Intervention de Bruno Sainjon

Réunion du 16 mars 2016 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bruno Sainjon, président-directeur général de l'ONERA :

C'est pour moi un honneur et un plaisir d'être entendu aujourd'hui par la commission de la Défense et des forces armées. C'est en effet la première fois qu'un président de l'ONERA participe à une telle audition devant votre commission. Cette première audition intervient aussi à un moment particulier pour l'ONERA qui célèbre cette année son soixante-dixième anniversaire.

J'ai eu, depuis mon arrivée à la tête de l'ONERA, mi-2014, l'occasion d'être entendu par plusieurs d'entre vous, entretiens au cours desquels je vous ai non seulement fait part des enjeux stratégiques que représente l'ONERA, mais aussi de mes préoccupations concernant sa situation budgétaire. J'ai également pu constater – et avec moi l'ensemble du personnel de l'ONERA – votre implication et votre soutien qui se sont manifestés à plusieurs reprises de manière très concrète. C'est la première fois que la représentation nationale s'intéresse d'aussi près à notre situation ; c'est la raison pour laquelle je tenais à commencer cette audition en vous remerciant au nom de l'ensemble des personnels pour votre soutien et votre intérêt.

Je voudrais d'abord donner quelques points de repères sur l'organisme que j'ai l'honneur de présider. La création de l'ONERA au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale fut pour l'État la manifestation de l'affirmation d'une souveraineté retrouvée et d'un désir de reconquête de la position enviable qu'occupait la France en matière aéronautique avant ce conflit. Il s'agissait également de reconstruire une industrie aéronautique de premier plan et le caractère stratégique de l'ONERA conduisit naturellement à le placer sous la tutelle unique du ministre de la Défense.

L'ONERA est un établissement public à caractère industriel et commercial dont les missions sont régies par le code de la défense. L'ONERA a pour missions principales le développement et l'orientation des recherches dans le domaine aérospatial, la conception, la réalisation et la mise en oeuvre des moyens nécessaires à leur exécution, la diffusion, en liaison avec les services ou organismes chargés de la recherche scientifique et technique, aux plans national et international des résultats de ces recherches, en favorisant leur valorisation par l'industrie aérospatiale et leur éventuelle application en dehors du domaine aérospatial.

Dans le domaine spatial, l'article R 3423-2 du code de la défense définit ainsi le rôle de l'ONERA : « En liaison avec le Centre national d'études spatiales, il contribue par son action propre ou par le moyen de conventions aux recherches et aux réalisations expérimentales dans le domaine spatial ».

Cette tutelle unique du ministère de la Défense dont l'exécution est confiée à la Direction générale de l'armement (DGA) prend en compte les orientations des autres ministères concernés et au conseil d'administration de l'ONERA siège ainsi un représentant de chacun des trois ministres chargés respectivement des transports, de la recherche et du budget. À mon arrivée à l'ONERA j'ai eu à coeur de remettre l'Office en conformité avec le code de la défense car il était constaté un nombre important d'écarts entre la théorie et la pratique, ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son récent rapport sur l'ONERA.

L'ONERA compte aujourd'hui un peu moins de 2 000 personnes dont environ 250 doctorants. Pour mettre ces chiffres en perspective, il est nécessaire de préciser que les effectifs s'élevaient il y a vingt ans à plus de 2 400 personnes hors doctorants, soit 650 permanents de plus qu'aujourd'hui. Le potentiel humain a connu un plan social en 1997 suivi d'une érosion lente qui a mené aux effectifs actuels. Il est intéressant de remarquer qu'en parallèle, et pour le seul secteur aéronautique, les effectifs de notre principal partenaire et homologue en Europe, le Deutsches Zentrum für Luft-und Raumfahrt (DLR) allemand, ont connu une forte progression de 35 % entre 2008 et 2014, passant de 1 277 à 1 736 personnes, accompagnée d'une augmentation de près de 50 % des financements publics, alors que le DLR se préoccupe quasi uniquement de recherche civile et intervient très peu dans le domaine de la défense, contrairement à l'ONERA. De même, le financement public du DLR a crû d'environ 50 %, alors que baissait parallèlement celui de l'ONERA.

Les ingénieurs et les chercheurs de l'ONERA se consacrent à la recherche finalisée pour le secteur aérospatial. Les travaux conduits concernent aussi bien les avions militaires et civils, les hélicoptères, les systèmes de missiles et de défense que les lanceurs spatiaux... Pour prendre un raccourci sans doute un peu sommaire, il n'existe pas de grands systèmes aérospatiaux français qui ne comportent une part plus ou moins importante d'ONERA.

Je vous donnerai plus avant quelques exemples de réalisations dans différents domaines.

Le rapport de la Cour des comptes paru début septembre 2015 ainsi que celui de la rapporteure pour avis du programme 144, Mme Isabelle Bruneau, ayant largement développé le sujet des contraintes budgétaires qui ont pesé sur l'ONERA depuis 2008, ce que j'ai appelé l'effet triple lame, je me limiterai aux exercices 2015 et 2016. En 2015, le budget de l'ONERA était d'environ 225 millions d'euros. L'ONERA a reçu du ministère de la Défense en 2015 une subvention pour charge de service public d'un montant de 105 millions d'euros majorée d'une subvention exceptionnelle de neuf millions d'euros. J'évoquais au début de mon intervention mes préoccupations d'ordre budgétaire. Le budget 2014 avait été construit avec l'hypothèse d'un déficit de 10 millions d'euros, dont on a pu craindre en cours d'année qu'il n'atteigne 25 millions d'euros, mais qui fut limité à 16 millions d'euros grâce à des mesures drastiques qui ont permis d'obtenir la subvention exceptionnelle de neuf millions d'euros. Je dois vous dire que les prévisions fin 2014 et jusqu'à mi-2015 faisaient craindre une année 2015 également fortement déficitaire. Le budget 2015 n'a d'ailleurs été approuvé que tardivement en conseil d'administration, le 10 juin 2015, avec la prévision d'un déficit limité estimé à 3,7 millions d'euros. Cependant l'exercice 2015 renoue avec l'équilibre puisqu'il fait apparaître un résultat légèrement positif de 5,2 millions d'euros. Mais je tiens à attirer votre attention sur le fait que cette embellie ne doit pas faire illusion car elle résulte d'une part de la subvention exceptionnelle de neuf millions d'euros que j'ai déjà mentionnée et d'autre part de mesures d'austérité qui ont gravement atteint nos capacités d'investissement scientifique qui ont connu en 2015 le niveau historiquement bas de 17,3 millions d'euros. À titre de comparaison, la capacité d'investissement de l'ONERA atteignait 42,5 millions d'euros en 2009. Or le maintien à niveau et le renouvellement ses installations scientifiques est vital pour l'ONERA. De la même façon, les acquisitions que l'ONERA effectue à 68 % auprès de PMEPMI partenaires ont été affectées.

Une des singularités de l'ONERA est que la subvention dont il bénéficie est inférieure à 50 % de son budget, la plus grande partie du budget de l'ONERA étant issue de la recherche contractuelle. La subvention couvre donc seulement deux tiers de sa masse salariale. Ces contrats proviennent aussi bien d'agences de programmes étatiques telles que la DGA et la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) que de l'industrie. L'an dernier a ainsi vu une remontée des prises de commandes avec plus de 105 millions d'euros contre 94 millions d'euros en 2014 et 84 millions d'euros en 2013, malgré un très faible niveau de commandes pour nos grands moyens d'essais, principalement les souffleries, soit moins de 10 millions d'euros, là aussi un seuil historiquement bas. Il s'agit là d'une conséquence cyclique du déroulement des programmes aéronautiques et spatiaux qui se trouvent aujourd'hui dans un creux après l'A380, l'A350 et l'A400. Cette perte de recettes issues des grands moyens techniques vous montre à quel point furent sévères les mesures d'austérité auxquelles a été soumis l'ONERA pour aboutir au résultat positif évoqué, sans oublier un effort sur la masse salariale entraînant la réduction des effectifs d'une trentaine de personnes en 2015. Il conviendra d'être particulièrement vigilant sur ce point car, comme cela a été souligné dans les rapports que j'ai cités, les femmes et les hommes de l'ONERA constituent sans le moindre doute sa première richesse.

Le budget 2016 a été adopté lors du conseil d'administration du 18 février dernier, moins tardivement que le précédent, mais toujours en léger déficit de 2,8 millions d'euros, avec encore des efforts dans tous les domaines, dont la masse salariale. En effet, si le budget est exécuté tel qu'il a été voté, l'ONERA comptera au terme de 2016 à nouveau trente personnes en moins. C'est d'ailleurs l'occasion pour moi de vous indiquer que nous avons été particulièrement sensibles que députés et sénateurs s'emparent de cette question au cours des débats intervenus fin 2015 lors de la discussion du projet de loi de finance 2016.

Une autre spécificité de l'ONERA est son parc de souffleries unique en Europe, voire au monde. Il s'agit d'équipements indispensables à la France et à l'Europe pour garder leur rang. Ces moyens, qui permettent de couvrir toute la gamme des vitesses – de Mach 0,1 à Mach 20 – et intéressent les avions, les missiles et les lanceurs spatiaux, sont un atout déterminant pour la France dans la préparation de son avenir aérospatial. Plus précisément, parmi les douze souffleries considérées comme stratégiques en Europe, trois des souffleries de l'ONERA le sont pour la défense et cinq autres pour l'industrie. Nous avons attiré l'attention fin 2014 sur l'importance des investissements nécessaires pour conserver l'excellence de ces huit souffleries. Le cas le plus emblématique est celui de la soufflerie S1 de Modane Avrieux pour laquelle le ministre de la Défense a récemment annoncé la mise en place du financement nécessaire aux opérations de consolidation. Je tiens là encore à remercier les parlementaires, députés et sénateurs, de l'intérêt et du soutien qu'ils nous ont apportés, qui ont certainement contribué à l'accélération du traitement de ce dossier.

L'ONERA a la capacité de satisfaire les besoins expérimentaux – avec ses souffleries – et les besoins de simulations numériques grâce à son expertise au plus haut niveau mondial en modélisation des phénomènes physiques utilisée dans l'élaboration de codes numériques qui sont d'ailleurs souvent repris par l'industrie. Je profite de cette audition pour vous signaler que si nous vivons dans une société baignée par le numérique, force est de constater que les outils numériques sont totalement incapables de calculer une configuration d'avion complète avec les précisions nécessaires. Les projections indiquent que ce constat ne sera pas modifié au cours des deux décennies à venir. Certains pays, comme les États-Unis, ont pris le pari il y a une quinzaine d'années de réduire leurs capacités en matière expérimentale pour viser le « tout numérique ». Ils font aujourd'hui machine arrière et investissent lourdement pour reconstituer une capacité expérimentale. Fort heureusement la France ne s'était pas engagée dans cette voie.

Concernant notre implantation sur le territoire, l'ONERA est présent sur huit sites, ce qui est beaucoup pour un établissement de 2 000 personnes : trois implantations en Île-de-France, son siège situé à Palaiseau depuis fin 2014, Châtillon et Meudon, deux à Toulouse, une à Modane, une à Lille et enfin la dernière, la plus petite, à Salon-de-Provence sur le site des écoles de l'armée de l'air pour faciliter la continuité entre enseignement et recherche.

Notre environnement industriel a beaucoup évolué au cours des deux dernières décennies, ce qui a conduit aux regroupements et au paysage que vous connaissez aujourd'hui. Il est toutefois important de signaler que tous ceux qui se sont penchés sur le sort de l'ONERA au cours des derniers mois, qu'il s'agisse de la Cour des comptes, des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) ou d'industriels missionnés, tous ont fait le constat unanime de la nécessité d'un ONERA fort pour l'État français et pour l'industrie. Par ailleurs de nouveaux acteurs ont fait leur apparition, tels que les pôles de compétitivité ou plus récemment l'Institut de recherche technologique (IRT) Saint-Exupéry à Toulouse. Il est clair que l'ONERA n'a pas suffisamment pris en compte ces changements de périmètre au cours des quinze dernières années. Nous sommes en train de corriger cela et d'impliquer davantage l'ONERA dans tous les nouveaux outils mis en place, comme le montrent, par exemple, nos succès rencontrés via le programme d'investissements d'avenir (PIA) ou les appels à projets lancés par les sociétés d'aide au transfert de technologie (SATT) qui se mettent en place autour des communautés universitaires, comme ce fut le cas à Palaiseau en 2015.

Je ne développerai pas, faute de temps, le volet international qui nous vaut des succès et une reconnaissance européenne et mondiale. L'ONERA est un partenaire recherché par les institutions les plus prestigieuses comme la NASA (Administration nationale de l'aéronautique et de l'espace) américaine ou le TsAGI (Institut central d'aérohydrodynamique) russe. Pour ce qui concerne l'aviation civile nous avons aussi remporté des succès à Bruxelles dans le cadre des appels à projet portant sur l'initiative « Clean Sky 2 » ou le programme « Horizon 2020 ». L'ONERA a notamment été retenu en coopération avec le DLR dans le cadre du programme relatif aux nouvelles configurations d'aéronefs. Mais, très clairement, nos moyens limitent notre implication à l'international alors même que le souhait d'un ONERA internationalement fort et présent répond au souhait de l'ensemble de nos partenaires ainsi que l'a souligné le GIFAS dans le document qu'il a élaboré l'été dernier. Cette limitation risque également de déséquilibrer nos coopérations avec le DLR comme cela commence à être le cas pour la coopération emblématique portant sur les hélicoptères.

J'aurai l'occasion de revenir sur certains points quand j'évoquerai le prochain contrat d'objectifs et de performances (COP) de l'ONERA mais je souhaite vous présenter quelques exemples de réalisations et de la contribution de l'ONERA à la souveraineté de la France et à la compétitivité de son industrie aérospatiale.

Le radar GRAVES (grand réseau appliqué à la veille spatiale) est l'unique système opérationnel de veille et de surveillance de l'espace en Europe. Il est utilisé par l'armée de l'air et ses données sont exploitées au Centre national des opérations aériennes (CNOA) basé au Mont Verdun près de Lyon. Il a été entièrement conçu par l'ONERA qui en a également piloté la réalisation faute d'implication industrielle suffisante ; il permet de suivre au quotidien les satellites qui évoluent jusqu'à une altitude de 1 000 km. Grâce à lui la France dispose de manière autonome d'une base de données des éléments orbitaux des différents satellites. Depuis sa mise en service opérationnel en 2005 il a répertorié et assuré le suivi de plus de 2 200 objets qui passent au-dessus de notre territoire.

Cette réalisation illustre aussi l'une des contributions de l'ONERA à la souveraineté de notre pays et à sa diplomatie : l'extension, le 14 avril 2015, de la coopération franco-américaine concernant la surveillance de l'espace à des échanges d'informations classifiées illustre ainsi le caractère déterminant qu'a eu le système GRAVES dans ces relations. Un précédent accord, signé en 2005, limitait les échanges aux données ouvertes. L'ONERA est en 2016 dans l'attente de la notification par la DGA des contrats lui permettant d'assurer dans les années prochaines l'entretien, le développement et l'amélioration des performances de ce système.

La dissuasion est une autre contribution importante à la souveraineté de notre pays. En effet, si l'ONERA célèbre ses 70 ans cette année, les forces aériennes stratégiques célébraient leurs 50 ans l'an dernier. L'ONERA a accompagné le développement des capacités françaises par ses travaux sur la propulsion par statoréacteur qui constituait, il y a 40 ans, une rupture technologique. C'est cette expertise qui a permis le développement du missile nucléaire ASMP (air-sol moyenne portée), premier missile stratégique aéroporté, entré en service en 1986. Les travaux de l'ONERA ont également été décisifs dans le développement de son successeur entré en service en 2009, l'ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré), qui présente une évolution significative des performances du statoréacteur. Toutes ces études ont été réalisées en étroite coopération avec l'Aérospatiale hier et MBDA aujourd'hui, puisque nous sommes co-titulaires des contrats de recherche et de développement de ces nouveaux systèmes. De nombreuses compétences de l'ONERA concernant l'énergétique, les matériaux, l'aérodynamique, l'hypersonique, le guidage, le pilotage - pour n'en citer que quelques-unes - ont été mises à contribution. Aujourd'hui l'ONERA continue de s'investir dans l'avenir de la composante aéroportée selon les trois grands axes définis par le ministère de la Défense pour la poursuite de ces systèmes.

En ce qui concerne l'aviation de combat, je pourrais vous parler du rôle de l'ONERA dans le programme Rafale avec des contributions décisives concernant les entrées d'air, l'aérodynamique et la furtivité, avec notamment plus de 160 campagnes menées dans les souffleries. J'ai choisi de mentionner les travaux de recherche liés à la coopération franco-britannique FCAS (Future combat air system) qui doivent contribuer à poser les bases de l'aéronautique militaire du futur. Ces travaux portent, en coopération avec les industriels, principalement Dassault et Safran, notamment sur les problématiques d'aérodynamique, de qualité de vol, de furtivité aussi bien électromagnétique qu'infrarouge.

J'en viens au secteur civil avec l'hélicoptère « new look » qu'est le H160 d'Airbus Helicopters. Cet appareil devra assurer la succession de l'hélicoptère « Dauphin » à la fin de la décennie. Ce nouvel hélicoptère possède une empreinte acoustique réduite de moitié par rapport aux modèles précédents avec des performances aérodynamiques supérieures. Une des caractéristiques marquantes de cet appareil est la forme de ses pales, dont la genèse mérite d'être évoquée. Début 1990 des scientifiques de l'ONERA font part à leurs correspondants de la DGA d'idées innovantes concernant le développement de pales d'hélicoptère à l'aéroacoustique améliorée. Au terme de nombreux échanges, la DGA confie ce développement, qui était alors de la science pure, à l'ONERA et le premier contrat est signé en 1994. Les contrats s'enchaînent jusqu'en 2001 où le projet atteint un niveau de maturité technologique suffisant pour que la DGAC prenne le relais et notifie au couple Eurocopter-ONERA des contrats pendant dix ans afin de faire progresser le niveau technologique et de transférer ce savoir-faire à l'industrie. Un brevet a été déposé en 2008 et la pale est dévoilée par l'industriel en 2010, puis vient le tour de l'appareil en 2015. Le succès espéré du H160 à l'horizon 2020 repose donc sur un développement initié trente ans auparavant pour parvenir à disposer des technologies nécessaires.

Il est donc important de rester très attentifs si nous ne voulons pas avoir de mauvaises surprises dans une vingtaine d'années. M. François Auque, alors vice-président exécutif de Space Systems d'Airbus Group, qui intervenait lors d'un récent colloque à la Maison de la chimie me permet de conforter cette observation. Après avoir souligné, à juste titre, les succès de ce secteur en 2014, il s'adressait à Mme Geneviève Fioraso, alors secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur et à la recherche, pour lui faire valoir que les succès d'aujourd'hui sont bien la réussite des technologies d'hier et que pour rester un acteur de premier plan, il est nécessaire que ces technologies soient soutenues aujourd'hui car « c'est une question de distance et de vitesse de la lumière ». Je suis intervenu à mon tour pour indiquer que je reprenais ces propos à mon compte en précisant qu'il convient de se préoccuper de la source de la lumière qui n'est pas la technologie mais, en amont, la recherche et la science, ce pour quoi l'État français a créé l'ONERA.

Dans le domaine civil, l'ONERA a également joué un rôle très important dans le grand succès commercial qu'est l'A320. Ce succès repose en grande partie sur le transfert d'un savoir-faire de l'ONERA en matière de commandes de vol électriques, technologie issue de besoins purement militaires. Cet exemple illustre bien l'intérêt technique, programmatique et industriel d'un outil à caractère dual tel que l'ONERA.

Bien que travaillant sur le moyen et le long terme, comme nous l'avons vu, l'ONERA est également en mesure de répondre à l'urgence. Lorsqu'au début de l'année dernière des drones pirates ont survolé des installations sensibles, c'est vers l'ONERA que se sont tournés la gendarmerie, avec laquelle l'ONERA a signé un partenariat, et le Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN). L'ONERA a été l'un des pilotes de la campagne d'essais visant à faire l'état des lieux des systèmes de détection et de neutralisation. L'État a ensuite lancé un programme de recherche avec des appels à projet à la tête desquels ont été retenus la société CS et l'ONERA, dans le but de développer un système de détection et de neutralisation de drones le plus automatisé possible.

J'ai déjà évoqué le prochain contrat d'objectif et de performance entre l'État et l'ONERA. Ce contrat doit couvrir la période 2016 – 2021 et revêt une importance particulière car, pour illustrer les écarts entre la théorie et la pratique, l'ONERA n'avait plus de contrat avec l'État depuis 2009. L'élaboration de ce contrat est placée sous le signe de l'écoute des attentes de tous nos partenaires, institutionnels et industriels. Au cours des derniers mois ont été organisés des séminaires bilatéraux avec la DGA, la DGAC, le CNES, le GIFAS, Dassault Aviation, Safran, MBDA, Thales, et Airbus. Chaque rencontre était consacrée à la prise en compte de leurs besoins scientifiques et techniques et de leurs attentes concernant l'organisation future de l'ONERA. Leur message est très clair : « L'existence d'un institut de recherche aérospatial bien positionné est un élément clé de succès pour le développement de la filière aérospatiale et l'ONERA a toute légitimité pour être cet institut. Cependant il doit être capable d'évoluer à la fois dans l'adaptation de son offre de recherche et dans son organisation ».

L'ONERA a également élaboré au cours de la même période son nouveau plan stratégique scientifique qui fixe les principaux axes d'efforts pour la décennie 2015 – 2025 et la manière dont l'ONERA se projette dans l'avenir. Le projet est suffisamment avancé pour être présenté très prochainement en comité central d'entreprise dont j'ai besoin de recueillir l'avis avant sa diffusion. Une fois accepté, ce plan sera accompagné de feuilles de route établies en étroite collaboration avec nos partenaires étatiques et industriels.

L'élaboration du contrat d'objectifs et de performance est actuellement conduite sous l'égide de la DGA, tutelle de l'ONERA, avec la mobilisation de tous les acteurs concernés par le devenir de l'ONERA. Cette mobilisation interministérielle et industrielle constitue pour nous un signe fort de l'engagement de tous pour l'ONERA de demain.

Ce nouveau contrat devra être le reflet de ce que notre pays attend d'un organisme consacré à la recherche aérospatiale et répondre aux souhaits de nos partenaires. Je profite de cette audition pour mentionner quatre des axes qui seront poursuivis dans le contrat :

– le lien avec la Défense sera renforcé par une nouvelle démarche d'inclusion des objectifs de recherche de base de la DGA dans la programmation scientifique de l'ONERA. Les réflexions menées dans le cadre de l'élaboration du COP ont d'ailleurs fait apparaître un besoin et un désir communs de mener ensemble des actions de recherche prospective en associant les équipes de la DGA et de l'ONERA ;

– je le disais plus haut, l'ONERA est un organisme de recherches finalisées qui se consacre à la recherche aérospatiale. Les activités de l'ONERA doivent profiter en premier lieu à l'industrie aérospatiale française et la renforcer. Cet objectif est donc revisité dans le contrat d'objectifs et de performances. Je considère qu'il va de soi que cette relation nouvelle s'accompagne d'un investissement contractuel accru de l'industrie pour les travaux de recherche de l'ONERA répondant à ses besoins ;

– le rapprochement déjà initié de l'ONERA avec les grands ensembles universitaires en cours de constitution à Palaiseau, École polytechnique, École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA ParisTech), et, à Toulouse, l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE), sera amplifié. Nous espérons que le partage d'une tutelle unique assurée par la DGA facilitera les travaux ;

– j'évoquais le nombre d'implantations de l'ONERA que j'estime trop élevé en Île-de-France avec les trois sites de Châtillon, Palaiseau et Meudon. Nous avons, dans le cadre des travaux en cours, l'objectif commun de regrouper l'essentiel de notre potentiel francilien sur le plateau de Palaiseau, ce qui ira dans le sens du rapprochement avec les écoles que je viens de mentionner.

L'organisation nouvelle que je compte mettre en place sera au service de ces quelques axes et de bien d'autres que nous aurons probablement l'occasion d'évoquer lors des débats qui vont suivre. Elle visera à doter l'ONERA des moyens qui lui permettront de mieux appréhender les enjeux transverses et de renforcer nos liens avec nos partenaires en leur garantissant la qualité de relations qu'ils sont en droit d'attendre. L'organisation et la structuration actuelle de l'ONERA datent de 1997 et notre environnement a changé ainsi que nos moyens, nos outils et nos effectifs : nos interlocuteurs étatiques et industriels se sont réorganisés dans l'intervalle, certains à plusieurs reprises. Il est donc fondamental qu'à son tour l'ONERA manifeste dans ses actes sa bonne assimilation des changements intervenus.

Vous le constatez mon objectif est bien de mettre l'ONERA sur une nouvelle trajectoire. La large concertation qui vient d'avoir lieu, et qui se poursuivra, va permettre de définir de nouvelles manières de travailler. Toutefois l'ensemble des moyens financiers, subventions et contrats, étatiques et industriels, devra être au rendez-vous si l'on souhaite que l'ONERA puisse être à la hauteur de l'ambition, qui a été récemment réaffirmée de manière unanime par l'ensemble de nos partenaires, d'un ONERA fort permettant à la France et à l'Europe de garder leur rang de haut niveau mondial, un rang obtenu en partie grâce à l'action de l'ONERA au cours des 70 années écoulées depuis sa création. Soyez assurés que c'est bien l'intention, la volonté et l'envie de ses personnels de faire en sorte qu'il en soit de même à l'avenir.

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