Intervention de Martin Hirsch

Réunion du 29 février 2016 à 18h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :

J'essaierai, dans mon exposé, d'apporter des éclaircissements sur certaines questions que vous avez commencé à aborder.

En droite ligne avec les propos de M. Debonne, j'indique que nous avons beaucoup travaillé, notamment au deuxième semestre 2014, sur les relations entre l'AP-HP et le SSA, d'une part, et entre l'AP-HP et la BSPP, d'autre part. Dans les deux cas, cela s'est traduit par la signature d'une convention – celle qui a été passée entre l'AP-HP et la BSPP a été préparée à la fin de l'année 2014 et officialisée au début de l'année 2015. Nous avons ainsi organisé nos relations quotidiennes et nos actions communes en matière de formation, d'exercices, de communication et de répartition de nos forces. Nous avons souhaité faire en sorte que nos trois organisations jouent un rôle complémentaire dans la prise en charge des blessés, à la fois en temps normal et en cas d'événements dramatiques. Ces conventions ont joué un rôle très important dans la coordination des secours et des moyens mis en place lors des moments tragiques que nous avons connus.

Au moins de janvier, plusieurs épisodes se sont produits en quatre jours. Nous avons pris en charge des victimes dans un état grave, en nombre bien évidemment beaucoup plus réduit qu'au mois de novembre. Cela a néanmoins été l'occasion d'examiner les conditions et les temps d'accès et de prise en charge. Nous avons également été confrontés à la prise en charge des victimes psychologiques, des proches et des témoins, tant de l'attentat contre Charlie Hebdo que de la prise d'otages à l'Hyper Cacher de Vincennes. Pour la première fois, nous avons organisé cette prise en charge dans un lieu unique, à l'Hôtel-Dieu, où des équipes de professionnels étaient disponibles, avec des psychiatres, des psychologues, des médecins somatiques et un certain nombre de volontaires. Nous avons ouvert cette structure d'accueil à l'Hôtel-Dieu dans l'après-midi du 7 janvier, l'avons maintenue en activité intense pendant plusieurs jours et l'avons laissé fonctionner encore plusieurs semaines. Nous avons constaté l'utilité de ce type de prise en charge et réfléchi à sa pérennisation, de manière à pouvoir l'activer dans d'autres situations exceptionnelles.

D'autre part, ainsi que vous l'avez souligné, monsieur Villaumé, l'année 2015 a été consacrée à plusieurs exercices réguliers sur différents scénarios, certains étant malheureusement proches des événements que nous avons vécus. L'exercice le plus récent s'est tenu le matin même du 13 novembre, ce qui est bien évidemment le fruit d'un triste hasard. En revanche, le fait que ces exercices aient été organisés régulièrement n'était pas, lui, le fruit du hasard. Ce travail conduit par les services médicaux de l'AP-HP et les autres services de l'État visait à nous préparer à différentes éventualités. Il se poursuit bien sûr aujourd'hui. Ces exercices sont fondamentaux.

Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le président, l'AP-HP regroupe trente-neuf hôpitaux, mais elle exerce aussi une responsabilité dans le pré-hospitalier, puisqu'elle compte en son sein quatre SAMU, ceux de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Le SAMU de Paris joue le rôle particulier de SAMU de zone : lorsque des moyens sont déployés au-delà de son propre ressort, sa responsabilité opérationnelle s'étend à tous les autres SAMU de la zone de défense et de sécurité.

Le 13 novembre, les premiers événements s'étant produits à proximité du Stade de France, le premier SAMU activé a été celui de la Seine-Saint-Denis ; il est arrivé quelques minutes après sur les lieux. Ensuite, lorsqu'a été connue l'information selon laquelle des fusillades se déroulaient dans Paris intra-muros, les autres SAMU, notamment celui de Paris, et la BSPP ont eux aussi été activés et sont arrivés sur les lieux. Le SAMU de Paris et la BSPP disposent chacun d'un système de régulation central. Il y a des relations, d'une part, entre ces deux systèmes centraux et, d'autre part, entre les acteurs sur le terrain.

Cette nuit-là, le contexte pré-hospitalier a été marqué par des éléments particuliers par rapport aux planifications que nous pouvons faire. Première caractéristique : certaines fusillades s'étant produites à proximité immédiate d'hôpitaux, des victimes ont pu se rendre spontanément dans ces établissements, soit par leurs propres moyens, soit portés par d'autres blessés, soit avec l'assistance d'équipes médicales qui sont sorties des hôpitaux pour aller les chercher. L'AP-HP a donc connu une situation symétrique à celle qu'a évoquée M. Debonne : les premiers blessés sont arrivés dans nos hôpitaux très rapidement, avant le déclenchement du plan blanc. Tel a été le cas à Saint-Louis et à Saint-Antoine, qui ne sont pas particulièrement destinés à la prise en charge de victimes souffrant de traumatismes lourds, mais se sont organisés en quelques minutes pour faire face à la situation.

Dans le même temps, les SAMU et les pompiers ont mis en place conjointement le mécanisme de régulation pour transporter les blessés graves vers d'autres établissements. Environ 130 véhicules de l'AP-HP ont été mobilisés à cette fin. Il existe certaines règles : Paris et la petite couronne sont divisés en quartiers, afin que l'on puisse trouver les chemins les plus courts vers les hôpitaux les plus appropriés. Un recensement des moyens disponibles et des équipes prêtes est effectué soit par le centre de régulation du SAMU de Paris, soit par le centre de crise de l'AP-HP. Les médecins chargés de la régulation ont dont connaissance de la réalité des disponibilités par rapport au schéma théorique du nombre de places en bloc opératoire ou en réanimation.

Deuxième caractéristique du contexte : il était très évolutif. Au moment où les fusillades ont commencé dans Paris, personne ne savait ce qui pouvait se produire, notamment à la suite des premières explosions au Stade de France. Quant à la situation au Bataclan, elle ne s'est révélée qu'un peu plus tard. Le nombre des terroristes et leurs déplacements n'étaient pas connus. Dans ces conditions, les équipes de régulation – les professionnels que vous avez prévu d'auditionner vous le diront avec plus de précision et de compétence que moi – ont fait le choix de concilier deux objectifs : d'une part, faire en sorte que les victimes, notamment celles qui relevaient de l' « urgence absolue », arrivent dans des établissements complètement prêts à les prendre en charge pour des traumatismes complexes ; d'autre part, conserver des établissements disponibles pour accueillir des blessés supplémentaires au cas où le bilan s'alourdirait au-delà des premières dizaines ou centaines de victimes recensées, par suite des attaques en cours ou d'éventuelles autres attaques.

La prise en charge des blessés a été organisée au sein de l'AP-HP en utilisant au mieux des établissements très équipés, notamment les hôpitaux Georges-Pompidou et de La Pitié-Salpêtrière. Quant à Saint-Louis et Saint-Antoine, qui n'ont pas vocation à être mobilisés lors d'une attaque de cette nature, ils ont reçu des renforts en personnel, venus en partie d'autres établissements. Enfin, nous avons mis d'autres hôpitaux en alerte pour qu'ils accueillent un petit nombre de blessés envoyés par la régulation ou se présentant spontanément.

Lorsque des voies d'accès étaient fermées pour des raisons de sécurité, il a pu arriver que les véhicules de secours soient déroutés : partis vers un hôpital, ils ont été réorientés vers un autre établissement. À cet égard, le fait que plusieurs hôpitaux aient été mobilisés représentait un avantage : cela a permis au système de s'adapter au fur et à mesure des contraintes de terrain liées aux événements dramatiques en cours.

Ainsi que j'ai pu en juger par moi-même tout au long de la nuit, nous avons vérifié en permanence la capacité de prise en charge de blessés, notamment de blessés graves, par les différents hôpitaux, d'abord par ceux de l'AP-HP, puis par ceux de la région Île-de-France – hôpitaux militaires, hôpitaux généraux hors AP-HP ou établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC) – qui ont été mobilisés par l'Agence régionale de santé (ARS), en étroite relation avec nous. Assez rapidement, des établissements situés hors de l'Île-de-France ont également été mis en alerte, notamment des CHU disposant de moyens de transport héliportés avancés, afin qu'il n'y ait pas de perte de chance pour les patients au cas où le nombre de blessés graves aurait dépassé les quelques centaines.

Ce qu'a indiqué M. Debonne à propos des hôpitaux placés sous sa responsabilité vaut aussi pour ceux qui sont placés sous la mienne : la répartition des blessés a été faite de telle sorte que certains établissements spécialisés prennent en charge le plus grand nombre possible de patients sans atteindre leurs limites. Je peux vous en donner une illustration très claire : l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, qui a pris en charge de nombreux blessés graves dans les toutes premières heures, avant que l'hôpital européen Georges-Pompidou ne prenne le relais, a pu continuer dans le même temps à sauver des vies en procédant à des interventions très lourdes, notamment à une greffe de coeur et à une greffe de rein. Cela vous montre la force de ces établissements et leur capacité de mobilisation : en quelques minutes, une dizaine de blocs opératoires ont été ouverts en parallèle. Or ouvrir un bloc opératoire, ce n'est pas seulement en ouvrir la porte : c'est faire en sorte que l'ensemble des équipes – chirurgicale, médicale, d'anesthésie, paramédicale – soient disponibles, ce qui a été le cas. Dans aucun de nos établissements, nous n'avons déploré de manque de personnel ou de matériel.

Et je parle de l'ensemble des personnels : non seulement de ceux auxquels on pense immédiatement et que je viens d'évoquer, mais aussi de ceux qui assurent des fonctions support, par exemple la stérilisation des instruments ou la fourniture de médicaments et de matériel. À aucun moment, je le répète, il n'y a eu de manque de personnel, malgré les petites incertitudes que nous avons eues concernant l'accès aux établissements : cette nuit-là, plusieurs périmètres ont été bouclés, et les membres du personnel n'avaient pas nécessairement sur eux leur carte professionnelle ou un document prouvant leur appartenance à une équipe hospitalière. Cela n'a pas eu de conséquences, car nous avons eu de nombreux contacts avec les services de police pour faciliter leur accès aux hôpitaux. De même, en janvier 2015, la circulation avait été coupée ou perturbée sur certaines voies de communication pour des raisons de sécurité, ce qui avait compliqué le trajet de certains de nos agents jusqu'à leur établissement, notamment lorsqu'ils habitaient – c'est souvent le cas – relativement loin de celui-ci. C'est un point important sur lequel nous travaillons aujourd'hui.

En résumé, la prise en charge des blessés s'est faite selon un schéma pensé et organisé pour maintenir des capacités techniques disponibles en cas d'évolution ultérieure, mais, comme toute action planifiée, elle a aussi dû s'adapter à la réalité, c'est-à-dire aux conditions d'accès à tel ou tel établissement. Certains patients qui étaient en route vers un hôpital ont donc probablement été réorientés vers un autre, sans que cela soit le résultat d'une improvisation, car, à tout moment, les régulateurs avaient connaissance des disponibilités dans les différents établissements. J'insiste sur ce point : la capacité de prévision, qui implique un recensement des besoins et des moyens, ainsi que des exercices préalables, doit aller de pair avec une capacité d'adaptation des acteurs sur le terrain.

À l'AP-HP, nous avons notifié le déclenchement du plan blanc à nos hôpitaux à 22 h 34. Pourquoi ai-je pris la décision à ce moment-là ? Dans la demi-heure qui a précédé, nous nous sommes interrogés sur l'opportunité de mobiliser tous les établissements à l'échelle de l'AP-HP, ce qui, à ma connaissance, ne s'était jamais fait. Cela présentait un avantage : déployer l'ensemble de nos capacités. Mais cela présentait aussi un risque : mobiliser sur une nuit des hôpitaux qui pourraient, de ce fait, ne pas « tenir » dans la durée. Cependant, nous avons considéré que le caractère évolutif de la crise, le nombre de lieux touchés dans Paris et à Saint-Denis, ainsi que les fortes incertitudes concernant le nombre de victimes possibles au Bataclan – à 22 h 34, nous ignorions ce qui s'y passait ; nous savions seulement qu'un grand nombre de personnes y étaient enfermées avec des terroristes – justifiaient la mise en alerte de l'ensemble de nos hôpitaux. Ils ont donc tous rappelé du personnel, sachant qu'il est difficile de faire la part entre ceux qui ont répondu à ce rappel et ceux qui sont revenus spontanément. Encore une fois, il n'y a eu de manque de personnel dans aucun établissement, ni dans les heures immédiatement après les attentats, ni dans les jours qui ont suivi.

Comme vous le savez, parmi plusieurs centaines de blessés, au moins une centaine d' « urgences absolues » ont été prises en charge dans nos hôpitaux. Il y a eu quelques transferts secondaires, mais pour des raisons tout à fait justifiées. Ce que tous nos chirurgiens et nos médecins nous ont dit, c'est qu'ils ont pu intervenir, certes dans des circonstances exceptionnelles, mais dans les mêmes conditions de sécurité et de qualité que la semaine précédente ou la semaine suivante, c'est-à-dire dans les conditions de prise en charge sanitaire qui sont prévues dans ces établissements de très grande technicité. En d'autres termes, nous ne nous sommes pas mis en situation de devoir transiger sur la qualité et la sécurité des soins ; aucun professionnel n'a eu l'impression de pratiquer une chirurgie ou une médecine dégradée. C'est pourquoi la plupart des patients, y compris ceux qui souffraient de blessures extrêmement graves, ont été sauvés. Sur les centaines de victimes qui sont parvenues jusque dans les hôpitaux, quelques-unes seulement sont décédées : deux à leur arrivée, une le 14 novembre au matin, une autre quelques jours plus tard. Ces données n'ont pas de valeur scientifique, mais des études plus poussées permettraient probablement de les confirmer.

La question de l'information s'est rapidement posée : nous avons aussitôt reçu des appels, ce qui nous a conduits à activer notre système de réponse téléphonique en mettant en place un numéro dédié, celui que nous utilisons en général en journée lorsque des personnes ont perdu de vue un de leurs proches et veulent savoir s'il est hospitalisé. À cette fin, les établissements ont communiqué à la cellule de crise l'ensemble des données concernant l'identité des victimes. Le numéro a été opérationnel vers 1 heure du matin dans la nuit du 13 au 14 novembre. Nous avons reçu environ un millier d'appels à ce numéro dans les vingt-quatre premières heures, puis environ 4 000 dans les jours qui ont suivi.

J'insiste sur le fait que nous pouvions répondre à une seule question : lorsque l'on nous donnait un nom, dire si cette personne était ou non hospitalisée dans un établissement de l'AP-HP. Nous avons été en mesure de fournir cette information très rapidement au cours de la nuit et, avec une certitude quasi complète, au début de la matinée du samedi 14 novembre. Notre système étant centralisé, les proches n'avaient pas à faire le tour des différents hôpitaux de l'AP-HP. Mais, bien évidemment, nous ne pouvions pas indiquer si une personne qui ne figurait pas sur notre liste était hospitalisée dans un établissement hors AP-HP, ni dire ce qu'elle était devenue. Telles sont les questions extrêmement douloureuses qu'un certain nombre de proches ont pu se poser pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Certaines familles ont connu un parcours atroce, se rendant d'un hôpital à un autre. Les personnes qu'elles cherchaient pouvaient être, entre autres, décédées ou réfugiées ailleurs. Nous avons donc mis en place, dans chacun de nos hôpitaux, des équipes chargées de leur répondre.

En outre, à la lumière de notre expérience du mois de janvier, nous avons mis en place à l'Hôtel-Dieu, un peu avant minuit, un lieu pouvant recevoir des proches ou des personnes s'étant trouvées sur les lieux des attentats mais ne souffrant pas de blessures graves. Ainsi que j'ai pu le constater en me rendant sur place, un grand nombre de psychiatres et de psychologues étaient disponibles dans la nuit à l'Hôtel-Dieu. Ils ont reçu relativement peu de patients dans les premières heures, notamment parce que d'autres centres étaient ouverts.

Le samedi matin, nous avons constaté qu'un certain nombre de numéros étaient saturés, que les sources d'information étaient cloisonnées et qu'il y avait une limite aux informations que nous pouvions fournir – comme vous le savez, les hôpitaux ne donnent pas d'information concernant les décès lorsqu'une enquête est ouverte. On a alors ressenti le besoin de prévoir un lieu où seraient centralisées et mises à jour l'ensemble des informations à destination des familles et des proches, et où seraient présentes les autorités habilitées à délivrer ces informations, ainsi que des soutiens psychiatriques et psychologiques. En fin de matinée, les autorités gouvernementales ont décidé que ce lieu serait l'École militaire. Celle-ci a pu recevoir les familles à partir de 15 heures.

Bien évidemment, l'AP-HP a elle aussi assuré un soutien psychologique et pris en charge des victimes du stress gravissime consécutif aux attentats. Ainsi, plus de 1 000 personnes sont venues en consultation soit pour recevoir un appui et des soins, soit pour obtenir un certificat de la part d'un médecin. Le flux de patients a été très important pendant au moins une dizaine de semaines – la deuxième quinzaine de novembre, le mois de décembre et l'ensemble du mois de janvier. Les équipes de l'Hôtel-Dieu, les cellules d'urgence médico-psychologique (CUMP) qui avaient été déployées au cours de la nuit du 13 au 14 novembre et les équipes qui ont pris leur relais ont donc vu un grand nombre de patients.

Les agents de l'AP-HP, quels que soient leur métier et leur grade, ont fait preuve d'une conscience professionnelle – je dirais même d'une « conscience vocationnelle » – tout à fait remarquable. Mais il faut aussi rappeler le choc que cela a été pour ces professionnels : ils ont été confrontés à une situation d'une rare violence, au fait que beaucoup de victimes étaient jeunes, à des blessures gravissimes, à des chocs psychologiques et somatiques, à la douleur des proches et des victimes. Nous avons donc mis en place des mécanismes de soutien psychologique à la fois collectifs et individuels. Ils ont été beaucoup utilisés et le seront encore dans les mois qui viennent. Cette dimension doit être prise au sérieux pendant une longue période.

Je confirme ce que M. Debonne vous a indiqué pendant la première partie de l'audition : nos moyens n'ont pas été saturés, et ils ont été mobilisés pour faire face à une éventuelle dégradation de la situation. Au nom des équipes que je représente, je dois dire que, lors des nombreux retours d'expérience que nous avons organisés, personne n'a évoqué de désorganisation des secours, de quelque point de vue que ce soit – administratif, technique, logistique, chirurgical ou médical –, y compris dans les heures qui ont immédiatement suivi les attentats. Je ne parle pas là des difficultés de terrain rencontrées lors de la phase pré-hospitalière compte tenu des conditions extrêmement difficiles, mais de l'intervention une fois que l'accès aux victimes a été possible. C'est à mettre au crédit du très grand professionnalisme des équipes qui ont été mobilisées. Et je mets sur un même plan celles et ceux qui ont dû faire face à un afflux de blessés extrêmement important et celles et ceux qui étaient en réserve avec peu ou pas de blessés à prendre en charge, mais dont le rôle est tout aussi important dans des circonstances de cette nature. C'est pourquoi nous faisons en sorte que les exercices concernent non seulement celles et ceux qui risquent de se retrouver en première ligne, mais aussi celles et ceux qui seront en seconde ligne.

Nos institutions tiennent un double rôle : le premier, visible et tout à fait fondamental, est d'apporter une réponse sanitaire ; le second est d'être un facteur de stabilité face à la menace. Si je peux m'exprimer au nom de mes équipes, tout le monde sent, au-delà de l'effet des bombes et des balles de kalachnikov, une tentative de déstabilisation psychologique. Et nous voyons dans les exercices que nous organisons et dans la discipline dont font preuve les différentes équipes une réponse à cette deuxième menace, qui tue certes moins directement que la première, mais s'avère tout aussi redoutable. Même si chacun est touché dans sa chair, ainsi que vous avez pu le constater en entendant de nombreux témoignages, les équipes ont montré un grand sang-froid.

Nous avons tenu à ce que nos établissements rendent des comptes dans les heures, les jours et les semaines qui ont suivi les attentats, tout en restreignant fortement l'accès des médias à nos établissements, car il fallait à la fois permettre aux équipes de travailler et préserver le secret professionnel et médical. C'est un élément important pour la stabilité d'un dispositif sanitaire dans des conditions aussi dramatiques que celles que nous avons vécues.

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