Intervention de Yves Fromion

Réunion du 8 mars 2016 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion, co-rapporteur :

En revanche, nous estimons que, parmi les neuf opérations PSDC actuellement menées par l'Union européenne en Afrique, trois pourraient davantage prendre en compte le problème des migrations à destination de la Libye : EUBAM Libye, chargée d'aider les autorités libyennes à renforcer la sécurité à leurs frontières ; EUTM Mali, qui a pour objectif de former les forces armées maliennes ; EUCAP Sahel Niger, destinée à conseiller les autorités nigériennes dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. C'est d'ailleurs aussi le cas de l'opération française Barkhane au Sahel.

Le principal reproche susceptible d'être adressé à l'opération Sophia est en effet qu'elle agit comme un « accélérateur migratoire », sans que des actions efficaces soient conduites, ni pour limiter ce mouvement humain à sa source ni pour se donner les moyens d'opérer des reconduites dans les pays d'origine. La passivité de l'Union européenne en la matière n'échappera pas éternellement à la critique publique ; il arrivera un moment où les autorités bruxelloises ne pourront plus entretenir l'« illusion humanitaire ».

La reconduction de Sophia suppose l'adoption d'une nouvelle décision avant le 27 juillet2016. Celle-ci apparaît aujourd'hui nécessaire afin de poursuivre l'action dans trois directions : maintenir la pression sur les trafiquants ; continuer à sauver des vies ; rester prêts à passer à la phase 2b.

Si les deux premières phases se sont déroulées conformément à la planification et aux attentes des donneurs d'ordres politiques, les résultats stratégiques tangibles obtenus ne constituent qu'une étape : l'opération n'a certes de sens que dans sa progression vers sa phase ultime, mais il aurait été impossible de commencer par celle-ci, ex nihilo.

Les conditions juridiques nécessaires au passage aux phases ultérieures rendent toutefois celui-ci hypothétique. Elles prévoient en effet l'intrusion de la force de Sophia dans l'espace de souveraineté maritime puis terrestre de la Libye, ce qui imposera le consentement du gouvernement local, assorti de nouvelles résolutions de l'Organisation des Nations unies (ONU).

Aux deux étapes, une résolution des Nations unies pourrait certes suffire et se substituer à une invitation puis à une coopération de la Libye, mais encore faudrait-il qu'aucun membre permanent du Conseil de sécurité n'y mette son veto. Il serait au demeurant préférable, voire indispensable, d'intervenir avec l'aval des autorités locales, afin de ne pas se les aliéner en s'aventurant dans une confrontation avec elles.

Quoi qu'il en soit, la Libye doit sortir de sa condition actuelle d'État failli. Or les tentatives d'obtenir un accord en vue de constituer un gouvernement d'entente nationale ont jusqu'à présent échoué.

Parallèlement aux efforts de recherche d'un accord en vue de la constitution d'un gouvernement d'entente nationale, la communauté internationale réfléchit aux modalités du soutien sécuritaire qui pourra lui être apporté une fois en fonctions. La sécurité de la Libye et, par extension, de l'aire méditerranéenne, dépend du désarment des milices et du démantèlement du bastion de Daesh dans le golfe de Syrte.

Ce renforcement des capacités étatiques libyennes pourrait être ajouté au mandat de Sophia, qui pourrait alors travailler en coordination avec EUBAM Libye.

Deux autres axes de coopération méritent d'être explorés : le soutien aux secteurs économiques alternatifs au trafic de migrants et la coordination des dispositifs de lutte contre le terrorisme.

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