Je tiens à vous remercier pour la qualité de votre travail comme pour celle de vos interventions. Vous mettez en lumière les dégâts, à certains égards peu visibles, de l'état d'urgence ; lors de nos discussions avec le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, l'argument régulièrement avancé a été que très peu de plaintes sont déposées pour dénoncer les perquisitions ou les assignations à résidence abusives.
Vous exposez très clairement comment l'accès à la justice ne va pas de soi pour les intéressés, comment ces perquisitions et assignations à résidence constituent des marqueurs d'infamie aux yeux de leur entourage et de leur voisinage, comment ces mesures administratives peuvent compromettre la vie familiale, professionnelle, estudiantine ou militante.
Je partage votre analyse sur le détournement de l'état d'urgence. Toutefois, le Conseil constitutionnel n'a pas épousé ce point de vue, puisqu'il a considéré que, si le législateur avait voulu que l'état d'urgence ne serve qu'à lutter contre le terrorisme, il l'aurait clairement exprimé dans la loi. De son point de vue, le recours à l'état d'urgence à des fins de maintien de l'ordre public ne constitue pas un détournement. Pourtant, l'assignation à résidence de vingt et un militants écologistes par les forces de police et de gendarmerie est totalement infondée dans le contexte de la lutte contre le terrorisme : la question du détournement est dès lors posée.
Je souhaite vivement avoir votre opinion au sujet des conceptions du Conseil constitutionnel sur la lutte contre le terrorisme, l'état d'urgence et le maintien de l'ordre public.