Intervention de Philippe Lecouvey

Réunion du 15 mars 2016 à 16h00
Commission des affaires économiques

Philippe Lecouvey, directeur général de l'Association coordination technique agricole (ACTA :

Nous proposons, dans la fiche innovation économique, de préparer la PAC 2020 avec des systèmes incitatifs et non pas en nous appuyant uniquement sur les réglementations. Mais ce ne sont que des pistes qui méritent d'être approfondies.

Madame Laure de la Raudière nous demande quelle sera la paysannerie demain ? Nous avons mentionné dans notre rapport qu'il fallait une vision. Faire de l'innovation, c'est bien, mais encore faut-il savoir pour quelle agriculture. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles nous sommes allés voir ce qui se passe dans un certain nombre de pays. Comme le temps qui nous était imparti était trop court, nous n'avons pas pu mener convenablement nos investigations ni avoir des données fondamentales. Mais nous avons constaté que la plupart des pays ont un axe dans lequel l'État est partie prenante de la vision.

La paysannerie de demain ne s'imagine pas sans une diversité d'agricultures : mais nous sommes capables de relever ce challenge. Cela étant, le mot compétitivité est directement lié à l'idée de compétition ; nos divers modes d'agriculture n'ont pas tous vocation à produire pour l'export, mais certaines grandes productions viticoles ou céréalières peuvent se confronter au marché mondial. À l'inverse, il existe dans nos territoires des gisements à trouver en termes de valeur ajoutée sur les produits, les services et les aménités. D'où la nécessité d'une démarche assez globale ; c'est en tout cas la vision, plutôt technique et scientifique, que nous portons sur notre agriculture de façon à ce qu'elle réponde à l'ambition que nous nous fixons – à commencer par celle de faire cheminer les acteurs ensemble, ce ne serait déjà pas mal !

Quand on analyse le dispositif qui entoure le monde agricole, on se rend compte que cela fait beaucoup de monde. Aussi serait-il bon que les gens travaillent ensemble. Nous y répondons lorsque nous disons que les 30 projets sont indissociables pour former un tout. Cette ambition doit aider à donner un cap et faire en sorte que la technique serve sur une orientation politique, au sens professionnel du terme.

Monsieur Frédéric Roig a posé une question sur l'agro-écologie et le changement climatique. Nous y répondons par des analyses multicritères. J'oserai même dire qu'un travail a été fait par anticipation puisque l'outil agro-écologique et d'autodiagnostic a été porté par le ministre. Cet outil, qui est en cours de vulgarisation, permet à chacun de mesurer ses capacités. Nous proposons dans le rapport d'aller au-delà en prévoyant des indicateurs multicritères capables d'orienter en fonction des choix qui seront arrêtés.

Madame Marie-Lou Marcel, le contrôle des épizooties dépasse un peu le cadre de notre mission. Laissons à la direction générale et à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) le soin d'anticiper dans ce domaine. Le financement des outils de diagnostic sanitaire rapide est prévu en 2016 sur le CASDAR, de façon à apporter des réponses extrêmement rapides, tant au plan animal que végétal.

Monsieur Hervé Pellois nous demande où nous en sommes par rapport à la stratégie prônée par FranceAgriMer. Nous n'avons pas cherché à réinventer la poudre et nous nous sommes appuyés sur tous les rapports déjà réalisés par ailleurs – nous les mentionnons presque systématiquement –, et notamment l'étude de FranceAgriMer. Comme vous l'avez dit, 15 000 personnes environ meurent chaque année à cause de la résistance aux antibiotiques. La part des prémélanges médicamenteux directement incorporés à l'alimentation des porcs est passée de 64 % des consommations d'antibiotiques en 2009 à 42 % en 2011 ; le programme Écoantibio 2017 prévoit de réduire la consommation d'antibiotiques de 25 % en cinq ans et donne déjà d'excellents résultats. Connaissant un peu plus le monde animal, je sais qu'en Bretagne beaucoup d'élevages n'ont pas recours aux antibiotiques. Pour autant, ces porcs « blancs » n'ont pas trouvé davantage de consommateurs que les autres – c'est même le contraire… Même si ce plan est en voie d'aboutir, il ne faut pas s'en satisfaire. Il est indispensable en effet de mettre l'accent sur le biocontrôle animal, car le biocontrôle ne concerne pas uniquement le monde végétal. Il faut se préparer à d'autres crises sanitaires, car on ne sait jamais ce qui peut se produire.

Monsieur Jean Grellier nous interroge sur les méthaniseurs. On ne peut pas dire que ce soit un succès puisque l'on ne parvient pas à en installer. On essaie d'en connaître les raisons ; mais notre mission ne s'y attache pas, dans la mesure où nous considérons que tous les ingrédients étaient réunis pour que cela fonctionne. Il semble que les projets soient difficiles à monter en raison de problèmes de financement et de rentabilité. Autrement dit, on tourne un peu en rond. Le plus important dans la méthanisation, surtout à partir des effluents d'élevage porcins ou autres, indépendamment du fumier, c'est le substrat. Des études ont été menées avec de grands groupes comme Veolia et Engie, pour apporter des déchets d'usine. Mais on peine à rentabiliser ces projets. Et comme l'on n'atténue pas les rejets d'azote, il faut continuer à pouvoir épandre ; ce n'est pas si simple. C'est un problème assez complexe qu'il faut aborder dans son ensemble, de façon très systémique.

La notion bio-économique est un axe nouveau. Sa définition n'est pas encore tout à fait stabilisée dans les différents pays. Cette dimension est devenue un axe dans nos instituts, qui ont vocation à y répondre. Je rappelle souvent que 73 % de la biomasse végétale est consommée par le monde animal. D'où, la encore, la nécessité d'approches « système », ce qui conforte tout ce qui a été dit en introduction.

Monsieur Lionel Tardy, le PEI peine à se mettre en place. Son fonctionnement n'est pas encore opérationnel. Il est peut-être un peu particulier en France. L'Allemagne, par exemple, est plus en avance que nous. Quant à la stratégie de spécialisation intelligente (S3), elle démarre cette année.

Le CASDAR, c'est l'interface entre les politiques publiques et les filières, autrement dit le croisement des filières et des territoires. Il nous permet de répondre à des problématiques agro-écologiques. Il associe directement les opérateurs de terrain que sont la recherche appliquée et le développement.

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