Intervention de Bruno Angles

Réunion du 16 mars 2016 à 14h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Bruno Angles, président du conseil d'administration de l'Association des anciens élèves et diplômés de l'école polytechnique, AX :

Le positionnement de notre association diffère un peu de celui l'AAEENA en ce que les rapports entre les anciens élèves de l'École polytechnique qui évoluent dans le secteur privé et ceux qui sont dans le secteur public ne sont pas exactement les mêmes. Lorsque j'ai été élu à la présidence de l'AX, j'ai souhaité que l'association renforce significativement la contribution des anciens élèves au débat public. Qu'ils évoluent dans le secteur public ou dans le secteur privé, ils ont tous un fort sens de l'intérêt général. J'ajoute que l'AX diffère de la fédération des grands corps techniques de l'État (FGCTE) que représente ici Philippe Roger, car nous ne sommes pas dans une démarche de défense de corps mais dans la contribution à une réflexion d'intérêt général.

Nous considérons qu'il faudrait introduire plus de souplesse dans une gestion de la haute fonction publique trop rigide. Ainsi, la gestion étroite du corps des ingénieurs des Ponts par le ministère de l'écologie provoque un double gâchis : la gestion pour le moins timide - pour dire les choses gentiment – des détachements vers les collectivités territoriales par le ministère, alors même que les missions correspondantes ont été transférées par les lois de décentralisation successives, a pour effet paradoxal qu'il y a trop d'ingénieurs des Ponts au ministère, où les missions ne sont plus, missions qui ne sont pas assez conduites dans les collectivités territoriales. C'est un premier gâchis pour la collectivité nationale.

On note, d'autre part, l'insuffisance d'une réflexion en termes de compétence plutôt qu'en termes de corps. Un stock considérable d'ingénieurs des Ponts a été formé à grands frais pour la collectivité nationale ; ils ont de l'expérience et des talents. Parce que le pays est maintenant plus équipé qu'il ne l'était au début des trente glorieuses, ces compétences ne trouvent pas toutes à s'exprimer dans le champ de l'équipement ; elles pourraient parfaitement le faire dans d'autres champs d'intérêt national majeur qui requièrent des compétences de gestion de projets complexes, par exemple dans le domaine de la santé ou dans la gestion des comptes sociaux. Il y a urgence à faciliter l'utilisation de compétences dans des domaines où elles ne sont pas exercées historiquement mais dans lesquels elles pourraient parfaitement trouver à s'exprimer demain.

Plutôt que de définir un répertoire des métiers au sein de haute fonction publique, mieux vaudrait, à l'inverse, favoriser un rapport assez simple entre l'offre et la demande, entre les besoins d'emplois publics et ceux qui sont capables de les pourvoir. Bien entendu, l'égalité de traitement et la nécessité d'éviter favoritisme et « copinage » sont des sujets récurrents dans la fonction publique. Mais si la règle était que l'employeur peut choisir dans le vivier le plus large possible de fonctionnaires celui ou celle qui est le ou la mieux à même de remplir la mission voulue à l'instant T, l'opération serait bénéfique pour tous : les employeurs auraient accès à un choix beaucoup plus vaste pour trouver la personne la plus compétente, et les fonctionnaires à un choix de débouchés possibles beaucoup plus large. Il y aurait probablement des effets induits négatifs avec ici ou là, un peu de favoritisme ou de « copinage » qu'il faudrait sanctionner, mais nous aurions tout à gagner à sortir de la gestion en silo des différents corps de l'État.

La discussion sur la révision du plan stratégique pluriannuel de l'École polytechnique s'est surtout focalisée sur le classement de sortie. Un autre sujet n'a été évoqué qu'incidemment, alors que c'est la question de fond : au regard des opportunités qui se présentent à eux dans le secteur privé, quelles sont les valeurs que proposent les corps de l'État aux élèves qui sortent de l'École polytechnique à 24 ans, pour les attirer dans le service public et les inciter à y rester, alors même que leur formation les prédispose favorablement au service de l'État ? Il faut, d'une part, formaliser cette proposition de valeurs, d'autre part s'assurer que, dans les « amphi retape », on envoie les meilleurs pour attirer les jeunes au service de l'État. Tant pour l'armement et l'INSEE que pour le corps des ingénieurs des Ponts, eaux et forêts – le corps des Mines étant un cas à part – on a mesuré des variations assez significatives du rang du dernier entré selon les années (ce qui est un bon indicateur de l'attractivité des corps), en fonction de la qualité de ceux que l'on a envoyés pour attirer les meilleurs éléments au service de l'État. Ce sont des enjeux forts.

La question de la formation continue dispensée par l'École polytechnique faisait partie des propositions contenues dans le rapport Attali. Le sujet a l'oreille du président, du directeur général et du directeur de l'enseignement et de la recherche de l'École.

L'idée d'un cycle de formation pour des cadres supérieurs civils sélectionnés dans l'ensemble de la haute fonction publique, sur le mode de l'École de guerre, est très bonne et doit être mise en oeuvre. Le fait même d'être admis à cette formation distinguerait les meilleurs, y compris dans la compétition internationale, et cela participerait du renforcement de l'attractivité de l'État.

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