Intervention de Jean-Pierre Gorges

Réunion du 15 mars 2016 à 18h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Gorges, rapporteur :

Vous avez davantage traité la question du déficit que celle de la constitution et des risques de la dette. Vos positions s'avèrent en outre très personnelles. Monsieur Giraud, quand vous dites que la transition énergétique sauvera la France, j'ai l'impression que les choses sont un peu plus complexes que cela. Vous affirmez que tous les pays connaissent la même situation en matière d'endettement depuis l'apparition de problèmes dans le secteur des énergies carbonées, mais le cas français m'apparaît spécifique. En outre, 85 % de l'énergie consommée en France est d'origine nucléaire et, par ailleurs, les dépenses fiscales soutenant la transition énergétique sont élevées. Il faudra bien compenser la facture de 60 milliards d'euros que cette transition génère par rapport au nucléaire. D'ailleurs, Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, a annoncé vouloir prolonger la durée de vie des centrales de dix ans – décision aberrante car il faut soit les arrêter soit prolonger leur activité pendant vingt ans du fait de la nécessité d'investir 55 milliards d'euros, charge qui ne pourra pas acquitter en dix ans. Les États-Unis utilisent beaucoup d'énergies carbonées et l'Allemagne, dont la situation est meilleure que la nôtre, a décidé de revenir vers ces énergies.

La dette n'est pas uniquement liée à l'énergie, et les gouvernements français ont pris de nombreuses décisions qui ont eu un impact sur l'endettement. Un quart des dépenses sociales dans le monde sont françaises ! Le passage de l'âge de la retraite de 65 à 60 ans a représenté une forte charge financière. L'abaissement de la durée légale du travail à 35 heures hebdomadaires a induit un coût annuel de 22 milliards d'euros – 12 milliards d'euros aujourd'hui – pour compenser les charges sociales. Ainsi, dans la dette française, 300 milliards d'euros découlent des 35 heures. Les réformes des retraites et des 35 heures ont généré 600 milliards de dette sur les 2 000 milliards d'euros de la dette française. La baisse de la TVA pour les restaurateurs ou la défiscalisation d'heures supplémentaires ont également contribué à notre endettement. Il est donc aisé de reconstituer la composition de la dette française.

Face à cette situation, vous nous dites qu'il suffit de mettre en oeuvre la transition énergétique ! Les pays qui se portent mieux que nous, comme la Chine empruntent le chemin inverse, même si je ne dis pas qu'ils ont raison d'un point de vue environnemental.

La question qui vous est posée concerne les risques pesant sur la dette française, qu'ils aient trait à ses détenteurs ou à son taux d'intérêt. La France court-elle un danger dans ce domaine ? La constitution de la dette découle de choix politiques qui nous incombent. Vous êtes là pour éclairer la Mission d'évaluation et de contrôle sur la gestion de la dette.

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