Intervention de Aline le Bail-Kremer

Réunion du 17 février 2016 à 16h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Aline le Bail-Kremer, responsable communication et gestion de l'AFVT :

On pourrait déjà réfléchir à la mise en place d'un numéro « 08 », avec des gens qui répondent vraiment, car les familles sont restées trois jours sans informations. Nous avons entendu des témoignages très forts en la matière, mais, pour l'avoir vécu personnellement, ce numéro « 08 » qui ne répondait pas était très perturbant. Il y a eu là un raté abyssal. Certes, soyons justes, ce moment ne pouvait pas bien se passer : il ne faut pas se tromper de colère. Mais se rend-on bien compte de la violence produite par cette défaillance, des blessures supplémentaires qu'elle a occasionnées, sans parler de la perte de temps et d'énergie, et du malheur ajouté par ce numéro qui ne répondait pas, par le numéro de l'AP-HP qui ne répondait pas non plus et qu'il fallait appeler cinquante fois pour obtenir une information partielle ?

Cela dit, pouvait-on se préparer à un événement d'une telle ampleur ? Il est peut-être plus sain de ne pas avoir été préparé à cette horreur. Mais ce n'est pas réécrire l'histoire de dire qu'il y a eu des ratés sidérants et vertigineusement douloureux pour de nombreuses familles.

Il ne s'agit pas de montrer du doigt tel ou tel individu croisé dans le dispositif : tous étaient prévenants. Mais il y a des défaillances dans leur formation. Le samedi, vers dix-sept heures, on nous a dit « de ne pas nous inquiéter ». La phrase était très perturbante, et pour le moins maladroite, mais je n'en veux pas à la personne qui a dit cela. Comme bien d'autres familles, nous avons compris que ces gens n'étaient absolument pas formés. On m'a dit aussi, de façon légère : « Bonne soirée ! » C'est peut-être un détail anodin, mais l'addition de détails anodins finit par montrer qu'il y a quelque chose qui n'a pas fonctionné, que les gens n'étaient pas formés, en tout cas que ceux auxquels nous avons eu affaire ne l'étaient pas.

Il faut reconnaître l'authenticité de la douleur qui s'est exprimée, aujourd'hui ou avant-hier. Si elle se donne libre cours lors des travaux de cette commission d'enquête, c'est, je pense, en réaction à ce qui s'est passé ces trois derniers mois. Nous nous sommes adressés à différents responsables pour obtenir des réponses, mais nos questions ont été comme balayées d'un revers de manche. Nous avons même ressenti une certaine forme de mépris, ce qui a été très difficile à vivre pour des gens effondrés, en souffrance. Peut-être ce mépris et cette non-empathie ont-ils contribué à faire ressortir la douleur, qui a explosé ces derniers temps.

Voilà ce que je voulais dire sur ce dispositif, sachant que j'ai vécu la situation de l'intérieur.

J'ajoute qu'il faut absolument mettre des sièges à l'Institut médico-légal…

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