Près de six mois après la création de cette mission d'information commune et sept mois après la promulgation de la loi, il m'est apparu opportun que nous élaborions un rapport d'étape faisant le point sur le travail très important réalisé, notamment par nos anciens rapporteurs thématiques sur certains éléments clés de la loi du 6 août 2015.
Je ne vais pas revenir sur les raisons qui m'ont conduit à proposer la création de notre mission d'information, j'ai eu l'occasion de les répéter à chaque ministre qui est venu devant nous et je m'en explique longuement dans l'introduction du projet de rapport.
En ce qui concerne la méthode de travail que nous avions retenue lors de notre réunion constitutive, je rappellerais que nous avions confié aux anciens rapporteurs thématiques le soin de « défricher » le terrain en procédant, chacun de leur côté, aux auditions qu'ils jugeraient utiles, celles-ci étant naturellement ouvertes à l'ensemble des membres de la mission d'information qui ont été dûment informés de leur calendrier. Je salue à cette occasion la présence assidue de notre collègue Gilles Lurton, notamment pour les auditions organisées par Cécile Untermaier.
C'est ainsi que nos anciens rapporteurs thématiques ont pu, dans le cadre d'auditions ou de tables rondes, recueillir les observations d'une cinquantaine d'interlocuteurs, qu'il s'agisse de responsables d'administrations centrales, de représentants d'instances ou d'organisations professionnelles, de représentants des partenaires sociaux ou de responsables d'entreprises.
Parallèlement, la mission d'information a organisé plusieurs auditions publiques. C'est dans ce cadre qu'elle a entendu, à ce stade, quatre membres du Gouvernement ainsi que le président et la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence.
Les informations recueillies au cours de ces auditions m'ont conduit à saisir le Premier ministre et les ministres concernés d'un certain nombre d'observations sur des points précis. Nous aurons l'occasion d'en préciser la nature au cours de notre discussion. Le fait qu'il ait été tenu compte de certaines de ces remarques suffit à justifier a posteriori la démarche entreprise par notre Assemblée. Ces courriers seront publiés en annexe du rapport.
Pour nous permettre de travailler, une méthodologie a été mise en place après des échanges avec le Premier ministre. Cela ne s'est pas fait sans une certaine frilosité de la part de nos interlocuteurs ou de certains d'entre eux. Il a été décidé que la transmission des projets de décrets ou d'ordonnances serait centralisée par le cabinet du Premier ministre. Depuis lors, ces documents m'ont été, pour la grande majorité d'entre eux, effectivement transmis au rythme des arbitrages rendus en réunions interministérielles et je les ai immédiatement diffusés à l'ensemble des membres de la mission.
Cette procédure a incontestablement permis à la mission d'information de travailler efficacement. Néanmoins, je reste convaincu qu'il aurait été préférable que cette transmission intervienne plus tôt, au moment par exemple où les projets sont soumis pour consultation aux différentes instances compétentes, aux professionnels ou partenaires concernés et qu'elle soit réitérée au moment de la saisine effective du Conseil d'État, ce qui n'a pas toujours été le cas.
Mais nous innovons. Nous avons créé des procédures dont d'autres pourront profiter dans l'avenir.
Le présent rapport constitue une première étape. Outre un premier état des lieux chiffré de l'application de la loi, il comporte des développements sur cinq ensembles de dispositions de celle-ci qui ont fait l'objet d'un examen particulièrement : l'ouverture des transports de voyageurs par autocar, la réforme des professions réglementées, les dispositions relatives aux entreprises publiques, le travail du dimanche et en soirée, la réforme de la procédure prud'homale. Dans une dernière partie, le rapport commente également, le cas échéant, la mise en oeuvre des autres dispositions de la loi.
Quelques mots rapides concernant l'état des lieux chiffré de l'application de la loi. Vous trouverez tous les éléments précis dans la première partie du rapport.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, l'approche quantitative de l'application d'une loi est un exercice qui n'est pas exempt de difficultés :
En premier lieu, il convient de distinguer le nombre de dispositions de la loi qui prévoient explicitement des mesures d'application du nombre de celles qui n'en prévoient pas expressément mais qui en requièrent effectivement in fine pour produire des effets juridiques. Par exemple, huit décrets devraient être publiés en application de l'article 67 de la loi, relatif aux conditions de création et de constitution des sociétés d'exercice libéral et des sociétés de participations financières de professions libérales, alors qu'il n'y est fait mention d'aucune mesure réglementaire.
En deuxième lieu, il convient de distinguer le nombre de dispositions de la loi qui prévoient des mesures d'application, du nombre d'ordonnances, de décrets ou d'arrêtés à publier. Certains textes sont en effet publiés en application de plusieurs dispositions législatives.
En troisième et dernier lieu, des textes réglementaires ou des ordonnances publiés conformément aux dispositions de la loi peuvent eux-mêmes prévoir des mesures d'application. Ces mesures d'application de second niveau ne sont pas intégrées dans ce premier bilan chiffré et le calcul du taux d'application de la loi. Toutefois, il faut garder à l'esprit qu'elles sont tout autant nécessaires que les premières pour que la loi puisse s'appliquer.
Venons-en aux données chiffrées globales.
Après la décision du Conseil constitutionnel, la loi promulguée compte 290 articles, parmi lesquels 183 (63 %) sont directement applicables dans l'intégralité de leurs dispositions et 83 nécessitent des précisions réglementaires pour 163 de leurs dispositions. En outre, 17 habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances et 7 prévoient de manière exclusive la remise d'un rapport au Parlement.
À ce stade, 48 décrets ont été publiés, précisant 84 dispositions de la loi. Par ailleurs, les arrêtés publiés ont rendu applicables huit autres dispositions de la loi. Au total, sur les 166 dispositions qui nécessitaient des mesures réglementaires, 93 sont désormais applicables, soit un taux de 57,7 %.
Le rapport comporte un tableau précisant le taux d'application par chapitre et titre de la loi. Je vous y renvoie pour plus de détails.
Il s'agit certes d'un taux satisfaisant, mais qui contraste, il convient de le constater avec l'objectif initial du Gouvernement de publier 80 % des décrets prévus avant la fin de l'année 2015.
Le Gouvernement a sans doute péché par excès d'optimisme, mais cet objectif ambitieux même non atteint témoigne de sa volonté de permettre une mise en oeuvre rapide de la loi.
Lors d'une présentation de l'état d'application de la loi aux anciens membres des commissions spéciales chargées de l'examen du projet de loi le 1er mars 2016, le ministre de l'économie a précisé qu'il restait 40 décrets à prendre, dont 30 étaient en cours d'examen au Conseil d'État et devraient être publiés avant la fin du mois de mars.
Pour ce qui est des ordonnances, six ont été publiées en application de la loi. Illustration de la remarque que je faisais précédemment, quatorze dispositions de ces six ordonnances prévoient des précisions réglementaires par décret et une disposition renvoie à un arrêté. Au cours de la même réunion à Bercy, le ministre de l'économie a annoncé qu'il restait 20 ordonnances à publier, dont huit ont déjà été transmis au Conseil d'État.
S'agissant des rapports prévus par la loi, aucun des dix que le Gouvernement devait remettre au Parlement ne lui est parvenu, alors que 7 auraient dû pourtant être remis avant le 7 février 2016. Cette situation n'est évidemment pas acceptable, certains étant attendus avec une certaine impatience, à l'instar du rapport dans lequel le Gouvernement doit présenter des mesures concrètes visant à renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution en facilitant les changements d'enseignes ou du rapport prévu sur la création de plateformes de cotations régionales ou de bourses régionales dans chaque métropole régionale et outre-mer.
Au total, en tenant compte du nombre d'articles directement applicables (183), du nombre de ceux rendus intégralement applicables par la publication de textes règlementaires ou d'ordonnances, ce sont désormais 232 articles de la loi qui sont intégralement applicables, soit 80 % de ceux-ci.
Puisque personne ne souhaite intervenir à ce stade, la parole est à Gilles Savary pour la partie relative à l'ouverture des transports de voyageurs par autocar.