Intervention de Professeur Frédéric Adnet

Réunion du 16 mars 2016 à 16h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Professeur Frédéric Adnet, directeur du SAMU 93, responsable du pôle accueil-urgences-imagerie à l'hôpital universitaire Paris Seine-Saint-Denis Avicenne, Bobigny :

J'étais responsable du service qui a pris en charge les premiers attentats, conformément au plan « camembert ». La spécificité de l'attentat perpétré au Stade de France, c'est que nous étions sur place avant. À l'intérieur du stade, se trouve un poste de commandement où sont représentés le service médical des sapeurs-pompiers, le SAMU, les forces de police, la RATP… Ce dispositif prudentiel nous a énormément aidés à assurer l'interface entre les différents services pour prendre en charge les victimes et pour savoir immédiatement ce qui se passait. Il me paraît important de le souligner car ces dispositifs prudentiels doivent à mon sens être développés dans les futurs rassemblements de masses qui vont avoir lieu en 2016 et par la suite. Il faut bien intégrer le fait que les personnels médicaux et ceux de la BSPP doivent être très présents au sein de tels dispositifs. Nous connaissons en effet les lieux et les hommes.

Ensuite, on a beaucoup évoqué la sécurité des personnels engagés ; mais je vous signale que le « sur-attentat », nous l'avons vécu. La deuxième explosion, au Stade de France, se produit lorsqu'une équipe du SAMU est présente et que les premiers secours de la BSPP sont présents. La troisième explosion, celle qui provoque le plus grand nombre de cas d'urgence absolue, survient longtemps après et toutes les équipes médicales sont présentes, de même que toutes les équipes des pompiers. Heureusement pour les équipes intervenantes, cette explosion a eu lieu au niveau d'une file d'attente du Mc Donald's qui était un peu éloignée des secours. J'entends par là vous faire mesurer que le risque de sur-attentat n'est pas que théorique. Si l'explosion s'était produite au milieu des secours, non seulement le bilan aurait été plus grave mais les secours auraient été vraiment désorganisés. Aussi, j'y insiste, le point d'équilibre entre la sécurisation des personnels engagés et la prise en charge des victimes n'est-il pas que théorique.

Colonel Jean-Claude Gallet. Je suggère une piste d'amélioration facile à appliquer. Elle relève d'une volonté politique et relève du niveau interministériel. Elle concerne le partage de l'information.

Celui-ci doit s'effectuer en amont, de façon à connaître les modes opératoires que décrit très bien le professeur Carli : élaboration d'une stratégie, préparation d'exercices, cela par rapport au mode opératoire des terroristes. Il s'agit également pour les agences de se connaître mutuellement – la chaîne de l'urgence se compose d'un ensemble d'acteurs hétérogènes. Il nous faut mener un combat, élaborer une doctrine interarmées. Or, pour l'heure, nous n'avons pas de doctrine, nous sommes des acteurs différents, donc nous avons besoin de nous connaître, nous avons besoin de connaître nos facteurs dimensionnants, nos capacités critiques – car la décision se prend dans les deux à trois minutes.

Le partage de l'information doit aussi s'effectuer pendant les opérations. Le général vous a expliqué qu'il s'agissait d'une séquence de quarante minutes. Nous avons affaire à une vague, à une autre, nous sommes confrontés à une attaque NRBC… Ces informations sont nécessaires au politique de façon qu'il dispose d'un cadre temporel de communication. Car ensuite il y a la résilience, la résilience de la nation.

Enfin, le partage de l'information doit s'effectuer dans la phase qui suit : c'est ce que nous sommes en train de faire avec vous en ce moment. C'est la phase « retour d'expérience ».

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