Intervention de Martin Hirsch

Réunion du 29 février 2016 à 18h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :

On attend en effet trop longtemps aux urgences. Ce n'est pas normal, et je suis le premier à le reconnaître. Nous avons pris l'engagement de diviser par deux le délai moyen de prise en charge dans les services des urgences – qui est actuellement un peu inférieur à quatre heures – sur la durée de notre plan stratégique. Nous travaillons beaucoup sur ce point.

Cependant, cela n'a aucun impact sur les conditions de prise en charge dans des circonstances telles que celles du 13 novembre, pour plusieurs raisons. Premièrement, les blessés suivent alors un circuit préparé. Ils sont souvent pris en charge directement en salle de réveil sans passer par l'infirmière d'orientation, notamment. C'est l'une des forces de cette prise en charge. Deuxièmement, outre le rappel du personnel, le plan blanc a pour objet de « faire de la place », non pas au sens physique du terme, mais en accélérant le circuit des patients déjà présents dans l'hôpital. Par exemple, un patient se trouvant en salle de réveil va passer plus rapidement à l'étape suivante. Il n'y a eu aucune difficulté de ce point de vue le 13 novembre. Ainsi que me l'ont rappelé certaines équipes le lendemain, elles s'y étaient préparées le matin même, lors de l'exercice mentionné précédemment.

D'autre part, j'y insiste, en raisonnant en professionnels, les agents des hôpitaux de l'AP-HP ou hors AP-HP qui n'ont pas pris en charge de victimes ne devraient pas exprimer de frustration. Ils pourraient le faire si les hôpitaux qui ont été en première ligne avaient été débordés et avaient mal pris en charge les victimes. Or tel n'a pas été le cas. Partager le flux de patients entre l'hôpital Saint-Joseph et l'hôpital européen Georges-Pompidou plutôt que de les orienter tous vers ce dernier aurait été une mauvaise décision médicale, car les équipes de Georges-Pompidou avaient préparé tous les aspects de la prise en charge – matériel, stérilisation, etc. Imaginez l'inverse : que l'on ait réparti les victimes entre les hôpitaux dans un souci d'équité et que l'une d'entre elles ait été mal prise en charge…

En tant que directeur de l'AP-HP, responsable à la fois d'une partie du pré-hospitalier – les quatre SAMU que j'ai cités – et de l'hospitalier, j'estime qu'il faut assumer complètement la répartition qui a été faite. Elle était rationnelle du point de vue de la qualité de la prise en charge. Elle a d'ailleurs permis à certains établissements, qui n'étaient pas nécessairement labellisés pour l'accueil des polytraumatisés, de faire face à un plus grand nombre de « petites » urgences. Les gens qui regardaient les actualités en continu savaient que, s'ils se faisaient une entorse, ce n'était guère le moment d'aller à Georges-Pompidou, et qu'il y avait d'autres hôpitaux qui n'étaient pas, eux, en première ligne.

Concernant la prise en charge sur les lieux des attentats, il y a eu des difficultés de deux ordres. D'une part, ainsi que les acteurs de terrain pourront en témoigner, certains endroits étaient sécurisés, notamment le Bataclan et ses abords, parce que les rafales de tirs continuaient et qu'il s'agissait d'éviter des victimes supplémentaires. De ce fait, les secours n'ont pas pu accéder immédiatement à certains blessés – dont, probablement, le journaliste du Monde que vous avez reçu. Les forces de police dissuadaient les médecins secouristes d'emprunter telle ou telle rue, les instructions étant alors de se mettre à l'abri sous les porches ou dans les rues avoisinantes. Telle a été la logique. J'ignore s'il y a des choses à revoir en la matière. Rappelons que la situation était inédite : nous étions en plein Paris, le nombre de terroristes était indéterminé, de même que la quantité d'armes dont ils disposaient.

D'autre part, de manière moins dramatique, nous avons été alertés sur le cas d'infirmières bloquées à des barrages alors qu'elles rejoignaient, par exemple, l'hôpital Saint-Louis. J'ai appelé le préfet de police de Paris et ses collaborateurs, et nous nous sommes mis d'accord sur le fait que, compte tenu des circonstances, tout moyen d'identification pouvait convenir. Nous nous sommes aussi entendus sur un numéro d'appel permettant de vérifier l'identité des personnes en cas de doute. Actuellement, nous travaillons à la mise au point d'une carte d'identification identique au badge d'accès qui serait mise à jour plus régulièrement et que chaque membre du personnel conserverait sur lui en permanence. Tout le monde ne disposait pas d'un tel document le 13 novembre.

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