Monsieur le président, mes chers collègues, le transport aérien traverse une période marquée par de profonds bouleversements, dans laquelle les enjeux environnementaux ont commencé à prendre une place primordiale, non seulement aux yeux des populations survolées, mais aussi auprès de certains États.
La compatibilité entre aéroports et zones urbaines est une problématique de plus en plus pressante, les relations entre les riverains étaient de plus en plus délicates, face aux velléités de développement de certains de ces aéroports, spécialement – mais pas seulement – en Île-de-France.
Aujourd'hui, 4 700 000 personnes subissent des nuisances aéroportuaires. Celles-ci sont de plusieurs ordres. La principale est, de loin, la nuisance sonore. Mais on peut aussi parler de la pollution atmosphérique, de la pollution des sols, des cours d'eau et de la pollution lumineuse ; ces pollutions, comme on l'a constaté dans un certain nombre de rapports, impactent la santé et le cadre de vie des riverains des différentes plateformes aéroportuaires.
Face à ces enjeux, notre commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a pris l'initiative de lancer cette mission d'information sur les nuisances aéroportuaires, dont nous sommes les rapporteurs. Je tiens particulièrement à remercier le président Chanteguet pour cette initiative.
Nous devions rendre notre rapport au mois d'octobre, mais nous avons dû effectuer des visites sur le terrain pour constater ces nuisances et aller étudier les perspectives d'aéroports de substitution pour répondre au nombre grandissant de passagers et d'aéronefs dans certaines régions. Voilà pourquoi, après presque une année de travail et de nombreuses auditions qui nous ont permis d'entendre tous les acteurs du transport aérien, nous avons formulé, Christophe Bouillon et moi-même, une cinquantaine de propositions. Ce sont des propositions réalistes et ambitieuses, qu'il va vous énumérer tout à l'heure, et qui tendent à mieux concilier les intérêts environnementaux avec les intérêts économiques, et particulièrement les problèmes d'emploi que nous connaissons aujourd'hui.
Malgré les efforts incontestables réalisés ces dernières années, ces nuisances ne sont pas la priorité absolue des différents acteurs aéronautiques, que ce soit les constructeurs d'avions ou de moteurs, la Direction générale de l'action civile – DGAC – ou même les gouvernements successifs qui, malheureusement, y ont prêté peu d'importance.
Concernant les premiers, la diminution des consommations de kérosène passe largement avant la réduction du bruit ou des émanations de particules. Les principaux constructeurs réalisent avant tout des aéronefs en fonction des priorités du cahier des charges qui leur sont imposées par leurs clients. Cela étant, depuis très peu de temps, certaines compagnies, notamment européennes, mais plus particulièrement asiatiques, lorsqu'elles achètent des avions, prennent en compte dans le cahier des charges le problème de l'environnement, ce qui n'était pas le cas auparavant. Beaucoup d'entre elles inscrivent désormais, en seconde position des critères de choix, la diminution des nuisances environnementales. Évidemment, Airbus et Boeing, en raison d'une concurrence acharnée et de leurs contraintes commerciales, n'inscrivent, dans leurs premières exigences, que les économies énergétiques et les performances des avions.
La DGAC, pour laquelle les nuisances ne sont pas la priorité, préfère se concentrer sur ses missions de prédilection : le bon fonctionnement de la circulation aérienne, la sûreté et la sécurité du trafic. En fait, sous couvert de ces deux derniers points, elle modifie et quelquefois intervertit les configurations de survol des aéronefs sans se soucier un seul instant de la densification des zones impactées ni des nuisances qui en résultent pour les populations survolées ou nouvellement survolées. Les décisions sont prises et les enquêtes d'utilité publiques sont menées dans la plus grande opacité. La DGAC fait fi de tous les textes de loi régissant les règles urbanistiques et environnementales en vigueur. Prenons l'exemple de la décision qui a été prise en 2012 pour le Bourget : les avions qui volaient au nord de la capitale sont désormais passés, comme par magie, au sud de celle-ci. Ainsi, aujourd'hui, des avions survolent Paris entre 1 200 et 1 500 mètres – et une centaine d'avions passent quotidiennement à cette altitude au-dessus de l'Élysée.
L'ACNUSA (Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires), organisme spécialement créé pour lutter contre ces nuisances, n'apporte que peu de remèdes. Elle inflige quelques amendes pour non-respect du couvre-feu et des trajectoires d'approche, mais valide malheureusement souvent des décisions de la DGAC.
Christophe Bouillon et moi-même avons fait un état de ces différentes problématiques, mais surtout, nous avons constaté le manque de prise de conscience et l'absence de vision à long terme de nos gouvernants durant ces dernières décennies, et encore aujourd'hui. Pourtant, ce ne sont pas les solutions qui manquent. Nous en avons listé un certain nombre qui pourraient réduire, considérablement pour certaines, les nuisances subies par les populations survolées, dont le rappelle le nombre : 4 700 000 personnes sont quotidiennement survolées par des avions.
Que ces nuisances soient sonores ou atmosphériques, qu'elles soient occasionnées le jour ou la nuit, il existe des solutions. Nous avons répertorié ces solutions dans ce rapport, même si elles n'ont pas la prétention d'éradiquer toutes les nuisances. Mais elles permettront néanmoins de réduire celles qui sont provoquées par l'augmentation du trafic, notamment en région parisienne.
Les pouvoirs publics ont un rôle central à jouer pour accompagner ce secteur, mais aussi et surtout anticiper ses évolutions dans son contexte global. La question aujourd'hui est de savoir quelles orientations stratégiques la France et l'Union européenne devront adopter pour le transport aérien à moyen et long termes. Nous avons besoin d'un État stratège, visionnaire, qui prenne la mesure des mutations du secteur et de ses enjeux économiques, mais aussi et surtout environnementaux. Comme l'a très justement écrit la Cour des comptes dans un rapport de 2008 sur les aéroports français, « l'État doit maîtriser les évolutions qu'il a lui-même amorcées ». La Commission européenne prépare un Livre blanc qui devrait être publié prochainement. Gageons qu'il saura donner une impulsion politique claire pour l'avenir – du moins je l'espère.
Des solutions existent. C'est ce que nous avons essayé de démontrer au travers des différentes auditions que nous avons réalisées – notamment auprès de plusieurs experts. Nous avons repris un certain nombre des propositions de ces experts, que nous avons jugées réalistes et surtout conformes en matière de sécurité, de technicité, et donc crédibles aux yeux de tous. Elles permettront, si elles sont mises en application, de réduire considérablement les nuisances. Pour d'autres, elles les atténueront sensiblement, et permettront aux populations subissant ces calvaires de mieux vivre dans le futur.
Nous sommes à un moment clé. Nous devons nous mobiliser pour préparer le futur et prendre les décisions nécessaires pour l'environnement, en portant une attention particulière à la gestion de la cohabitation avec les riverains, l'aménagement du territoire, l'avenir des aéroports, dans une vision multimodale de la politique des transports.