Intervention de Christine Lazerges

Réunion du 15 mars 2016 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme :

On est en état d'urgence ou on ne l'est pas. Le Conseil d'État l'a dit, il n'existe pas de sortie graduée – idée qu'il avait été envisagé d'inscrire dans la loi. Nous avons vécu pendant des années sans état d'urgence alors qu'il y avait des actions terroristes : les attentats de l'année 2015 n'ont pas été les premiers commis en France.

Au pays de la Déclaration des droits de l'homme – pour autant qu'on ose encore les évoquer –, nous devons être capables, même dans le contexte actuel de cette crainte justifiée du terrorisme, de vivre autrement qu'en état d'urgence. Je le répète, ce sont toujours les mêmes qui sont entravés dans leur existence, et ce sont précisément ceux que l'on a le plus de mal à intégrer dans notre société et à doter de chances égales à celles des autres.

L'état d'urgence, les perquisitions, les assignations à résidence sont des machines à discrimination. Au lieu de continuer à les faire tourner, revivons avec des forces de l'ordre fonctionnant normalement. Je le répète, rien ne prouve que l'état d'urgence soit utile, rien non plus ne prouve qu'il soit inutile ; il peut durer jusqu'à la fin des temps si le courage politique de revenir aux fondamentaux fait défaut.

Je réponds maintenant à votre seconde question. Comme tout texte de procédure pénale, un texte qui touche aux droits fondamentaux doit être mûrement pensé. Mon maître en droit, le doyen Carbonnier, citant Montesquieu, enseignait à ses élèves que le Parlement ne devait légiférer que « d'une main tremblante ». En l'occurrence, nos mains tremblent parce que nous avons peur, mais nous ne nous donnons absolument pas les moyens de réfléchir. La preuve en est qu'on a même imaginé de maintenir des mineurs – et des majeurs – en rétention pendant quatre heures, sans aucune garantie. Comment peut-on, aujourd'hui, en France, imaginer qu'il serait possible de retenir quelqu'un pendant quatre heures pour faire du renseignement, et que cela constituerait un moyen de lutte contre le terrorisme ?

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