Le 24 février 2016, notre collègue Olivier Falorni déposait une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.
En application de l'article 140 du Règlement de l'Assemblée nationale, les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sont renvoyées à la commission permanente compétente. Il appartient donc à la commission des affaires économiques de se prononcer sur cette proposition.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, président du groupe RRDP, a choisi d'utiliser le pouvoir confié à certains présidents de groupe par l'article 141 de notre Règlement, qui prévoit que chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l'exception de celle précédant le renouvellement de l'Assemblée, la création d'une commission d'enquête. Dans le cadre de ce droit de tirage, la commission compétente doit uniquement vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies, sans se prononcer sur l'opportunité de la commission d'enquête. Aucun amendement au texte de la proposition de résolution n'est recevable.
Par la suite, si les conditions requises pour cette création apparaissent réunies, la conférence des présidents devra prendre acte de la création de la commission d'enquête.
Notre discussion vise donc à déterminer si cette proposition est recevable, c'est-à-dire si la commission d'enquête qui serait créée à la suite de l'adoption de cette proposition répond aux conditions juridiques encadrant la création des commissions d'enquête.
Ces conditions sont au nombre de trois.
Tout d'abord, l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose que les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales. Cette condition est réitérée à l'article 137 du Règlement de notre assemblée, qui prévoit que les commissions d'enquête doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion.
Dans le cas présent, la proposition de résolution vise à créer une commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, afin d'établir un état des lieux précis de la situation et de procéder à l'analyse de l'efficacité des moyens de contrôle des règles sanitaires et des conditions de mises à mort. Elle définit donc précisément les faits sur lesquels la commission d'enquête porterait.
Ensuite, l'article 138 du Règlement prévoit l'irrecevabilité de toute proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête ayant le même objet qu'une mission effectuée dans les conditions prévues à l'article 145-1 ou qu'une commission d'enquête antérieure, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l'une ou de l'autre. En l'occurrence, aucune commission d'enquête ni aucune mission d'information n'ont été créées sur ce sujet au cours des années récentes.
Enfin, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée dispose qu'il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.
L'application de cette disposition est précisée de la manière suivante par l'article 139 de notre Règlement : « Le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est notifié par le Président de l'Assemblée au garde des sceaux, ministre de la justice. Si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. »
Interrogé par le Président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir que plusieurs procédures étaient en cours sur le thème envisagé par la proposition de résolution.
Deux plaintes ont été déposées par l'association L. 214 auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Alès. La première, déposée en octobre 2015, met en cause le fonctionnement des abattoirs municipaux d'Alès, des chefs d'actes de cruauté, de mauvais traitements à animaux et d'infractions à la réglementation sur l'abattage ; la seconde, déposée au mois de février 2016, concerne les abattoirs du Vigan.
De plus, par réquisitoire introductif du 27 juin 2013, une information judiciaire a été ouverte au pôle santé publique de Marseille, des chefs de faux, usage de faux, abus de confiance, tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, suppression, modification ou altération d'un élément d'identification de marchandises et échanges intracommunautaires d'animaux vivants, de leurs produits ou sous-produits ou d'aliments pour animaux non conformes aux conditions sanitaires ou de protection.
Enfin, une information judiciaire est en cours au pôle santé publique de Marseille depuis le 13 janvier 2014, concernant la commercialisation de chevaux en provenance des abattoirs de Narbonne. Le juge d'instruction est saisi des chefs suivants : falsification de documents, tromperie, modification d'éléments d'identification, escroquerie en bande organisée et abus de confiance.
Le garde des sceaux indique laisser à la commission « le soin d'apprécier si l'existence de ces procédures est de nature à faire obstacle à la création de la commission d'enquête envisagée ». J'estime que ces procédures ne font pas obstacle à la création de cette commission d'enquête, pour autant que celle-ci s'abstienne, tout au long de ses travaux, de faire porter ses investigations sur des faits qui font déjà l'objet de procédures judiciaires.
Sous cette réserve, les trois conditions présidant à la création d'une commission d'enquête sont réunies. Je vous inviterai donc, mes chers collègues, à constater la recevabilité de cette proposition de résolution.