Sur la question de l'orientation des fonds et de nos relations avec l'État, tout découle de l'accord interprofessionnel passé entre organisations syndicales, qui détermine ce que nous appelons « l'annexe financière », dans laquelle figurent les priorités que les partenaires sociaux souhaitent retenir aussi bien en direction des salariés que des demandeurs d'emploi, chacune étant déclinée par dispositifs.
En ce qui concerne les demandeurs d'emploi, deux dispositifs imposent des relations avec Pôle emploi. Le premier a pour objet le retour à l'emploi des personnes licenciées pour motif économique : c'est le contrat de sécurisation professionnelle. Le second est la préparation opérationnelle à l'emploi, qui accompagne l'entrée dans l'entreprise sous forme individuelle ou collective.
En ce qui concerne l'IAE, nous avons en fait deux filières. La première relève d'une activité économique de type entrepreneurial qui place le FPSPP dans un rapport de sous-traitance à l'égard de donneurs d'ordres. Dans ce cadre, il y a un accompagnement de ces activités, qui sont des activités au même titre que d'autres, par des actions de formation. Nous sommes dans le secteur hors-champ, qui est en fait bien pris en compte par les investissements que le fonds paritaire consacre à la formation.
Les discussions ont été plus difficiles lorsqu'il s'est agi de faire passer les personnes qui étaient en chantier d'insertion en régime salarié, alors que ce sont fondamentalement des demandeurs d'emploi. L'impact en termes de dépenses n'a pas été mesuré, et c'est pour cela que le système est aujourd'hui sous tension. En fin de compte, le niveau d'appel du FPSPP pour satisfaire aux besoins de formation de ces publics est supérieur au niveau de contribution que les organisations consacrent au dispositif, ce qui créé un déséquilibre. Le Parlement doit donc se saisir du sujet afin de contribuer à déterminer comment rééquilibrer ce système.
En ce qui concerne les priorités, les analyses que nous avons faites, confortées par le dialogue de gestion que nous avons instauré cette année avec les OPCA, font apparaître qu'une majorité d'OPCA sont concernés par l'IAE, soit parce qu'il y a des activités de sous-traitance dans des filières industrielles et des filières de service, soit pour répondre aux besoins d'insertion des personnes handicapées qui travaillent en milieu protégé – dans les entreprises adaptées, pas dans les établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Ce public requiert un même accompagnement que l'insertion par l'économie. Le choix du conseil d'administration a été de soutenir l'ensemble de ces activités, en portant une attention particulière au suivi et à l'évaluation, comme l'a souligné M. Pierre Possémé.
Je saisis cette occasion pour vous dire que du fait de la loi du 5 mars 2014, nous devons rendre cette année un rapport au Parlement, que nous sommes en train de préparer. Ce rapport sera plus complet qu'un rapport d'activité, il inclura également le témoignage des relations entre le fonds paritaire et l'ensemble des acteurs avec lesquels il travaille : les OPCA, les Fongécif, les Opacif, les régions et Pôle emploi. Nous travaillons en effet avec les régions depuis 2015, dans le cadre de la dotation pour les demandeurs d'emploi au titre du compte personnel formation. Nous leur avons alloué 89 millions d'euros en 2015, dans le cadre de conventions bilatérales signées par la présidence du fonds paritaire avec la plupart des régions de France. Seules quatre régions n'ont pas souhaité en bénéficier, ou ont manifesté leur intention trop tard.
Pôle emploi fait aussi partie des opérateurs qui reçoivent des financements du fonds paritaire. Nous avons alloué à Pôle emploi une dotation, au titre du compte personnel formation pour les demandeurs d'emploi, de 78 millions d'euros en 2015, auxquels peuvent s'ajouter les forfaits en faveur du « plan 40 000 formations pour les très petites entreprises (TPE) », que l'État a souhaité mobiliser l'an dernier. Cet effort s'est traduit par des dispositifs supplémentaires sur la préparation opérationnelle à l'emploi et une dotation directe sur les moyens que Pôle emploi mobilise au titre des actions individuelles de formation. Au total, l'an dernier, nous avons alloué plus de 120 millions d'euros à Pôle emploi.
En 2015 comme en 2016, nous avons souhaité un co-investissement de l'État et des partenaires sociaux pour financer la rémunération de fin de formation. Aujourd'hui, nous n'avons pas reçu les bilans d'exécution de l'année 2015. Nous avons donc retenu la dernière tranche de paiement pour cette raison. En termes d'évaluation et de suivi, la responsabilité du FPSPP est de s'assurer du bon usage de ces fonds. Il peut donc arriver dans certains cas que nous procédions de la façon que je viens d'énoncer, parce qu'il nous semble légitime de pouvoir tracer l'ensemble des dépenses, y compris celles-ci.
La rémunération de fin de formation pose de vraies questions de gouvernance dans la mesure où un récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) a mis en évidence que 80 % des bénéficiaires de ce dispositif relevaient des filières de formation des demandeurs d'emploi aux métiers de la santé. Cela peut s'expliquer parce que notre système, comparé à celui de nos voisins européens, est beaucoup plus dispendieux. C'est dû pour partie aux interruptions liées aux vacances scolaires, et parce qu'il faut trois ans en France pour accomplir les études en soins infirmiers au lieu de deux ans dans la plupart des autres pays de l'Union européenne, à contenu identique. Ces différences entraînent une dépense d'allocation, car il faut bien rémunérer les gens. C'est une des raisons pour lesquelles le régime de la rémunération de fin de formation est aujourd'hui un sujet de discussion difficile entre les pouvoirs publics et le fonds paritaire.
L'innovation doit permettre d'adapter la formation aux personnes. Nous savons depuis longtemps qu'il existe plusieurs manières d'apprendre, liées à l'expérience des personnes, à leur capacité à transposer cette expérience en savoir, et le pédagogue doit s'adapter à ces différentes formes d'apprentissage. Mais la capacité à s'adapter se heurte à la prégnance du modèle dominant. L'enjeu est donc d'inciter les organismes de formation à emprunter des voies différentes. C'est un premier champ d'innovation.
Par ailleurs, notre système d'emploi recrute principalement sous des statuts précaires, puisque 85 % des personnes sont recrutées en CDD ou en contrat d'intérim, alors que 87 % des personnes qui travaillent sont en contrat à durée indéterminée. Il existe donc un processus de transformation permanent des recrutements sous contrat précaire en contrats à durée déterminée. Il faut donc savoir si les modèles de formation proposés aux personnes en contrat à durée déterminée sont adaptés. Si l'offre de formation est structurée sur des formations longues, elle n'est absolument pas adaptée aux cadres de vie dans lesquels évoluent la plupart de nos concitoyens.
Au sein du FPSPP, nous réalisons des études sur le CIF-CDD (congé individuel de formation pour CDD), et nous essayons de faire bénéficier plus de personnes de cette mesure qui permet d'élever le niveau de qualification et de progresser. Mais nous voyons que les personnes concernées arbitrent toujours en faveur de l'emploi : ils entrent dans un processus de formation mais en sortent très rapidement, car s'ils doivent choisir entre poursuivre leur formation ou prendre un emploi, ils choisissent l'emploi qui est plus avantageux au niveau de la rémunération et des perspectives d'activité.
Dans ce contexte, nous ne capitalisons pas sur l'effort de formation. Il y a donc un problème d'adaptation de l'offre et du modèle de certification. Il devrait permettre d'accompagner la personne dans son évolution par une voie de capitalisation et de certification partielle.
Nous avons décidé de nous emparer de ce sujet cette année, à la demande de la présidence, et nous sommes en train d'y travailler. Mais certaines responsabilités sont à chercher ailleurs : dans les ministères qui tiennent les modèles de certification nationaux, et dans les branches professionnelles qui sont en train de travailler à scinder en unités de certification partielles les certificats de qualification professionnelle. C'est un chantier lourd, complexe, pour lequel il faut beaucoup de détermination et de constance. Mais la question de l'innovation pédagogique participe aussi du modèle de certification et de la qualité des certifications.