Je souhaite évoquer, dans mon propos liminaire, la problématique du développement durable dans notre secteur. Je suis accompagné de Mme Élisabeth Charrier, qui est déléguée régionale de la FNTR, mais aussi secrétaire générale de la FNTR Île-de-France, et donc, au courant des problématiques du dernier kilomètre et de la livraison en ville, et de M. Benoit Daly, secrétaire général de la FNTR, également responsable, chez nous, de toutes les questions de développement durable.
Notre secteur, le transport routier de marchandises, joue un rôle d'intérêt général, notamment dans le B to C (Business to Consumers – « des entreprises aux particuliers »), mais également, ce qui est moins connu, dans le B to B (Business to Business – « des entreprises aux entreprises »). Quand on évoque notre secteur et le développement durable, il faut mesurer le rapport coût-bénéfice pour l'économie. Nous avons, certes, des externalités négatives, mais également des externalités positives, qu'il faut prendre en compte.
Les entreprises de transport routier de marchandises, que défend la FNTR, ne sont pas tout le transport routier. Nous représentons plus spécifiquement ce que nous appelons le « transport pour compte d'autrui » – nos entreprises travaillent pour d'autres –, qu'il faut distinguer du « transport pour compte propre », assuré par des entreprises qui possèdent en propre des flottes pour assurer leur distribution.
En 2013, le compte d'autrui représentait à peu près 50 % du parc de poids lourds français.
Les poids lourds assurant le transport routier de marchandises représentent 4,8 % de la circulation, contre 71 % pour les voitures particulières immatriculées en France. Cela explique que nos poids lourds ne représentent que 6,7 % des émissions de CO2 en France. L'ensemble du transport routier représente à peu près 34 % des émissions, dont 19 % pour les véhicules particuliers. Nous ne représentons que 17 % de la consommation de diesel en France.
Ces distinctions ne nous exonèrent pas de nos responsabilités, mais nous sommes convaincus qu'il faut bien distinguer les secteurs pour bien traiter les problèmes et prendre les mesures adaptées à chacun des modes de transport routier.
Le transport routier de marchandises (TRM) s'inscrit pleinement dans le développement durable depuis vingt-cinq ans. Nous sommes convaincus que, en la matière, le transport routier de marchandises n'est pas le problème, mais la solution. Il faut donc accompagner notre secteur dans ses efforts de développement durable. C'est ce que nous souhaitons démontrer aujourd'hui devant vous.
En ce qui concerne la lutte contre les gaz polluants, par exemple, des progrès considérables ont été accomplis dans notre secteur au cours des vingt-cinq dernières années. Je fais référence à la démarche européenne visant à mettre en place les normes Euro, qui a commencé au début des années quatre-vingt-dix et a donné des résultats spectaculaires en ce qui concerne les quatre gaz polluants réglementés par l'Union européenne.
Les émissions ont diminué de 97 % pour les NOx, de 97 % pour les particules, de 94 % pour les hydrocarbures et de 86 % pour le monoxyde de carbone.
On n'a pas assez souligné les performances de la norme Euro 6, qui sont aujourd'hui reconnues par les autorités publiques, notamment par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), et qui sont particulièrement nettes dans la lutte contre les gaz polluants. Le ministère du développement durable reconnaît, dans l'un de ses documents, que la norme Euro 6 est la mesure la plus efficace pour réduire les gaz polluants dans le transport routier.
Bien entendu, les progrès que je vous ai signalés ne prennent pas en compte l'effet de renouvellement du parc. Ce renouvellement est assez rapide dans le secteur du transport routier de marchandises. Selon les chiffres de 2015, les deux dernières normes, Euro 5 et Euro 6, représentent déjà 57,5 % de l'ensemble du parc, en prenant en compte le transport pour compte d'autrui et le transport pour compte propre. Les normes antérieures à la norme Euro 3 ne représentent plus que 10,6 % du parc.
Si je me réfère aux chiffres du Comité national routier, qui travaille sur un échantillon de quelques centaines d'entreprises particulièrement représentatives de notre secteur, l'effet de renouvellement du parc est beaucoup plus accentué puisque les véhicules aux normes Euro 5 et Euro 6 représentent 77,6 % du parc de l'échantillon considéré, soit plus des trois quarts, contre 0,9 % pour les véhicules soumis à des normes antérieures à la norme Euro 3. Cela montre que le renouvellement du parc est plus rapide dans les entreprises pour compte d'autrui que dans les entreprises pour compte propre, ce qui est bien naturel puisque nos véhicules, roulant beaucoup plus que ceux des entreprises pour compte propre, sont soumis à un renouvellement plus important. Nos entreprises investissent 420 millions d'euros par an pour le renouvellement du parc, sachant qu'un véhicule soumis à une norme supérieure est évidemment plus cher.
J'en viens à une autre préoccupation des pouvoirs publics, la lutte contre le CO2. L'ensemble du transport routier représente 34,1 % des émissions de CO2 en France, les poids lourds ne représentant que 6,7 %, contre 19,1 % pour les véhicules particuliers. Pour être exact, si l'on rajoute aux poids lourds les véhicules utilitaires légers, on atteint, pour les émissions de CO2, le chiffre de 13,5 %.
Cela étant, nos émissions de CO2 n'ont augmenté que de 1,8 % entre 1990 et 2012, en dépit d'une l'augmentation de 27 % de l'activité de nos entreprises pendant la même période. On peut donc dire qu'il y a, depuis vingt ou vingt-cinq ans, une stabilité des émissions de CO2 dans le secteur du transport routier de marchandises, ce qui s'explique par une performance énergétique de nos véhicules plus importante qu'auparavant. Les émissions de CO2 par tonne de marchandises transportées ont diminué de 28 % par rapport à leur niveau de 1995. Cette performance énergétique est due aux évolutions technologiques des véhicules, mais aussi à une meilleure organisation des flux au sein de nos entreprises, à l'utilisation des outils informatiques et à la volonté qu'elles ont de s'inscrire dans le développement durable.
De ce point de vue, deux opérations ont donné des résultats tout à fait positifs dans notre secteur. La démarche des engagements volontaires de réduction de nos émissions de CO2, que l'on appelle la charte « Objectif CO2 », a permis à nos entreprises d'économiser un million de tonnes de CO2, selon les chiffres de l'ADEME.
Jeudi prochain aura lieu le lancement officiel du « label CO2 », en présence des ministres, Mme Royal et M. Vidalies. Ce label vise à reconnaître, non pas les progrès accomplis par nos entreprises, comme la démarche « Objectif CO2 », mais les performances environnementales en termes d'émissions de CO2 que nous avons pu atteindre.
La profession a travaillé à ce dispositif avec l'ADEME et le ministère du développement durable. Nous tenons beaucoup à ce label, dont les enjeux sont très forts en termes de développement durable et dont nous allons assurer la promotion auprès de nos entreprises, qui sont essentiellement des PME et des TPE.
Il s'agit là de démarches volontaires : nous avons été proactifs dans la lutte contre les gaz polluants et les émissions de CO2, et nous avons obtenu des résultats. Nous devons maintenant réussir la transition énergétique. Jusqu'à ce jour, il était difficile de recourir à des énergies alternatives. L'électrique et l'hybride étant réservés à la distribution urbaine, au dernier kilomètre, il s'agissait plutôt d'un marché de niche. Mais, depuis un an ou deux, se développe la possibilité de recourir au gaz naturel pour véhicules. Cela devrait faciliter la transition énergétique, mais nous devrons privilégier un mix énergétique et le diesel restera bien entendu un carburant largement utilisé par nos entreprises. Autrement dit, à chaque transport correspond son énergie, car une énergie donnée convient mieux à certains types de trafic, selon les distances parcourues ou la nature des trajets. Notre objectif est d'utiliser la meilleure énergie pour chaque usage, dans un contexte de développement durable.
C'est pourquoi nos entreprises s'intéressent au GNV, qui permet d'éliminer la problématique des particules liées au gazole, très prégnante en ville, ainsi qu'une diminution moyenne de 50 % des oxydes d'azote, les NOx. Le GNV marque également un avantage par rapport au diesel en matière de CO2. L'intérêt de cette énergie nouvelle est indéniable, d'autant plus quand on fait appel au biométhane, qui mérite d'être amplement développé.
J'en viens aux coûts externes. Permettez-moi d'abord d'insister sur la question des externalités, pour regretter l'absence d'études sérieuses et globales en la matière. Bien des chiffres sont cités, mais il est difficile de se faire une idée précise. En ce qui concerne les finances publiques, je rappelle que le mode routier rapporte beaucoup plus à l'État qu'il ne lui coûte. Selon les chiffres de 2011, les dépenses consacrées aux routes s'élèvent globalement à 16 milliards d'euros, alors que les recettes sont de 38 milliards.
En ce qui concerne l'écotaxe, notre profession a pris ses responsabilités en acceptant l'augmentation de 4 centimes sur le gazole au 1er janvier 2015, 2 centimes au titre de la taxe carbone et 2 centimes au titre de l'augmentation de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Nous en avions été exonérés au titre de l'écotaxe ; l'écotaxe ayant été abandonnée, nous avons accepté cette augmentation de 4 centimes, pour solde de tout compte. Le secteur verse donc sa contribution à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), comme il s'y était engagé lors de la suspension sine die de l'écotaxe.
En conclusion, je voudrais rappeler brièvement ce que la FNTR demande aux pouvoirs publics. Nous souhaitons être accompagnés dans nos efforts en termes de développement durable. Nos entreprises ont besoin de stabilité et d'une visibilité fiscale pour développer, notamment, le GNV, car les véhicules utilisant cette énergie, plus chers que ceux roulant au gazole, entraînent un surcoût à l'investissement et à l'entretien. L'outil fiscal en matière de GNV est donc important dans notre secteur.
Nous sommes opposés à l'écotaxe, notamment sous sa forme régionale, car sa mise en oeuvre entraînerait d'inacceptables distorsions de concurrence entre les entreprises en fonction de leur localisation régionale. Nous sommes conscients de la problématique du trafic de poids lourds étrangers, mais en Île-de-France, par exemple, ceux-ci représentent moins de 5 % du trafic des poids lourds. On peut donc se demander s'il est bien judicieux d'« écotaxer » toutes les entreprises de transport routier de marchandises, dont 95 % sont françaises, pour toucher 5 % de poids lourds étrangers.
Il doit y avoir une cohérence des politiques en matière de développement durable. Ainsi, la FNTR est opposée à la circulation alternée, mais favorable aux critères des normes Euro. Nous soutenons également les mesures d'identification des véhicules, qui permettront de moduler la circulation des véhicules en fonction des normes Euro qu'ils respectent, notamment dans les zones à circulation restreinte et en cas de pic de pollution. Nous déplorons simplement que le projet d'arrêté sur la classification des poids lourds ne reconnaisse pas à sa juste valeur la norme Euro 6, alors qu'elle est particulièrement performante en matière de gaz polluants et de gaz à effet de serre.
Toutes ces mesures liées aux modulations de circulation en fonction de la norme Euro ne seront acceptables économiquement pour nos entreprises que si elles s'inscrivent dans le cadre d'un calendrier réaliste, prenant en compte nos contraintes économiques et les efforts déjà consentis. C'est pourquoi je parle de cohérence des pouvoirs publics. Nous avons besoin de temps pour nous adapter et pour que le renouvellement du parc se fasse dans des conditions optimales.
Enfin, nous sommes particulièrement heureux du lancement officiel, jeudi prochain, du label CO2.