Intervention de Bruno Sainjon

Réunion du 16 mars 2016 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bruno Sainjon, président-directeur général de l'ONERA :

On retombe sur une problématique économique : ces IRT étaient censés se développer pendant un certain nombre d'années grâce à des crédits mi-publics mi-privés, puis vivre des redevances générées par la propriété intellectuelle. C'est irréaliste économiquement. Quelque chose va donc devoir se passer pour les IRT dans les mois qui viennent.

Concernant les statoréacteurs, nous allons effectivement essayer de ne pas voir partir nos savoir-faire, d'autant plus qu'ils posent des risques en terme de prolifération. En revanche, et pour revenir rapidement sur la question du dual, le jour où l'on aura fortement progressé en matière d'avion hypersonique, ce savoir-faire unique acquis grâce à une expérience de quarante ans dans les statoréacteurs et la dissuasion fera de l'ONERA un acteur clé dans ce domaine.

Vous avez raison M. Fromion, je l'ai peut-être exprimé de manière un peu forte, mais je crois que l'ONERA s'était fait oublier et qu'il avait donc besoin de se montrer et de s'exprimer à nouveau. J'évoquais tout à l'heure le soutien apporté par votre commission au moment des débats budgétaires. J'ai tenu à rapporter à l'ensemble des personnels ce qui s'était passé à la fois à l'Assemblée nationale et au Sénat, notamment l'amendement proposé par Mme Bruneau et cosigné par plusieurs d'entre vous et qui visait à abonder de 15 millions d'euros la subvention de l'ONERA. J'ai aussi cité les interventions dans les débats de ceux qui expliquaient ne pas pouvoir souscrire à cette proposition non pas sur le fond, mais parce que la réaffectation de crédits aurait lésé certains programmes, dont le programme Contact à hauteur de 10 millions d'euros.

Quant au radar transhorizon, j'invite M. Fromion à se rendre à Palaiseau afin de voir ce que font nos équipes radar et d'approfondir ces sujets sensibles dans un cadre plus adapté. Je peux toutefois signaler que, début février, nous avons organisé les Journées programmes ONERA au cours desquelles nous avons présenté aux services officiels ce que nous envisageons de faire dans les domaines militaires, civils et spatiaux. À cette occasion, un intervenant du domaine technique de la DGA nous a dit être très fortement sollicité par les Américains qui souhaitent travailler avec la France sur ce radar, justement grâce aux compétences de l'ONERA dans ce domaine qu'ils considèrent comme les meilleures au monde. J'ai cité le radar GRAVES, mais le radar à ondes de surface est également une technologie très prometteuse que nous poussons.

Je remercie M. Jean-François Lamour qui vous invite à vous rendre sur notre site de Palaiseau. J'ai déjà évoqué le déménagement : il est évident que l'argent mobilisé pour ce projet ne pourra être utilisé ailleurs. Avant de mettre ce sujet sur la table des services officiels, il appartient à l'ONERA d'étudier celles des installations qu'il serait proposé de ne pas transférer pour des raisons scientifiques ou économiques. À nous d'être attentifs et de ne pas oublier d'installations sensibles ou stratégiques importantes.

À propos des PME, et au-delà de la réponse faite à Alain Rousset, ma position est très claire : il faut que nous fassions travailler les PME autour de nous. L'ONERA n'a pas vocation à tout faire. Nous devons développer des savoir-faire autour de nous et nous en avons la capacité : je crois que nous travaillons actuellement avec quelque 1 800 PME et j'espère que le projet ONERA-Tech nous permettra de développer encore ces relations.

Où en sommes-nous avec MBDA concernant le statoréacteur ? Comme je l'ai dit pudiquement lors de ma présentation, nous travaillons sur les trois axes développés par le ministère de la Défense. Deux axes avancent à des vitesses différentes mais, là encore, je ne vais pas pouvoir développer plus avant le sujet dans le cadre de cette audition. Je vous invite donc à venir rencontrer nos équipes sur place. Suite à une réorientation du programme, nous avons dû adapter l'une des souffleries de Modane pour faire des essais en mode supersonique assez avancé, car nous ne pouvions pas nous contenter des seuls résultats de simulation. J'en profite pour signaler que l'adaptation de la soufflerie S4 a nécessité trois ou quatre ans de travaux, financés par l'ONERA qu'il s'agisse des dépenses d'investissement ou de personnel. C'est logique car nous remplissons notre mission, mais ce facteur de coût n'est couvert pas aucune rentrée d'argent. Il faut y être attentif si l'on veut conserver cette capacité fondamentale et stratégique.

Nous avons fait beaucoup de choses sur l'A400M par le passé, y compris des essais en soufflerie, en raison des interrogations légitimes sur la motorisation particulière de cet appareil. Ces essais ont tout de même fait apparaître que certains éléments avaient été sous-dimensionnés : je pense par exemple à la pointe arrière de l'appareil qu'il a fallu renforcer d'un facteur deux. J'ai interrogé mes équipes : comment se fait-il que l'on rencontre encore des problèmes aujourd'hui ? Est-ce que certains problèmes n'ont pas été détectés à l'époque ? La réponse est positive, parce que les essais correspondants n'ont pas été demandés. De son côté, l'ONERA n'a sans doute pas été suffisamment force de proposition. J'étais hier au Fauga pour assister à la campagne d'essais que nous conduisons pour le compte d'Airbus afin de voir si nous pouvons apporter des solutions à la question du ravitaillement en vol des hélicoptères par l'A400M, dont vous savez qu'elle connaît quelques difficultés.

Il existe des équivalents de l'ONERA dans quasiment tous les pays européens. Le principal, celui qui aujourd'hui tente de prendre la tête dans ce domaine est le DLR allemand avec les moyens importants et le fort soutien dont il bénéficie. Au début des années 2000 nous avons créé une Association européenne des établissements de recherche dans l'aéronautique (EREA), qui comprend une quinzaine de membres. J'ai d'ailleurs été élu à la présidence de cette association l'année dernière ce qui, à mon sens, illustre le fait que nos partenaires européens souhaitent eux aussi un ONERA fort avec lequel dialoguer et travailler. Nous sommes en train de développer avec eux un certain nombre de partenariats bilatéraux ou multilatéraux dans le cadre des appels à projet européens.

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