Nous sommes à la tête du FPSPP depuis un an, et nous ne sommes pas là pour thésauriser. Nous avons affecté beaucoup de moyens sur le terrain depuis notre arrivée, et l'annexe que nous avons signée il y a trois semaines avec la ministre du Travail – qui détermine notre programme – va dans ce sens puisqu'elle prévoit de mobiliser une masse financière nettement supérieure aux moyens que les cotisations annuelles nous procurent.
Notre démarche consiste donc à affecter des sommes importantes sur le terrain, conformément à cette annexe qui a été discutée entre les partenaires sociaux et l'État. Mais nous sommes là pour gérer au mieux les fonds qui nous sont attribués, et comme je l'ai dit à la ministre du Travail, l'effort qui a été fait en 2016 ne pourra pas être répété en 2017, car nous aurions un problème de ressources. Nous ne devons pas mettre en déficit un organisme dont le but est d'allouer au mieux les sommes qui lui sont affectées.
Nous avons réalisé un effort particulier en 2015. Nous devons bien sûr penser aux demandeurs d'emploi, mais aussi aux salariés qui sont aujourd'hui en entreprise et qui pourraient devenir à leur tour demandeurs d'emploi si nous ne les formons pas aux innovations technologiques. Le FPSPP a donc orienté des fonds en direction des entreprises en difficulté, mais aussi vers les entreprises qui s'intéressent beaucoup au numérique, à l'économie verte et au développement durable.
Le FPSPP a aussi pour mission de préserver les emplois de demain, car dans une période économiquement difficile comme celle que nous connaissons, les entreprises qui n'ont pas su innover au bon moment tombent les unes après les autres. Celles qui ont maintenu leur chiffre d'affaires et continuent à travailler sans souci ont fait les efforts pour s'équiper, se robotiser. Même dans le bâtiment, les entreprises bougent, et ceux qui continuent de travailler sans chercher à s'adapter n'existent plus, ou n'en ont plus pour très longtemps.
Nous devons avoir une vision de l'avenir. Nous étions en Guadeloupe et en Martinique il y a quinze jours, nous avons aussi visité la Guyane et les autres régions de France. Partout où nous passons, nous expliquons que pour bien former, le fonds paritaire doit faire de plus en plus d'évaluations. Il ne suffit pas de financer, nous devons évaluer la valeur ajoutée de nos actions. Nous demandons à toutes les régions de France de mener une vraie réflexion sur l'avenir de leur territoire, car on ne forme pas forcément aux mêmes métiers à Marseille et à Reims : l'économie n'est pas la même. Il faut que les préfectures, les conseils régionaux et les partenaires sociaux travaillent aujourd'hui sur les prospectives à dix ou quinze ans – c'est pour cela que les comités paritaires interprofessionnels régionaux pour l'emploi et la formation professionnelle (COPAREF) ont été mis en place. Le problème dans ce pays est que l'on ne s'est jamais suffisamment intéressé au moyen et au long terme, mais toujours au court terme. Or nous savons où nous conduit le court terme : lorsqu'un entrepreneur investit dans des machines très chères, il est bien obligé de penser à moyen terme, sinon il ne peut pas amortir complètement son investissement.
Au sein de la Fédération française du bâtiment, nous avions fait il y a plus de dix ans un exercice de prospective avec une équipe d'entrepreneurs et d'artisans. Nous avions travaillé sur l'hypothèse d'une forte hausse du prix du baril de pétrole afin de déterminer ce que l'industrie du bâtiment pouvait faire pour réduire la consommation d'énergie et que nos concitoyens continuent à se chauffer sans dépenser trop d'argent. C'était en 1998, et ce sujet n'était pas courant à l'époque. Mais grâce à cette étude, nous avons mis en place de nombreuses formations adaptées aux besoins du terrain permettant de construire de façon à moins consommer. Si nous ne l'avions pas fait, nous aurions connu de très gros problèmes et beaucoup plus d'entreprises auraient disparu dans cette période compliquée.
Le rôle du FPSPP sur le terrain est donc de faire passer le message qu'il faut arrêter de dépenser sans avoir déterminé un objectif à atteindre. Il n'y a rien de plus décevant pour une personne que de se former dix fois pour retourner toujours au chômage : les gens sont dégoûtés. On parle des « chômeurs professionnels », mais beaucoup subissent cette période difficile qui pose des problèmes sur les plans familial et social. Je suis persuadé qu'il existe un avenir pour toutes les professions, à condition que nous – État, régions, branches professionnelles – soyons capables d'y réfléchir.
À quoi bon dire que nous allons former 500 000 personnes si c'est pour les orienter vers des « formations parking » ? On aura dépensé pour placer des gens en formation, mais pour quel résultat ? C'est pour cela que l'évaluation est essentielle.
Enfin, il faut une vraie réforme des méthodes des formateurs. J'ai été compagnon du devoir avant de créer ma propre entreprise, j'ai donc formé beaucoup de gens. Et je constate que nous formons encore comme il y a quarante ans. Nous avons énormément progressé dans nos entreprises, nous nous sommes modernisés et nous avons trouvé de nouvelles façons de travailler pour être productifs au bénéfice de nos clients, mais je ne pense pas que le même effort ait été fait au niveau du système de formation.
En formation professionnelle, l'avenir consiste à faire beaucoup plus avec moins. Il faut y réfléchir : nous devons être capables de former avec d'autres méthodes pédagogiques. Nous nous adressons à des personnes qui se sont éloignées du système scolaire, mais nous les envoyons dans des formations modelées sur ce système.
Au niveau paritaire, c'est un sujet qu'il va falloir faire évoluer. Il a été décidé de s'intéresser à la qualité des formateurs et j'en suis ravi. Je me plaignais déjà des insuffisances dans ce domaine il y a quinze ans, lorsque j'étais président de l'OPCA Bâtiment, mais on me disait alors que mon rôle n'était pas d'évaluer la qualité des formations. Pourtant, en tant que chef d'entreprise, j'envoyais des personnes en formation, et à leur retour je me disais que cela avait coûté cher pour pas grand-chose.