Pour ce qui concerne le M88, nous avons fait beaucoup de choses, à commencer par les matériaux. Safran réaffirme régulièrement son attente et son besoin des grandes compétences de l'ONERA en matière de matériaux métalliques pour lesquels nous disposons d'un réel savoir-faire.
Nous avons remporté plusieurs projets européens l'année dernière dans le cadre de Clean Sky. Malgré la disparité de moyens, nous nous sommes efforcés de nous présenter à un niveau équivalent à celui du DLR. Cela a donné de très bons résultats pour les avions, notamment la conception des aéronefs civils, mais malheureusement pas pour les hélicoptères alors que nous avions présenté trois projets. Les résultats des projets présentés dans le cadre de Clean Sky sont très bons et H2020 a été une réussite. Dans le cadre d'une politique européenne de collaboration avec des pays hors Europe, l'ONERA a présenté quatre projets, avec le Canada, le Japon et la Chine, et ces quatre projets ont été retenus. L'intérêt scientifique de ces projets ainsi que la qualité de nos relations avec ces pays faisaient en effet de nous un interlocuteur intéressant.
Nous ne travaillons pas avec la SIMMAD et le SIAé. Ils pourraient naturellement nous solliciter s'ils avaient des difficultés mais aucun besoin n'a été identifié jusqu'à présent.
Il y a beaucoup de choses à dire concernant le spatial ! Il convient de se remémorer que le CNES est né d'un refus de l'ONERA. Quand, dans les années 1960, le général de Gaulle veut que la France se dote de la dissuasion et d'un accès indépendant à l'espace, il crée d'abord, pour la dissuasion, la DGA, un outil qui n'existait pas, et ensuite, au sein du CEA, une direction des applications militaires. Pour les lanceurs, c'est-à-dire l'accès indépendant à l'espace, il était naturel de se tourner vers l'ONERA, qui avait déjà travaillé sur ces questions. Mais l'ONERA refuse cette mission au motif qu'il fallait séparer les activités – ce qui n'a pas été fait en Allemagne puisque le DLR cumule les activités d'agence spatiale et d'établissement de recherche. Des entités séparées avec des liens très intriqués ont donc été créées. Ceci a très bien fonctionné jusqu'à la fin du développement d'Ariane 5 mais comme la génération suivante n'a pas suivi, l'activité et les liens avec l'ONERA se sont distendus et le CNES a internalisé certaines activités. Avec le démarrage d'Ariane 6, les liens se resserrent à nouveau : nous avons signé avec le CNES, dans les semaines qui ont suivi le lancement du projet, six programmes d'intérêt commun. Ariane 6 est avant tout piloté par des enjeux économiques, mais pour les enjeux scientifiques de recherche, nous travaillons avec le CNES sur la fiabilisation d'éléments nouveaux. La communauté spatiale a connu quelque émoi avec les projets de lanceurs réutilisables. Nous avons lancé nos premiers travaux communs avec le CNES sur ce point en fin d'année dernière et nous devrions notifier ensemble un programme d'intérêt commun. La Commission européenne a également lancé un appel à projets pour un lanceur réutilisable dans le cadre de H2020 et l'ONERA a été retenu comme chef de projet pour un démonstrateur de lanceur en partie réutilisable pour des microsatellites. L'Agence spatiale européenne (ESA) avait envisagé de lancer des projets mais a reculé pour l'instant. Airbus Safran Launchers est également un acteur avec lequel nous travaillons dans ce domaine.
Nous avons des contrats avec l'ESA pour de petits montants. Nous avons signé la semaine dernière, avec nos homologues de l'INTA espagnol (Instituto Nacional de Técnica Aeroespacial), du DLR allemand, du CIRA italien (Centro Italiano Ricerche Aérospaziali) et du NLR hollandais (Nederlands-Lucht-en Ruimtevaartcentrum), la création d'une entité européenne de recherche spatiale, l'ESRE (Association of European Space Research Establishments), afin de fédérer nos capacités de recherche et de proposer à l'ESA et à la Commission européenne des technologies de rupture innovantes. Il faut en effet, comme l'a dit Alain Rousset, aller chercher ailleurs que chez les industriels dont les motivations sont avant tout de court terme.
En ce qui concerne nos implantations en Île-de-France, le calcul est relativement simple : la vente de nos terrains de Châtillon, environ quatre hectares, et de Meudon, environ 14 hectares, ne couvrirait pas le transfert et l'implantation des moyens et des équipes nécessaires avec un écart de l'ordre de 70 millions d'euros. Nous réfléchissons donc à ces questions. Les échanges avec les promoteurs se poursuivent pour savoir quel montant il sera possible de retirer de la vente. Nous sommes assez confiants pour Meudon et l'opération devrait être quasiment auto-porteuse mais il nous manque aujourd'hui « l'allumette » pour la lancer, car il faut préalablement pouvoir préparer les infrastructures pour accueillir les équipes et les moyens, or cela nécessite une trésorerie dont nous ne disposons pas à ce stade. Mais je ne suis pas très inquiet car nous trouverons des solutions. J'ai récemment rencontré le préfet de région pour voir quelle aide il pourrait nous apporter.
Selon moi, les critiques de la Cour des comptes relatives à l'aéronautique civile s'adressaient plus à la DGAC qu'à l'ONERA. Les financements de la DGAC en direction de l'ONERA consistaient d'une part en une subvention d'équipement qui a cessé en 2011, au motif de sa compatibilité avec la réglementation européenne, et d'autre part en des financements directs d'études de recherche. Je rappelle que la subvention de la DGA est censée couvrir l'ensemble de l'activité de l'ONERA civile et militaire mais que nous avions à l'époque une pression du ministère de la Défense pour faire davantage de militaire. La création du PIA a conduit le ministère du Budget à diviser par deux les enveloppes de recherche dont bénéficiait la DGAC, qui sont passées de 120 à 60 millions d'euros. Le problème est que l'ONERA n'a pas bénéficié du PIA aéronautique et que dans le même temps la DGAC, dont le budget se trouvait réduit de moitié, a donné la priorité à la recherche industrielle au détriment de projets de recherche amont. Nos contrats de recherche avec la DGAC sont donc passés de 20 millions d'euros en 2010-2011 à 276 000 euros en 2014. Il était donc fondamental de remettre notre relation à plat. Nous avons signé quatre conventions de recherche avec la DGAC l'année dernière, plus les deux conventions d'avances remboursables que j'ai évoquées dans le cadre de la rénovation des souffleries. Je crois que la DGAC a bien compris l'intérêt qu'elle avait à travailler avec l'ONERA et la reprise des liens est une très bonne nouvelle.
Vous parliez d'accentuer le caractère dual de l'ONERA : il l'est déjà intrinsèquement puisqu'il est le plus souvent impossible de savoir au départ si les résultats de la recherche fondamentale serviront des applications civiles ou militaires. Cette double activité, civile et militaire, est en revanche une vraie force pour l'ONERA. Le ministère de la Défense est par exemple très attentif à ce que les activités de dissuasion soient liées à la problématique des lanceurs, et je suis convaincu que c'est un plus absolu dans le domaine de la recherche.
Vous parliez de la possibilité pour l'ONERA de rechercher des clients à l'extérieur de l'Europe, mais nous le faisons déjà dans le domaine des souffleries. Fortes du constat que le creux de cycle post-A400, post-A380 et post-A350 se traduirait par une baisse d'activité pour les souffleries, les équipes de l'ONERA sont allées démarcher au début des années 2000 d'autres clients extérieurs. Le bilan de l'activité soufflerie depuis dix ans indique une moyenne d'environ 25 % de contrats export, car si l'on considère la baisse d'activité de ceux qui devraient être nos clients « captifs », Airbus, Dassault et Snecma, la part d'export a augmenté passant à plus de 50 % en 2014 et à plus de 75 % en 2015.
M. Moyne-Bressand posait la question du statut mais je n'estime pas qu'il s'agisse d'une limitation, y compris pour la création de filiales avec les industriels. Je ne vois pas en quoi cela constituerait un obstacle, peut-être parce que nous ne nous y sommes pas encore heurtés. Permettez-moi d'illustrer ma réponse par un exemple : lors du développement d'un nouvel avion de transport, civil ou militaire, intervient une phase de test dite analyse modale. Celle-ci consiste à tester la résistance de l'avion à des chocs en des points stratégiques. Les deux acteurs concernés par ces analyses sont, en France, Dassault et Airbus. Pour Airbus, nous avons, à la demande de l'entreprise, un partenariat avec le DLR et l'ONERA est leader quand les essais se déroulent en France, et le DLR leader quand ils se passent en Allemagne. C'est ce qui s'est passé fin 2014 quand nous sommes allés à Toulouse pour tester l'A350. En revanche Dassault s'appuie de manière privilégiée sur une société du groupe APAVE, dénommée SOPEMEA, avec laquelle nous avions dans les années 2000 des liens étroits, rompus dans l'intervalle. Nous devrions cependant signer dans les semaines qui viennent une convention avec le président de SOPEMEA afin de lier nos deux entités pour que l'ONERA devienne le « serveur » et SOPEMEA « les bras », permettant ainsi de renforcer les compétences nationales dans ce domaine. En clair, nous essayons de créer une coordination française compétitive, à même d'attirer de nouveaux clients. Cela pourrait également permettre à l'ONERA d'offrir son expertise dans des domaines dans lesquels intervient déjà SOPEMEA, comme le nucléaire ou les transports. Nous pouvons par conséquent conclure des partenariats avec l'industrie et nous disposons d'une variété de partenariats possibles, plus ou moins étroits, de manière à faire profiter les industriels de notre savoir-faire.
Par ailleurs, pour répondre à la question portant sur la présence des industriels au sein du conseil d'administration de l'ONERA, je précise qu'il en compte aujourd'hui quatre. Lorsque je suis arrivé, les entreprises représentées étaient Dassault, Safran, Thales et Airbus. Le conseil a été renouvelé en 2015, et nous avons désormais un représentant d'Airbus, de Safran, de Dassault et de Zodiac.
Pour répondre à M. Rousset, sur la relation avec les PME, 68 % des dépenses externes de l'ONERA vont vers les PME. Par exemple, nous évoquions tout à l'heure le cas de Modane, et j'ai demandé que l'on fasse le nécessaire, y compris avec SPIE, pour que ces 20 millions d'euros viennent irriguer le tissu des PME de Savoie. En outre, dans le cadre de nos recherches, il est évident que l'ONERA se tourne vers des PME à l'expertise pointue dans le domaine de la mécanique ou de l'électronique. Les achats métiers de l'ONERA entre 2009 et 2013 ont représenté 41 à 45 millions d'euros dans lesquels la part des PME était de 52 à 58 %, soit un flux de 25 millions d'euros. Avec les mesures d'austérité que j'ai été amené à prendre fin 2014 et en 2015, ces acquisitions extérieures sont tombées à un peu moins de 18 millions en 2014 et un peu plus de 18 millions en 2015. Par conséquent les économies qu'a dû faire l'ONERA ont eu un impact de sept millions sur les PME en 2014 et 2015. C'est à mon sens, un aspect à prendre en considération.
Vous avez parlé de la mise en place d'ONERA-Tech et c'est vraiment une chose à laquelle je tiens. Pour y parvenir nous comptons sur les régions dont je n'ai effectivement pas assez parlé. En effet les principaux soutiens que nous avons eus au cours des deux dernières décennies pour le maintien à niveau des investissements techniques dans le domaine des souffleries, sont venus des deux régions où sont situées les installations du Fauga et de Modane. Cependant en raison d'un processus de repli sur soi, l'ONERA s'est trop coupé des régions ces dernières années et nous avons essayé de rétablir le lien. Nous avons par exemple, et ce fut une très bonne nouvelle, obtenu l'an dernier de la part de la région toulousaine, un investissement fort d'un peu plus de quatre millions d'euros pour un projet associant l'ONERA à plusieurs acteurs régionaux dont des PME. Je tiens à ce que l'on pousse l'ONERA-Tech et je rappelle que nous étions présents avant le CEA, qui a mis, lui, les moyens humains et financiers nécessaires pour réaliser son projet, avec la force du CEA dont vous connaissez les liens. Or, nous avons beaucoup de partenariats réussis avec des PME qui sont venues nous chercher et auxquelles nous avons apporté nos savoir-faire. Certaines sont devenues des entreprises de pointe de classe mondiale dans leur domaine. Cela reste toutefois du cas par cas et l'enjeu d'ONERA-Tech est le développement de ces partenariats. Si nous disposons d'un soutien entier de la Banque publique d'investissement (BPI), ce projet devra, pour aboutir, être également financé en partie par les industriels. J'attends un soutien concret d'Airbus qui s'y est engagé en 2015.
L'ONERA est également labellisé Carnot depuis la création de ces filières. Les instituts Carnot sont aujourd'hui 34, beaucoup plus nombreux qu'à l'origine alors que les financements se sont plutôt réduits. Cela a conduit l'État à essayer de structurer ces instituts en filière d'excellence en 2014. Nous nous sommes érigés en chef de file des instituts Carnot à vocation aéronautique et avons été suivis. En 2015, parmi les trois projets retenus dès l'écrit figurait le nôtre. Nous allons donc démarrer cette année mais le problème auquel je me heurte actuellement est celui des ressources humaines et de la capacité à recruter. Je rappelle que, dans ce cadre, notre mission n'est pas de faire, mais d'animer. Mais il faut des moyens pour cela et vous comprendrez aisément que lorsque mes subventions et mes contrats couvrent à peine ma masse salariale, il est difficile d'irriguer l'extérieur.
Vous avez attiré mon attention sur les IRT. Combien de fois ai-je entendu « Mais pourquoi avez-vous laissé se créer l'IRT Saint-Exupéry à Toulouse ? », ou « Il fallait que l'ONERA s'y implique » ? Si l'ONERA ne l'a pas fait, c'est pour les raisons que vous avez indiquées, à savoir des problématiques de propriété intellectuelle, sujet brûlant en ce moment. Néanmoins cet IRT existe, il est implanté localement et on ne peut l'ignorer. Il intervient toutefois dans trois domaines limités : l'avion électrique, les matériaux et les systèmes embarqués. À nous de trouver des terrains communs.