Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j’interviens aujourd’hui dans cet hémicycle pour la première fois depuis ma nomination en tant que ministre du logement et de l’habitat durable. Je suis très heureuse que ce soit pour vous présenter ce texte concernant la gouvernance d’Action logement.
Comme vous le savez, le logement n’est pas un bien comme un autre. C’est un bien indispensable pour l’émancipation et la construction d’un projet de vie. Je suis honorée de poursuivre l’engagement du Gouvernement pour permettre un meilleur accès à un logement abordable, durable et de qualité pour les Françaises et les Français. C’est dans ce sens que je vous présente aujourd’hui ce projet de loi d’habilitation pour réformer le réseau Action logement, anciennement appelé « 1 % logement ».
Le réseau Action logement a pour objectif de faciliter l’accès au logement des salariés pour favoriser l’accès à l’emploi et la mobilité professionnelle. En cela, il a la charge d’articuler deux des préoccupations principales de nos concitoyens : l’emploi et le logement. Ces deux préoccupations sont indissociables et sont, l’une comme l’autre, des priorités du Gouvernement.
Aujourd’hui, la participation des employeurs à l’effort de construction – la PEEC –, contribution versée par les employeurs du secteur privé non agricole et affectée au financement d’actions dans le domaine du logement des salariés, joue un rôle central et est gérée paritairement par Action logement. Elle est notamment consacrée au financement du logement social, du logement intermédiaire, des prêts pour l’accession à la propriété offerts aux salariés et des aides à la mobilité.
Action logement finance également la caution locative Visale en vigueur depuis le 1er février 2016, destinée aux salariés jeunes ou précaires, y compris les ménages en intermédiation locative, dispositif que nous souhaitons d’ailleurs élargir aux demandeurs d’emploi. Je tiens à rappeler la contribution majeure d’Action logement au financement du logement et, plus globalement, aux politiques publiques du logement.
En effet, dans le cadre d’un accord-cadre passé entre l’État et l’Union des entreprises et des salariés pour le logement – l’UESL –, Action logement s’est engagé à une mobilisation exceptionnelle sur six ans de 3 milliards d’euros d’emprunts auprès des fonds d’épargne. Cela doit permettre la construction de logements sociaux destinés aux salariés et contribuer ainsi à la réalisation de l’objectif national de production de logements. Il faut saluer cette mobilisation.
Par ailleurs, la loi ALUR prévoyait que la nature et les règles d’utilisation des emplois de la PEEC soient fixées par convention entre l’État et l’UESL. C’est l’objet même de la convention quinquennale signée en décembre 2014. Cette convention prévoit de renforcer le lien entre l’emploi et le logement, en soutenant la construction de logements abordables pour les salariés.
En 2015, les emplois de la PEEC se sont élevés à 3,9 milliards d’euros, répartis de la manière suivante : 1,4 milliard au titre des financements destinés aux personnes morales, notamment les organismes HLM ; 1,3 milliard dédié au financement des politiques publiques, notamment celle de renouvellement urbain ; 1 milliard au titre des financements destinés aux personnes physiques, notamment avec les prêts favorisant l’accession à la propriété ; 200 millions accordés à l’Association foncière logement – l’AFL – pour le financement de logements locatifs destinés aux salariés dans les quartiers de rénovation urbaine.
Cependant, l’organisation actuelle du réseau Action logement fait apparaître des faiblesses rédhibitoires qui persistent malgré les efforts de rationalisation engagés ces dernières années, notamment en réduisant le nombre de comités interprofessionnels du logement – CIL – chargés d’assurer la collecte dans les territoires. La principale faiblesse de l’organisation actuelle est la concurrence que pratiquent les CIL entre eux vis-à-vis des entreprises pour récupérer la collecte de la PEEC. Celle-ci étant obligatoire, la mise en concurrence n’a aucune valeur ajoutée.
L’organisation actuelle démontrant ses limites, les partenaires sociaux d’Action logement ont décidé, lors de leur conseil d’administration du 9 avril 2015, de réorganiser ce réseau afin de supprimer la concurrence entre les CIL pour la collecte, de renforcer les services au profit des entreprises et des salariés et de donner équitablement accès aux mêmes prestations aux grandes comme aux petites entreprises.
Cette réforme a pour ambition non seulement d’améliorer le fonctionnement interne du réseau Action logement, mais également de renforcer son efficacité et de dégager de nouvelles marges de manoeuvre sur la politique du logement, étroitement liée à celle de l’emploi. Pour une réforme efficace du réseau, des modifications législatives sont nécessaires. Le présent projet de loi a pour vocation de vous présenter une habilitation à légiférer par ordonnance pour mettre en oeuvre cette réforme, même si je sais que cette méthode suscite les réserves de certains d’entre vous, comme nous l’avons vu en commission.
C’est pourquoi je veux d’ores et déjà vous redire, comme je m’y suis engagée lors de l’examen en commission, que les parlementaires seront associés à la rédaction des projets d’ordonnance, dans un souci de transparence et de concertation continue.
Globalement, le projet de loi prévoit d’organiser le réseau Action logement autour d’une structure faîtière qui pilotera l’ensemble du dispositif. Elle pilotera un pôle service unique, chargé de collecter la PEEC et de distribuer les services, et un pôle immobilier qui portera les participations d’Action logement détenues dans le capital des opérateurs immobiliers de son réseau. Cela permettra un fonctionnement beaucoup plus efficace.
Le pôle service remplacera tous les CIL. Il sera chargé de collecter la PEEC et de délivrer les aides et les services, en garantissant l’équité dans leur distribution et la prise en compte des besoins des territoires. La centralisation de la collecte permettra de développer une culture du service et de la performance dans l’intérêt des entreprises et de leurs salariés.
Le pôle immobilier, quant à lui, portera l’ensemble des participations actuellement détenues par les CIL dans les entreprises sociales d’habitat et les autres sociétés immobilières. Il sera chargé de mettre en oeuvre la politique immobilière déterminée par la structure faîtière en application des orientations définies avec l’État dans la convention quinquennale. Cette nouvelle entité permettra d’accroître la production de logements sociaux et intermédiaires et de soutenir l’emploi dans le secteur de la construction et des services immobiliers.
J’en profite pour vous dire que, depuis quelques mois, la reprise de la construction se confirme, tant dans le secteur privé – aussi bien dans l’investissement locatif que dans l’accession à la propriété – que pour le logement locatif social dont la production a connu une hausse en 2015. Nous devons tout faire pour encourager cette dynamique, en poursuivant la mise en oeuvre du plan de relance et en sécurisant le financement du logement social.
Je suis en effet attachée au fait que le financement du logement social soit adapté aux besoins et équitable entre les différentes familles de bailleurs sociaux. L’État prendra toute sa part, notamment au travers du Fonds national des aides à la pierre, mais aussi par le biais des prêts à taux zéro annoncés par le Président de la République pour soutenir l’action en faveur de la construction.
Cette réforme représente une avancée majeure, tant pour les salariés que pour les entreprises. En supprimant la concurrence entre les CIL et en centralisant la collecte, elle permettra d’assurer une plus grande transparence pour les entreprises. Celles-ci pourront ainsi mieux apprécier le niveau et la qualité des emplois et des services délivrés à leurs salariés. Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, seront traitées de manière équitable.
La réforme facilitera également l’adéquation des produits et des services d’Action logement aux publics visés, en cohérence avec les priorités stratégiques retenues, par exemple les jeunes ou les actifs en situation de retour à l’emploi.
Enfin, nous attendons de cette réforme un accroissement de la qualité des services rendus aux salariés, par une égalité d’accès à l’information, par exemple, et par l’accès à des services facilitant la mobilité inter-entreprises – et non seulement intra-entreprises comme c’est le cas aujourd’hui –, ou encore par la mutualisation des services qui permettra une plus grande marge de manoeuvre et d’action au profit de certains segments de salariés comme les saisonniers, les travailleurs en horaires décalés ou ceux ayant besoin d’un logement très proche de leur emploi.
J’attends également des impacts positifs quant au financement du logement social et intermédiaire. La création d’un organisme unique chargé de la distribution des prêts au logement social permettra en effet une plus grande transparence dans les règles de distribution. Il facilitera également le respect des engagements pris en matière de répartition des aides entre les territoires où la situation du logement est tendue et ceux où elle ne l’est pas, et entre les différents organismes, quel que soit leur statut.
Cette nouvelle organisation comporte ainsi une forte dimension territoriale, notamment à travers la création des comités régionaux Action logement, les CRAL. Ils doivent contribuer à améliorer le dialogue avec les acteurs locaux et permettre ainsi aux orientations nationales de correspondre le mieux possible aux besoins des territoires et de leurs salariés.
Enfin, il y a un intérêt majeur à cette rationalisation : l’optimisation des coûts de fonctionnement, ainsi que la centralisation du cadrage financier et territorial. La rationalisation des flux financiers donnera une plus grande marge de manoeuvre à Action logement, laquelle devra être réinvestie dans le logement.
Plusieurs amendements déposés par le rapporteur, qui ont reçu un avis favorable de ma part, ont permis de préciser le texte, lors de son examen en commission des affaires économiques. Je vous en remercie, monsieur le rapporteur.
Ces précisions portent, entre autres, sur la mise en place d’un comité des partenaires d’Action logement – notamment les partenaires du logement social comme l’Union sociale pour l’habitat, l’USH – au niveau de la structure faîtière pour assurer le suivi des emplois de la PEEC, sur la prévention des conflits d’intérêts, qui sera inscrite dans le projet de loi et précisée par l’ordonnance, et sur le raccourcissement du délai de publication des ordonnances de douze à huit mois. Sur ce dernier point, j’ai d’ailleurs réaffirmé en commission mon intention de publier l’ordonnance au début de l’automne, afin que la réorganisation d’Action logement soit effective au 1er janvier 2017.
Enfin, je me suis engagée lors de l’examen en commission à travailler, en vue de la séance, à la rédaction d’un amendement relatif au contrôle de l’État concernant l’emploi de la PEEC pour capitaliser certaines filiales du pôle immobilier d’Action logement. L’amendement présenté par M. Bies en commission, et qu’il avait retiré, visait à introduire une autorisation systématique ou un veto…