Intervention de Martin Hirsch

Réunion du 29 février 2016 à 18h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :

Dans de telles circonstances, la préoccupation est non pas d'assurer une répartition harmonieuse des victimes entre les différents établissements, mais de faire en sorte – cela a bien été le cas – qu'aucun patient n'arrive dans un endroit où l'on soit débordé.

En tant que directeur général de l'AP-HP, je ne me suis pas occupé de la régulation, et c'est très bien ainsi : les décisions de régulation ne sont pas politiques ou administratives, elles doivent être purement médicales et opérationnelles. Je les constate a posteriori. Et je peux dire a posteriori que, si j'avais eu la légitimité pour le faire, je n'aurais pas donné d'instructions différentes de celles qui ont été données.

Si l'on examine les lieux des attentats, la répartition géographique des victimes s'explique aisément.

Le premier attentat s'est produit à côté du Stade de France. L'AP-HP dispose de deux établissements relativement proches : au nord de Paris, les hôpitaux Beaujon et Bichat, qui font partie du même groupe hospitalier et, à Bobigny, l'hôpital universitaire Avicenne. Ces deux établissements ont été préservés.

À proximité du Bataclan et des lieux des autres fusillades se trouvent les hôpitaux Lariboisière, Saint-Louis, Saint-Antoine et de La Pitié-Salpêtrière. Logiquement, c'est cet ensemble d'établissements qui a été sollicité.

Le seul établissement qui a été sollicité à quelque distance de ce périmètre est l'hôpital européen Georges-Pompidou. Il l'a été pour une raison assez simple : c'est l'un des rares hôpitaux qui dispose de toutes les spécialités nécessaires – chirurgie orthopédique, chirurgie du rachis, réanimation, chirurgie cardiaque et vasculaire, etc. Certains établissements m'ont dit qu'ils auraient pu faire venir d'autres équipes en renfort de leurs spécialités, mais il valait mieux faire appel à des établissements parfaitement adaptés et complètement armés.

J'ajoute que, à Paris, les hôpitaux et les services d'urgences ne chôment pas, même en période normale. Il est donc assez logique de garder des établissements pour faire face aux urgences quotidiennes, par exemple aux infarctus.

La règle veut que l'on « croise » la disponibilité des établissements et leur labellisation. L'hôpital de La Pitié-Salpêtrière est labellisé pour l'accueil des polytraumatisés. L'hôpital Bichat-Beaujon l'est aussi, mais il a été mis en réserve précisément pour cette raison. Encore une fois, lorsqu'on l'examine a posteriori, la répartition des victimes me paraît avoir répondu à l'objectif d'intérêt général qu'est la protection des patients.

Les professionnels que vous auditionnerez ultérieurement seront plus légitimes et plus compétents que moi – qui ne suis pas médecin – pour répondre à votre question sur les évolutions de la prise en charge. En tout cas, celles-ci n'ont pas été décidées dans la nuit du 13 au 14 novembre. Les armes très meurtrières qui ont été utilisées provoquent en effet beaucoup de blessures et de traumatismes. Ces derniers temps, nos équipes, surtout les équipes pré-hospitalières, ont eu des échanges nourris avec leurs collègues français, mais aussi britanniques, espagnols et américains, afin d'adapter leur prise en charge. Les conditions balistiques dictent les conditions de prise en charge.

Nous travaillons beaucoup sur les questions d'identification des victimes et d'information. Il y a plusieurs aspects. D'abord, il faut établir plus rapidement et mieux une liste consolidée des victimes prises en charge dans les différents établissements, non seulement dans les trente-neuf hôpitaux de l'AP-HP, mais aussi dans les autres hôpitaux, où les blessés ont pu arriver par leurs propres moyens. Cela a été fait sous l'égide de l'ARS non pas dans les premières heures, mais dans les jours qui ont suivi.

Ensuite, il existe un délai incompressible – que je ne suis pas en mesure d'évaluer – pour l'identification des victimes décédées, compte tenu du temps nécessaire à l'enquête et aux opérations d'identification parfois extrêmement délicates qu'il faut réaliser. Cette attente restera douloureuse pour les proches et les familles.

Enfin, selon moi, c'est une bonne chose de consacrer un lieu central et accessible à l'accueil des familles et des proches. Nous avions suggéré que ce lieu soit l'Hôtel-Dieu, que nous venions d'ouvrir. Ce n'est pas le choix qui a été retenu, pour des raisons de sécurité que je comprends très bien. Nous sommes prêts à organiser, pour l'avenir, un lieu analogue à l'Hôtel-Dieu, offrant des conditions d'accueil adéquates, doté du personnel et des moyens informatiques requis, qui soit considéré par les différents acteurs comme un lieu naturel pour recevoir les familles et les proches.

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