Intervention de Bruno Sainjon

Réunion du 16 mars 2016 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bruno Sainjon, président-directeur général de l'ONERA :

L'ONERA a bel et bien fait d'importantes fautes de communication dans les décennies passées. La communication est pourtant fondamentale, mais assez étrangère à la culture des scientifiques et des chercheurs. C'est donc pour nous faire mieux connaître que nous publions la présentation de nos « pépites » et nous avons tout intérêt à le faire : grâce à nos publications, chacun peut voir tout ce qu'un milliard d'euros investi en dix ans par l'ONERA a pu produire, et la somme n'est pas considérable au regard, par exemple, des cinq milliards d'euros consacrés à la recherche dans le même temps par EDF. Il me faut toutefois signaler que notre communication ne peut porter que sur des informations ouvertes. La classification de certaines informations constitue ainsi un frein à nos efforts de communication, ainsi que, parfois, une frustration pour certains de nos agents.

Nos souffleries sont des installations remarquables que je vous invite à visiter, ainsi que notre site de Palaiseau. Modane-Avrieux est très important, et l'annonce par le ministre d'un plan d'aide de 20 millions d'euros a utilement sécurisé son avenir ; nous espérons recevoir les fonds rapidement. D'ores et déjà, nous avons pu engager la rénovation de l'épaisse dalle de béton qui soutient l'édifice, ainsi que le désamiantage de la soufflerie. Nous espérons être en mesure de notifier des marchés publics rapidement, et l'ensemble des travaux devrait s'étaler sur quatre ans. Je peux vous transmettre ultérieurement leur calendrier précis, ce qui peut en outre vous être utile pour choisir à quel moment organiser une éventuelle visite parlementaire.

Les Chinois ont tous les moyens scientifiques et financiers de progresser dans le secteur aérospatial. En 2008 déjà, la Chine a provoqué la surprise en envoyant un homme dans l'espace, comme seuls les Russes et les Américains l'avaient fait avant elle. La Chine aura sans nul doute la capacité de s'engager à très haut niveau dans une aviation civile de rang mondial, mais reste à savoir à quel rythme, ce qui dépend à la fois des moyens qu'elle y consacrera et de l'aide qui lui sera apportée. À ce propos, la Chine a annoncé fin 2014 un partenariat avec la Russie. Comme je l'ai indiqué l'ONERA entretient depuis cinquante ans une collaboration très riche et très fructueuse avec son homologue russe, le TsAGI, et avec le TsIAM, collaboration dont nous devons d'ailleurs veiller à ce qu'elle perdure au-delà du renouvellement des dirigeants. Il semble toutefois que les Chinois, à la différence des Français, visent moins une véritable coopération que l'appropriation des savoir-faire, ce qui entraîne des réticences chez leur partenaire.

Concernant nos moyens, nous avons certes fait des progrès, mais tout l'enjeu réside dans l'élaboration et la mise en oeuvre de notre contrat d'objectifs et de performance. In fine, force est de constater que les moyens et les missions de l'ONERA ne sont pas cohérents : faut-il dès lors adapter les moyens aux missions ou l'inverse ? La réponse n'était pas évidente il y a deux ans car l'ONERA avait été longtemps oubliée. Le besoin d'un ONERA fort est toutefois reconnu par tous les acteurs, et la DGA a réaffirmé les missions de l'ONERA, d'ailleurs presque inchangées depuis soixante-dix ans, à une modification près, intervenue en 1961, à l'occasion de la création du CNES, avec lequel les liens, distendus dans les années 2000, sont étroits aujourd'hui. Pour que l'ONERA remplisse ses missions, les moyens devront suivre, quelle que soit leur source. Un certain niveau de subventions est indispensable pour les projets et les investissements de moyen et long terme, dont le financement par les industriels, qui proposent des contrats portant le plus souvent sur des projets de court terme, est par nature plus difficile, sauf dans des cas particuliers comme le FCAS, par exemple.

Les investissements auxquels on renonce obèrent-ils l'avenir ? Oui, comme le montre le cas de nos huit souffleries dans l'entretien desquelles on a sous-investi au cours des années 2000, alors qu'aujourd'hui, leur caractère stratégique est réaffirmé. L'Office a présenté en 2014 un plan détaillé de rénovation de ses installations. Le financement évoqué de 20 millions d'euros va dans le bon sens, ainsi que les contrats de la DGAC pour la rénovation des pales de la soufflerie de Modane et l'informatisation de l'ensemble des souffleries, mais cela ne suffit pas à consolider la totalité de cette activité. L'État dit vouloir soutenir ce secteur stratégique à tous égards, y compris via les programmes d'investissements d'avenir, or curieusement, l'ONERA n'a que très peu bénéficié de ces programmes, dont il est par ailleurs l'opérateur. Une prise de conscience est en cours : nous bénéficierons en 2016 des premiers crédits de recherche directs issus d'un premier PIA, et l'idée d'un financement plus large des investissements dans nos centres au moyen de ces programmes mérite d'être étudiée.

Il est intéressant de noter que les industriels ont individuellement et collectivement réaffirmé le rôle et les enjeux de l'ONERA. Je crois qu'il était important de leur montrer que l'on voulait travailler avec eux et pour eux, et le message a été bien reçu. Il est nécessaire de bien distinguer deux volets : le volet soufflerie et le volet recherche. S'agissant du volet soufflerie, nous sommes dans un creux de cycle, et l'absence de programmes de gros-porteurs civils ou militaires et d'aviation d'affaires, a conduit à une activité très faible, de moins de dix millions d'euros. Les trois quarts de ces montants sont tournés vers l'activité export et concernent, par exemple, des essais d'avions chinois ou américains. Nous pensons avoir atteint le plus bas niveau mais nous espérons amorcer une remontée. Il est toutefois nécessaire que les industriels acceptent de contribuer par des travaux utiles à l'entretien de ces installations et de ces compétences. En matière de crédits de recherche, nous pouvons progresser. Par exemple, au moment où ont été posées les bases du volet aéronautique du PIA, il semble qu'il y ait eu alors un consensus pour réserver au sein de cette enveloppe un volume suffisant pour mener des études de bas TRL, mais cette option n'a pas été retenue. Or, vous voudrez bien me pardonner l'expression, mais quand est lâchée sans règle une masse d'argent à se répartir entre un parterre d'industriels et l'ONERA, les industriels se déchirent pour avoir la part de financement convoitée et l'ONERA n'a rien. Il y a donc des progrès à faire sur ce point. Il pourrait donc être utile que l'État, maître du jeu, mette en place une règle si un autre volet de PIA devait voir le jour. Cela dit, plusieurs mécanismes de répartition sont envisageables en la matière.

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