Intervention de médecin général inspecteur Dominique Vallet

Réunion du 29 février 2016 à 18h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

médecin général inspecteur Dominique Vallet, adjoint « offre de soins et expertise » au directeur central du service de santé des armées :

La confrontation à des événements d'une telle ampleur a évidemment des conséquences psychologiques importantes, tant sur les victimes directes que sur les autres personnes impliquées, notamment les sauveteurs. Il faut bien reconnaître qu'il est parfois difficile d'agir sur ces conséquences, les victimes civiles étant par définition très dispersées et constituant une population moins « captive » ou « cernable » que les unités militaires ou le personnel d'un hôpital.

Environ 180 personnes bénéficient actuellement d'un suivi psychologique dans nos trois hôpitaux parisiens. Elles ont pris contact avec nous soit directement dans les hôpitaux le 13 novembre et dans les jours qui ont suivi, soit à travers la cellule d'accueil des familles qui avait été mise en place à l'École militaire, au sein de laquelle nous sommes intervenus pendant trente-six heures.

S'agissant des sauveteurs, le SSA est concerné au premier chef par le personnel de la BSPP, qui a un statut militaire. L'impact des événements sur ces femmes et ces hommes ayant été rapidement perceptible, un plan d'action de grande ampleur a été décidé : les 840 pompiers concernés ont été reçus en entretien individuel par un psychiatre ou un psychologue dans les jours suivants, et 24 % d'entre eux ont souhaité avoir un deuxième entretien. Un plan d'action spécifique a été mis en place à la BSPP : le commandement est formé à la détection d'un certain nombre de signes indirects qui peuvent traduire une souffrance des personnels à distance des événements. En outre, dans le cadre de la médecine du personnel dont disposent ces unités, une procédure particulière de dépistage du traumatisme psychique et de l'état de stress post-traumatique a été mise en place lors des visites médicales périodiques. Elles concernent soit l'ensemble de l'unité, soit des personnels spécifiquement ciblés.

Ces mesures s'inscrivent plus largement dans le cadre d'un plan d'action mis en place depuis trois ans par le SSA en matière de prise en charge des troubles psychotraumatiques. Ce plan prévoit notamment un dépistage systématique lors du débriefing ou du sas de décompression qui suit immédiatement certaines interventions, ainsi que lors des visites médicales annuelles ou bisannuelles que passent les militaires.

Il est essentiel de conserver un regard très attentif sur ces personnels dans la durée, au-delà des événements et au-delà de l'émotion et de l'attention collective qu'ils ont suscitées. La souffrance de ces personnels peut s'exprimer parfois de manière très indirecte, soit au travers de troubles du comportement, qui, en milieu militaire, peuvent éventuellement avoir une traduction disciplinaire, soit au travers d'incidents dans l'exercice technique des fonctions, voire de fautes professionnelles. Ces faits qui, à distance, paraissent se réduire à de simples défaillances du personnel, peuvent être le reflet de sa souffrance psychique. Il est donc très important que les institutions mettent en place des dispositifs qui permettent de suivre ces personnels dans la durée, sans les forcer et en respectant leur intimité. Il faut continuer à offrir une prise en charge, dont les intéressés peuvent se saisir ou non.

En ce qui concerne les victimes civiles, la tâche est plus difficile, je l'ai dit, en raison de leur dispersion et de l'absence de structures « de cohésion » qui permettent d'exercer un regard collectif attentif. Cela rend encore plus nécessaire l'attention de la part de l'ensemble des acteurs de la communauté nationale, notamment dans les secteurs médical et médico-social. Il ne faut pas oublier ce que les gens ont traversé et s'efforcer de ne manquer aucune des occasions dans lesquelles on peut leur apporter une aide, qu'elle soit médicale, médico-sociale ou de l'ordre de la réparation. Outre le suivi de 180 victimes civiles au sein de nos HIA, que j'ai mentionné, nous avons réalisé plus de 60 expertises initiales à distance des événements pour des victimes qui demandent un certificat médical, lequel constitue une reconnaissance de leur souffrance et une première étape vers une réparation de la part de la communauté nationale. En effet, ces victimes peuvent éventuellement solliciter une réparation au titre des pensions militaires d'invalidité ou des pensions civiles, les deux dispositifs étant ouverts à l'ensemble des victimes, civiles comme militaires.

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