Intervention de Franck Morel

Réunion du 11 février 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Franck Morel, avocat associé du cabinet Barthélémy et membre du groupe de travail :

C'est avec justesse qu'Éric Aubry a souligné que la question du monopole avait donné lieu à un débat au sein de notre groupe. Le rapport en porte la marque puisqu'il propose deux solutions alternatives, la fin du monopole n'étant que l'une d'elles. À titre personnel, je suis défavorable à la fin du monopole de présentation des organisations syndicales au premier tour. Ce premier tour a deux finalités : l'élection de représentants, certes, mais aussi, depuis la réforme essentielle de 2008, la mesure de la représentativité des organisations syndicales.

La suppression du monopole, outre sa signification symbolique, ne manquerait pas d'avoir des effets pervers peu maîtrisables. Aussi avons-nous formulé une autre proposition préservant le monopole de présentation au premier tour à la condition qu'un seuil minimal de participation soit atteint. Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, d'insister sur la notion cruciale de légitimité ; par notre proposition, nous souhaitons la conforter. On pourrait prendre l'exemple caricatural, mais juridiquement possible, d'une personne qui serait seule à voter, pour elle, au premier tour et, en application des règles de monopole en vigueur, obtiendrait ainsi 100 % des voix. La pratique du référendum apporte, elle aussi, une réponse à la question de la légitimité.

La conformité des accords aux règles qui leur sont applicables est une question de mode d'analyse juridique de la situation soumise à l'appréciation du juge. Celui-ci peut prendre en compte à égalité les éléments apportés par chacune des parties, se forger une conviction et trancher. Il peut aussi, à l'instar de ce qui est pratiqué en matière de discrimination et qui nous vient du droit anglo-saxon, admettre l'inversion de la charge de la preuve. Il pourrait être décidé que c'est à la partie qui conteste la conformité de la règle conventionnelle au droit d'apporter la preuve.

En ce qui concerne la question du SMIC et des sujets susceptibles de relever ou non de la négociation collective, je vous renvoie au tableau très précis figurant dans notre rapport : il propose que le SMIC relève de la compétence des branches. Ainsi, le plancher minimal salarial serait fixé par les branches, comme c'est le cas dans un certain nombre de pays. Il nous semble que cela participerait du processus de promotion des domaines de compétence au sein desquels la branche a une valeur ajoutée. Les pipes de Saint Claude ont été évoquées sous forme de boutade. Ce n'est pas le nombre d'acteurs d'une branche professionnelle qui doit constituer le critère de justification des regroupements, mais la vitalité de la négociation collective. Cela vaut pour bien des conventions collectives, dites « exotiques », car sectorielles et limitées à des zones géographiques très particulières. De telles situations se rencontrent depuis les années 1950. La question est de savoir si une véritable activité conventionnelle soutenue dans la durée est constatée, et si, depuis, il y a eu des avenants et des accords salariaux ou non. Force est de constater que cela n'est pas le cas pour un nombre constant d'accords collectifs. C'est bien le manque de capacité à se saisir des enjeux qui importe alors.

Aujourd'hui, le domaine dans lequel les accords collectifs sont les plus nombreux est celui de l'aménagement du temps de travail, qui constitue pratiquement le seul sujet évoqué. La négociation collective ne peut pas connaître du contrat de travail ou de sa rupture et des motifs de celle-ci. Les interventions de la négociation sont extrêmement limitées dans le domaine des formes du contrat de travail : elle peut créer un CDD à objet défini, avec des règles très rigoureuses portant notamment sur la durée. De ce fait, les contrats négociés dans ces conditions sont fort peu nombreux. La question de l'élargissement du champ de compétence de la négociation collective, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, pose celle de l'équilibre avec les dispositions relevant du droit absolu. Ainsi, il ne reviendra pas aux partenaires sociaux de définir le pouvoir des juridictions ; l'ordre public absolu doit préserver les garanties essentielles, mais son existence ne doit pas empêcher l'élargissement substantiel de la capacité d'action de la négociation collective.

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