J'ai été président de la commission Carrières de l'AX pendant six ans, j'ai vécu quinze ans à l'étranger et je dirige depuis dix ans le bureau parisien d'un cabinet de recrutement de dirigeants. Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Bruno Angles au sujet de l'attractivité des corps mais j'irai au-delà : je les fusionnerais. Cela a déjà été fait pour les Mines et Télécom ainsi que pour les Ponts et chaussées et les Eaux et forêts ; il faudrait aller un étage au-delà, en créant un corps unique des ingénieurs de la haute fonction publique, tout en gardant les filières – Mines, Ponts et chaussées, Télécom… Chacun conçoit que commencer sa carrière à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) est assez différent d'un début de carrière aux Ponts et chaussées, mais le point commun de toutes ces carrières est le rôle de maîtrise d'ouvrage ou de régulateur. Un tel schéma serait beaucoup plus attractif en sortie d'école, pour les élèves âgés de 25 à 35 ans. Le rôle fondamental des « amphi retape » serait massifié et l'on aurait de meilleurs résultats. Je n'ignore pas qu'il faudrait surmonter d'inévitables querelles de chapelles… mais ce sont de petites chapelles au regard du projet d'ensemble poursuivi. Incidemment, on commencerait ainsi à prendre en compte le souhait d'interministérialité précédemment exprimé.
Au cours des dix années suivantes, à partir de 35 ans, il faudrait, comme l'ont suggéré d'excellentes propositions, détecter les hauts potentiels – avec une grille unique puisqu'il n'y aura qu'un seul corps. On aura vu les jeunes gens à l'oeuvre dans deux ou trois postes et, en les changeant de filière, on les exposera, comme le fait le secteur privé. Certains n'y parviendront pas, certains ne voudront pas, et les meilleurs progresseront, ce qui donnera, dans un cercle vertueux, des arguments pour retenir les meilleurs au sein de la fonction publique. J'approuve l'idée de suivre le modèle de l'École de guerre, avec une formation que l'on pourra suivre vers 45 ans, après avoir été repéré comme présentant un haut potentiel.
Pour les postes à pourvoir à partir de 45 ans, l'idée d'ouvrir à l'extérieur me plaît. Le magazine The Economist publie chaque semaine des offres d'emploi public émanant de multiples pays – cette semaine, d'Italie, du Kenya, d'Inde et de Grande-Bretagne. De même, l'intérêt commun serait que nous publiions dans plusieurs journaux nationaux les annonces concernant les postes de la haute fonction publique à pourvoir et que nous nous donnions pour obligation de faire entrer des personnes de l'extérieur. Ce n'est pas pertinent pour les postes intéressant des ingénieurs de moins de 45 ans, et il ne faut pas décourager les jeunes. Plus on le fait tard, plus c'est facile, parce que des questions de rémunération entrent aussi en jeu.
J'ai à l'esprit le cas d'un Anglais de 55 ans qui, après avoir travaillé quinze ans chez Vodaphone, vient d'entrer au comité de direction d'Ofcom, l'équivalent britannique de l'ARCEP ; je n'ai pas connaissance qu'un membre du comité de direction de l'ARCEP vienne de chez Orange. Certes, des questions de déontologie se poseront – moins dans ce sens-là que dans l'autre – mais il serait bon que siège à l'ARCEP, ou qu'en devienne le président, quelqu'un qui aurait travaillé pour un opérateur, éventuellement à l'étranger. Cela pourrait se faire en France comme cela se fait ailleurs.
Je ne conclurai pas sans dire que j'estime que mon ancienne école est un nain en matière de formation continue. Il y a bien sûr le Collège de Polytechnique, qui est dirigé par un ancien élève, mais il doit compter quatre employés en tout et il est situé à Paris au lieu d'être sur le campus. Voyez comment l'École des hautes études commerciales de Paris (HEC), dirigée pendant dix-sept ans par Bernard Ramanantsoa, un ancien d'ISAE-SUPAERO a remarquablement développé la formation continue en son sein ! Quant à l'École polytechnique fédérale de Lausanne, qui a fait des progrès considérables au cours des vingt dernières années, elle est peut-être en passe de détrôner l'École polytechnique française. J'en veux pour preuve que pour pouvoir se présenter à son concours d'admission, les Français doivent être titulaires du baccalauréat mention « très bien » ; je suis certain que des bacheliers ayant des mentions inférieures entrent à l'École polytechnique française aujourd'hui.