Intervention de Raoul Salomon

Réunion du 9 mars 2016 à 18h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Raoul Salomon, responsable des activités de marché pour Barclays en France :

Sur la question des détenteurs de la dette, il faut savoir qu'il est extrêmement compliqué de faire des statistiques de patrimoine. L'INSEE fait maintenant ces statistiques, mais connaître les stocks est très complexe. Ce que nous pouvons connaître, ce sont les données de flux, car la balance des paiements nous y aide.

Un seul pays fait vraiment un effort pour chercher à savoir qui sont les détenteurs finaux de sa dette, ce sont les États-Unis, qui publient les « TIC data » (Treasury International Capital). Mais en y regardant de près, nous constatons des situations extrêmement étranges. Ainsi, le quatrième ou cinquième pays détenteur de dette des États-Unis serait la Belgique, ce qui est difficile à croire. Cela s'explique par le fait que la banque Euroclear a son siège en Belgique. Lorsque l'on détient de la dette, il est nécessaire d'avoir un dépositaire. Ainsi, la Banque de France est dépositaire d'un certain nombre d'autres banques centrales. Mais certains investisseurs ont besoin d'un dépositaire qui ne se trouvera pas dans leur pays, et préfèrent alors s'adresser à des établissements dont c'est la spécialité. Il y a ainsi quelques grands dépositaires, Euroclear est l'un d'eux.

Si l'on étudie les statistiques américaines, on retrouve les pays où se trouvent ces dépositaires. On trouve ainsi de nombreux dépositaires dans les îles des Caraïbes, mais on se doute bien que l'argent ne vient pas de là. Le biais statistique peut dont être gigantesque.

En fait, il faudrait demander aux investisseurs d'où vient l'argent qu'ils placent, et ils n'ont pas nécessairement envie de le dire. Il est évident que certains ont quelque chose à cacher, mais lors de la crise des dettes souveraines, nous avons aussi connu des investisseurs qui n'étaient pas très fiers d'avoir investi dans la dette grecque ou espagnole, et qui ne préféraient pas trop en parler. De façon générale, on préfère parler des investissements gagnants que perdants, et ce n'est pas propre aux investisseurs institutionnels.

Ainsi, tous les SVT fournissent tous les mois au Trésor des statistiques harmonisées de flux, indiquant par pays et par type d'investisseur ceux avec qui nous avons traité. Une des entrées est « banque centrale », et comme il n'y en a qu'une par pays, on peut évidemment voir ce que fait l'investisseur. Un certain nombre de banques centrales nous ont fait savoir qu'elles n'appréciaient pas que nous fournissions autant de détails, elles n'avaient pas envie que tous leurs investissements soient rendus publics de la sorte. Elles nous ont donc demandé de présenter les données en additionnant plusieurs pays, de façon à ce que les flux ne soient pas visibles par tout le monde.

Il ne faut pas sous-estimer le fait que certains n'ont pas envie de faire savoir quand ils achètent ou vendent. Ceci ajouté au fait que les investisseurs sont obligés d'avoir des dépositaires hors de leurs frontières, cela rend la collecte de ces données extrêmement compliquée.

C'est ainsi qu'en lisant les statistiques des États-Unis, on trouve des données extrêmement surprenantes sur les Suisses, les Belges ou les îles des Caraïbes, mais tout le monde sait bien que ce ne sont pas dans ces États que se trouvent les vrais détenteurs de la dette américaine. Il est extrêmement compliqué de disposer de statistiques sur les données de stock.

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