titre bénévole, je tiens à le préciser. Je leur indique les législations qui existent. Ces professionnels du droit connaissent bien la législation sur les accidents du travail, mais pas le fonctionnement du Fonds et le statut de victime civile de guerre.

Je suis également à la disposition de ces victimes, qui ont toutes mes coordonnées. Elles savent qu'elles peuvent me joindre. Je ne mets jamais plus d'une demi-journée pour rappeler. Je reçois à peu près 150 mails par jour, en dehors des appels téléphoniques. Donc, pour moi, elles ne sont pas oubliées. Maintenant, je ne saurais répondre à la place du Président, dont je ne tiens pas l'agenda. Leur avocat a-t-il fait une demande en bonne et due forme ? Aux dernières nouvelles, ce n'était pas le cas. Mais je n'en dirai pas plus.

Quant à savoir ce que vaut la vie humaine, la question est vaste. Les Américains évaluent la vie en millions de dollars. Les Allemands, quant à eux, considèrent que la vie est inestimable, au point que la reconnaissance de ce préjudice moral ou d'affection, comme on dit maintenant en France, était, avant le passage à l'euro, d'un DM. Cela était compensé par d'autres postes de préjudice, notamment économique, pour aider les familles à vivre et à revivre.

La France a adopté une position intermédiaire – à partir de la loi Badinter, qui prévoit un droit à indemnisation pour les accidentés de la route. Au fil des années, entre 1985, année où j'ai commencé mon combat, et aujourd'hui, les montants ont évolué : ils sont passés de 20 000 euros à environ 45 000 euros pour la perte d'un compagnon, d'une épouse ou d'un enfant. J'observe d'ailleurs que la perte d'un enfant est moins bien « rémunérée» que celle d'un compagnon ou d'une épouse. Je trouve cela curieux, dans la mesure où un enfant ne se remplace pas alors que le conjoint survivant peut refaire sa vie. C'est pourtant ce qui ressort de la jurisprudence. Cela étant, que vaut la vie d'un enfant ? Si je perdais ma fille, je ne pourrais pas vous donner un chiffre…

Il m'arrive de demander aux familles qui contestent la proposition du Fonds de garantie à combien elles évaluent la perte de leur proche, et en dessous de quelle somme elles vont décider d'aller devant les tribunaux – ce qu'elles ne font d'ailleurs jamais. Je vous pose la même question : à combien évaluez-vous la vie humaine ? Pour ma part, je ne suis pas capable d'apporter une réponse. Mais je me bats comme une tigresse pour l'évaluation des préjudices physiques, psychologiques et économiques, et tout ce qui va avec : réadaptation des logements, des voitures, réinsertion et formation professionnelles qui sont également prises en charge par le Fonds de garantie.

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