Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 15 mars 2016 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Depuis votre nomination aux fonctions de directeur général des finances publiques, le 1er juillet dernier, nous avons déjà eu l'occasion de vous entendre, monsieur le directeur général, au cours d'une réunion très intéressante qui s'est tenue le 24 novembre sur le recouvrement et le contrôle fiscal.

Cet après-midi, nous vous recevons sur la question des contentieux judiciaires européens, dans le cadre desquels la France se voit infliger des pénalités ou des condamnations susceptibles de lui coûter très cher. Cela entre dans le champ de compétence de notre collègue Eva Sas, rapporteure spéciale des crédits de la mission Remboursements et dégrèvements. Elle a préconisé que nous suivions le sujet non seulement à l'occasion de l'examen annuel de son rapport spécial, mais aussi dans le cadre de notre travail de contrôle.

Or nous avons beaucoup de contentieux « sur le feu ». Comme ces contentieux naissent à chaque législature, on a abandonné le petit jeu qui consistait, en d'autres temps, à reprocher à telle majorité de « laisser » des contentieux à telle autre. L'important est d'éviter, dans notre législation financière, de prêter le flanc à la critique, et de prendre trop de risques par rapport à la réglementation européenne. Nous en sommes tous conscients et nous partageons ce souci avec le ministère des finances.

Deux contentieux sont particulièrement importants ; je les désignerai par le nom des plaignants. L'arrêt de Ruyter concerne l'assujettissement aux prélèvements sociaux des non-résidents fiscaux français, au titre des revenus fonciers et des plus-values immobilières sur lesquels étaient perçus des prélèvements sociaux censés avoir pour contrepartie une couverture maladie, alors que les contribuables sont affiliés à un autre régime… Notre collègue Claudine Schmid vous interrogera peut-être, monsieur le directeur général, sur les modalités effectives de remboursement de ces prélèvements.

Un contentieux plus récent, lié à l'arrêt Steria, a conduit le Gouvernement à prendre à la fin de l'année dernière, en loi de finances rectificative, des dispositions visant à corriger le tir. Cet arrêt porte sur le régime d'intégration fiscale en vigueur depuis fort longtemps : dès lors qu'une maison-mère détient une filiale à plus de 95 %, la quote-part pour frais et charges de 5 % est en principe supprimée, sauf si la filiale est installée dans un autre pays de l'Union européenne. Le régime a mené une existence normale jusqu'à ce que l'entreprise Steria dénonce ce point.

Enfin, l'ancien contentieux, vieux de sept à huit ans, relatif au précompte mobilier, a débouché sur une facture moins importante que prévu. Le contentieux sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) a conduit à cesser de prélever à la source 25 % des dividendes versés à des OPCVM qui n'étaient pas établis en France, mais dans d'autres pays comme l'Allemagne ou le Canada, notamment des fonds de pension. À l'été 2012, il a été remplacé par une taxe de 3 % sur les dividendes. Mais j'ai lu que ce nouveau système serait lui-même fragilisé. D'autres contentieux ont peut-être aussi échappé à notre attention.

J'en terminerai par un mot sur la procédure. Quand un contribuable estime qu'une règle fiscale française contrevient aux dispositions de l'Union européenne, deux voies s'ouvrent à lui. Il peut soit porter directement le litige devant la juridiction administrative, cour administrative d'appel ou Conseil d'État, qui posera le cas échéant une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), soit saisir directement la Commission européenne – mais cette dernière peut se saisir elle-même et saisir la CJUE. Une fois que la CJUE s'est prononcée, la juridiction doit encore mettre en application la règle de droit telle qu'elle a été interprétée. Dans l'affaire du précompte, l'application retenue par le Conseil d'État a limité la facture.

Nous serons, en tout était de cause, très heureux de vous entendre sur ces sujets complexes et douloureux du point de vue financier.

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