Mme la ministre a presque tout dit dans son intervention. Les dispositions visées reviennent devant notre assemblée après avoir été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme. Comme l’ont souligné Jacques Chanut et Jean-Baptiste Dolci, président et vice-président d’Action logement, il est important désormais que ce texte soit adopté rapidement pour que cette réforme voulue par les partenaires sociaux puisse voir le jour.
Chacun est conscient que le système actuel ne fonctionne pas ; les nombreux rapports de la Cour des comptes l’ont démontré. Deux exemples illustrent ces dysfonctionnements. Les comités interprofessionnels du logement – les CIL – ne sont pas en mesure de mettre en application les recommandations des conventions signées entre l’État et Action logement. Ainsi, 25 % des logements devaient être réservés aux populations relevant du droit au logement opposable, dit DALO, mais nous n’avons atteint que 40 % de cet objectif. De même, dans le cadre du programme national de rénovation urbaine – le PNRU –, Action logement devait attribuer 30 000 logements en contrepartie des 12 milliards accordés à l’agence. Or seuls quelque 2 000 ou 3 000 logements ont pu être attribués. Cela pose une vraie difficulté car attribuer ces 30 000 logements à des populations salariées aurait permis d’améliorer la mixité sociale dans ces quartiers ; dès lors que les salariés ne les ont pas obtenus, nous assistons à un recul de la mixité. Tous ces constats ont amené les partenaires sociaux à proposer cette réforme, validée par le Gouvernement.
À l’occasion de l’examen en commission du présent projet de loi d’habilitation, nous avons entendu les craintes du monde du logement social. Jean-Louis Dumont nous a ainsi alertés sur les risques éventuels liés à la création d’une seule structure, qui pouvait bouleverser les conditions d’utilisation de la PEEC. C’est pourquoi la commission a adopté à l’unanimité mon amendement précisant qu’il faudrait créer un comité des partenaires leur permettant de dialoguer et de contrôler l’utilisation de la PEEC, afin que tout se fasse dans l’équité, sans risque de captation de la PEEC au profit de certains. La création de cette structure pouvant également entraîner des conflits d’intérêts, un amendement a été adopté pour les limiter, voire les empêcher dans la loi d’habilitation et dans les ordonnances à venir. Ces éléments vont dans le bon sens.
Enfin, nous avons longuement débattu des conditions de prise de participation d’Action logement dans les organismes du logement social. Action logement pouvant d’ores et déjà prendre des participations, le risque existe aujourd’hui, mais il reste limité car dans le cadre de la convention quinquennale, les prises de participation ne dépassent pas quelque 5 % de la PEEC – les montants en jeu sont donc modestes. Nous en avons beaucoup discuté et Mme la ministre défendra tout à l’heure un amendement permettant de rassurer tout le monde, qui stipule que l’État, et non seulement le ministère du logement, pourra s’opposer à une prise de participation si celle-ci doit entraîner un bouleversement de l’architecture des différents organismes concernés.
Un sujet a fait l’objet de débats et a fait naître des inquiétudes dans le monde du logement social, en particulier à l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, comme parmi les CIL : faut-il autoriser, dans la loi d’habilitation et dans les ordonnances, le transfert automatique des parts de l’ensemble des CIL vers Action logement ? Certains souhaitaient que chaque structure donne son autorisation aux transferts de participation. Ces amendements risquant de mettre à mal l’ensemble de la réforme, la commission les a rejetés. En effet, il nous faut désormais avancer vite pour adopter cette réforme indispensable.
En tant que président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU, je constate que, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain – le NPNRU –, nous avons besoin de la mixité sociale. Or celle-ci ne pourra exister que si Action logement peut attribuer les logements construits ou rénovés aux salariés de notre pays. Nous aurons bientôt l’occasion de travailler sur un texte portant sur l’égalité et la citoyenneté, qui concernera notamment le logement.
Le Premier ministre a prononcé des mots forts – ghettoïsation, apartheid… – pour exprimer sa volonté de lutter contre ces maux, et nous espérons que le texte à venir comportera des avancées importantes. La réforme d’Action logement lui permettra de mettre en oeuvre les mesures législatives que nous adopterons dans ce cadre. L’ensemble de ces mesures rendra enfin notre action efficace. En effet, nous aurons beau rénover et construire des logements sociaux, là où il faut, si nous n’en maîtrisons pas les attributions et si nous ne faisons pas en sorte que dans les quartiers les plus défavorisés, les salariés accèdent à l’emploi, le voeu de mixité sociale, cher à nous tous, restera lettre morte.
Je vous appelle bien entendu à voter ce texte, qui fait l’objet d’un seul amendement. Une fois qu’il sera adopté, j’espère un vote conforme au Sénat et une rédaction rapide des ordonnances. Dans le texte initial, le Gouvernement proposait de rédiger celles-ci dans un délai de douze mois ; nous avons souhaité le réduire à huit mois et étions même favorables à six mois afin d’inciter à la plus grande rapidité possible. Les partenaires sociaux comme les membres de la commission des affaires économiques et, j’espère, l’ensemble des députés – nous verrons ce qu’il en est dans la matinée – souhaitent que cette réforme soit mise en oeuvre avant le 31 décembre, afin que tout soit réglé au 1er janvier 2017. Les délais sont donc très contraints. Nous espérons être associés à la rédaction des ordonnances pour être tous d’accord au moment de la ratification. Ainsi, cette réforme importante pourra enfin entrer en vigueur.