Intervention de Jean-Marc Bournigal

Réunion du 15 mars 2016 à 16h00
Commission des affaires économiques

Jean-Marc Bournigal, président-directeur général de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, IRSTEA :

Monsieur Dominique Potier et monsieur André Chassaigne nous ont interrogés sur les territoires. Il nous paraît évident que certains sujets ne peuvent plus être traités à l'échelle de l'exploitation mais des territoires. C'est le cas de l'eau, de la biodiversité et de la notion de pollution diffuse qui vont nécessiter une innovation organisationnelle au niveau des acteurs. Les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) en sont une émanation ; on verra s'ils répondent à nos attentes. Pour être capable de maîtriser ces phénomènes, il faudra des entrées territoriales beaucoup plus fortes. Le numérique aura une incidence non négligeable en la matière.

Madame Laure de La Raudière et monsieur Hervé Pellois nous ont questionnés sur l'accélération du transfert d'innovations. Les living labs, ou laboratoires du vivant, sont assez nouveaux pour nous. C'est quelque chose qui vise à identifier un certain nombre d'innovations que l'on veut porter sur un territoire. Il peut s'agir d'innovations technologiques, mais aussi organisationnelles qui peuvent intégrer l'économie circulaire notamment dans les notions de bio-économie. On prend en compte les acteurs directs que sont les agriculteurs, et les acteurs indirects que sont les collectivités et leurs habitants. L'idée est de tester les innovations, une innovation n'étant intéressante que si elle a un impact sur le marché et si les acteurs se l'approprient. On pourra accélérer les transferts d'innovations parce qu'on les testera en direct chez les acteurs. Mais il faut accompagner l'innovation par les sciences humaines et sociales pour en déterminer les conditions de sa diffusion et son acceptabilité sociale. On s'est aperçu en effet que le progrès ne se décrétait pas comme cela : si l'on néglige la partie « acceptation, diffusion, explication », on n'y arrivera pas. C'est ce que sous-tend cette notion de living labs qui va beaucoup plus loin que l'expérimentation.

Mme Marie-Lou Marcel et monsieur Jean-Claude Mathis, la formation est effectivement extrêmement importante. Nous n'avons pas insisté sur l'agro-écologie, car, à la suite du rapport de Marion Guillou sur ce sujet qui était étudié par l'INRA, un travail important a été réalisé par l'enseignement agricole pour intégrer les grands principes de l'agro-écologie, au moins dans sa dimension variété culturale et variété des itinéraires. Ce qui nous a paru important, c'est le déferlement du numérique sur lequel il faut porter beaucoup d'attention, aussi bien au niveau de la formation dans les lycées agricoles que dans le domaine de la formation supérieure. Il faut aussi être capable d'accompagner le conseil agricole tant au niveau des coopératives que des chambres d'agriculture, parce que le conseil va considérablement évoluer, les outils d'aide à la décision devenant extrêmement complexes. On ne pourra plus simplement venir faire du conseil sur une parcelle ; il faudra être capable de conseiller les organismes sur les meilleurs outils d'accompagnement à la décision adaptés à leur spécificité et, c'est assez nouveau, avoir une capacité de critique dans le système. La formation continue est essentielle. Beaucoup d'agriculteurs s'y sont déjà engagés, mais cela reste encore assez marginal dans la profession. Nous recommandons donc un plan général qui englobe tous ces éléments.

Nous nous sommes également aperçus que la sélection génétique et l'adaptation des cultures ou des animaux aux changements climatiques n'étaient pas encore très bien appréhendées, en tout cas le nombre de conseillers est insuffisant en la matière. Toutefois, le délai qui nous était imparti pour rédiger notre rapport ne nous a pas permis d'entrer dans le détail. Nous avons donc sollicité une réflexion ultérieure qui a déjà été lancée au niveau de la direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'agriculture, de même qu'a été engagée une réflexion sur les futurs métiers de l'agriculture au sens large du terme, en essayant de se projeter sur une réflexion prospective qui associe la totalité des acteurs du monde agricole, de la recherche et de l'enseignement, et qui devrait déboucher à la fin de l'année.

Madame Laure de la Raudière et monsieur Éric Straumann nous ont demandé s'il existait des freins. Bien évidemment, et on l'a bien vu avec les OGM. S'agissant du levier génétique, de nouvelles technologies sont disponibles, mais on ne sait pas exactement dans quelle case les mettre de façon réglementaire. Ne pas savoir comment on doit les traiter ne rend pas l'exercice très simple. Parfois, la science avance plus vite que la réglementation, ce qui crée des difficultés : c'est pour cette raison que nous avons émis une recommandation sur la robotique en milieu naturel. Nous préconisons donc de développer la technologie et, de façon concomitante, de travailler à l'élaboration des normes.

Pour ce qui est du cas des drones, la France a l'avantage d'avoir une réglementation, ce qui n'est pas le cas dans le reste du monde. Cela a un effet très positif en ce que cela permet de faire émerger un secteur d'activité qui, pour le moment, est assez prospère. Des sociétés se développent, des services se mettent en place. Mais les drones ne sont que des capteurs parmi d'autres : il y en a au sol, sur les tracteurs, et on peut utiliser des images satellitaires. Leur intérêt économique reste à déterminer. Pour le moment, on n'a pas de retour sur investissement. Mais je pense que le marché permettra de tirer quelques conséquences.

La réglementation européenne interdit les traitements aériens des cultures par principe, sauf dérogation particulière. Là où les traitements aériens ne sont plus possibles, il faut trouver des solutions alternatives au sol. À l'heure actuelle, les drones sont considérés comme des aéronefs et relèvent donc du traitement aérien. Mais leur sort est toujours en discussion parce que certains pays font déjà du traitement par drone. Les Japonais, par exemple, utilisent des drones pour traiter la culture du riz, car ils sont plus précis que les hélicoptères. Mais pour l'instant, les drones ne font pas l'objet d'autorisations réglementaires spécifiques dans notre pays.

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