Dans toutes nos actions, je veille toujours à déterminer au mieux le besoin. La moitié de notre budget est affectée aux demandeurs d'emploi – ce qui me paraît très bien – mais à quoi les forme-t-on ? Il faut qu'il y ait un emploi qui corresponde à ces formations, une demande. Comment mesurer cela, comment faire remonter l'information ?
Dans le budget pour l'année en cours, nous avons décidé d'allouer plus de fonds à la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle – qui correspond à un emploi – qu'à la collective. Mais nous nous rendons compte qu'il est plus difficile de faire des POE individuelles. Pour les POE collectives, il suffit de placer vingt-cinq personnes dans une salle avec un formateur. Mais que deviennent ces vingt-cinq personnes à la sortie ? Après six mois ? Après un an ? Après dix-huit mois ?
Je suis administrateur de Fongécif depuis très longtemps, et je me suis toujours battu pour que l'on sache ce que devenaient les gens. On me répondait que ce n'était pas possible car cela coûterait une fortune d'écrire à chacun individuellement. Mais depuis un an et demi, lorsqu'une personne demande une formation, elle donne son adresse de courrier électronique. Six mois plus tard, nous lui envoyons donc un courrier électronique, et le taux de réponse est supérieur à 50 %. Nous pouvons donc suivre le parcours des personnes qui ont reçu des formations après six mois, ou un an. Et alors nous voyons réellement quelle a été la plus-value de la formation.
Il nous faut évaluer le rendement de nos formations pour chaque ligne budgétaire. Nos formations doivent correspondre à un besoin économique, à un emploi. Alors, la formation aura une réelle plus-value. Une personne qui a suivi une formation et qui a trouvé un emploi, c'est positif, mais une personne qui suit une formation, la meilleure soit-elle, mais qui ne trouve pas d'emploi, ce sera nul pour elle. Son image sera dégradée, et elle s'estimera incapable de reprendre des études.
Nous savons très bien qu'il faut réussir à intéresser à nouveau les nombreux jeunes qui quittent le système éducatif sans qualification. Mais pour cela, il faut que nous changions nos méthodes pédagogiques, parce que celle de la formation initiale, qui a échoué pour ces personnes, ne leur est pas adaptée. Il faut donc trouver des méthodes pédagogiques différentes.
Nous avons ouvert un chantier pour évaluer la formation en situation de travail. M. Pierre Possémé rappelait souvent que lorsqu'il envoyait des personnes en formation, les machines sur lesquelles elles se formaient étaient déjà dépassées. Les gens revenaient sans avoir rien appris. L'évolution est de plus en plus rapide, et nos méthodes pédagogiques doivent s'adapter au même rythme.
Il faut donc remettre les choses à plat en considérant la finalité de la formation, qui est de réinsérer les gens dans l'emploi, et changer les méthodes pour se donner les moyens d'y arriver. Si les méthodes classiques et institutionnelles restent efficaces dans certains cas, elles ne sont plus valables pour de nombreuses autres situations qui relèvent de l'adaptation et de l'efficacité à l'emploi.
Cette évolution est déjà engagée. Les jeunes ont aujourd'hui intégré d'autres modes de fonctionnement fondés sur les technologies de l'information, mais nous avons tendance à rester dans un système de formation très institutionnel. Ce n'est plus efficace, or nos fonds doivent être engagés vers l'efficacité et la pertinence. La dignité d'un salarié, c'est d'avoir un emploi, une utilité sociale. Il faut donc que nous soyons suffisamment courageux pour constamment remettre en cause tous nos systèmes de fonctionnement.