Intervention de Philippe Roger

Réunion du 16 mars 2016 à 14h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Philippe Roger, ingénieur général de l'armement, membre du conseil d'administration de l'AX :

Je compléterai ce propos par quelques mots relatifs aux autres corps techniques de l'État. J'ai fait toute ma carrière au sein de l'État, dans le corps de l'armement, corps militaire issu de l'École polytechnique. Nous avons besoin d'une formation initiale spécialisée car nous devons faire passer dans l'industrie d'importants crédits de recherche et développement portant sur des sujets intéressant les armées. Cet exercice réclame des compétences au moins égales à celles des industriels : il n'est pas question de donner à Dassault ou à Safran des interlocuteurs qui ne sont pas issus de l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE-SUPAERO).

Cette formation spécialisée initiale obligatoire doit ensuite être entretenue jusqu'à la fin de la carrière : les techniques, au bout de trente ans, n'ont plus grand-chose à voir avec ce qu'elles étaient à l'entrée dans la carrière. Comme les médecins, nous avons donc une obligation de formation continue. Certains, tels les ingénieurs des Mines, demeurent généralistes, mais dans le corps de l'armement, tout le monde se spécialise, et c'est aux alentours de 40 ans seulement que l'on commence à prendre des postes un peu différents, ou à faire de l'interministériel.

En cours de carrière, la hiérarchie s'efforce de sélectionner ceux qu'elle estime être les meilleurs et les envoie suivre la formation de l'Institut des hautes études de défense nationale, qui reçoit une cinquantaine de personnes par an, dont une dizaine du corps de l'armement. Cela donne l'occasion de rencontrer les contemporains qui travaillent sur les mêmes sujets dans l'industrie et permet de remédier pour partie à la séparation complète avec les réalités de l'industrie due à ce qu'il n'y a plus d'arsenaux au sein de l'État. C'est nous qui avons demandé la transformation de la direction des constructions navales et de l'armement terrestre en sociétés de droit privé, mais depuis lors, elles ne recrutent plus chez nous et nous n'avons plus l'occasion d'aller nous former comme par le passé, puisque nous étions affectés à l'industrie en premiers postes.

Nous essayons d'y remédier, et c'est ce qui explique notre intérêt pour la navette. Mais elle se fait actuellement dans un seul sens : on peut partir dans le secteur privé en milieu de carrière si la commission de déontologie le permet, mais l'on ne revient pas car après plusieurs années dans l'industrie, le niveau de rémunération s'élève au double sinon au triple de celui auquel on pourrait prétendre en réintégrant l'administration. Aussi, paradoxalement, la navette est intéressante si l'on parvient à convaincre l'employeur de ne pas trop payer la personne dont on espère le retour. On a appliqué ce principe pour une ou deux personnes chaque année, en obtenant la création d'une possibilité administrative de détachement dans l'intérêt du service ; cela permet, à la sortie de l'école de spécialisation, de prendre un premier poste dans l'industrie de l'armement. Les intéressés continuent d'être payés par la direction générale de l'armement au niveau de rémunération de leur grade ; ils ont l'obligation de revenir et la société ne peut les embaucher. Cela permet, pour un certain nombre d'entre nous, de rétablir une formation dans l'industrie, mais la question continue de se poser dans la suite de la carrière. Comme l'a indiqué Bruno Angles, il conviendrait en effet, au lieu de s'en tenir à la répression, de définir des mécanismes d'incitation à rester.

Ces questions valant pour tous les corps techniques de l'État, la FGCTE a apporté des contributions écrites aux travaux des commissions Folz-Canepa, Cornut-Gentille et Attali. Je forme le voeu que vous entendiez Fabrice Dambrine, président de la FGCTE.

Les mêmes questions se posent au sein du G16, qui regroupe les associations de hauts fonctionnaires issus de l'ENA et de l'École polytechnique et qui défend depuis des années la gestion interministérielle des carrières. Nous en avons proposé les moyens et nous avions réussi, à une époque maintenant lointaine, à obtenir la création d'un secrétaire général placé auprès du Premier ministre, qui aurait été chargé de mettre cette politique en oeuvre. Mais les décrets n'ont pas été pris et tout s'est écroulé. Nous formons le voeu que cette dynamique se recrée, et que votre mission entende également le président du G16.

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