Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 15 mars 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Monsieur le ministre, je vous remercie, au nom de notre commission, de venir vous exprimer devant nous après la réunion du Conseil « Agriculture et Pêche » qui s'est tenue hier.

La crise agricole affecte particulièrement deux filières, la filière laitière et la filière porcine, pour lesquelles les modifications apportées à la politique agricole commune se font fortement sentir.

La suppression des quotas laitiers, le 31 mars 2015, a été justifiée par la nécessité de répondre à une demande en hausse, notamment à l'exportation. C'était effectivement le cas jusqu'en 2014. Toutefois, on observe aujourd'hui à la fois une moindre demande des pays émergents, en particulier de la Chine, qui s'est ajoutée à la fermeture du marché russe, et une surproduction mondiale et européenne de lait, de nombreux États membres ayant anticipé la fin des quotas en augmentant leur production. La conséquence en est la chute des cours, qui frôlent depuis plusieurs mois les 300 euros la tonne, bien loin des 380 euros atteints en 2015.

Les ressorts de la crise dans la filière porcine sont différents et tiennent à la fois à la structure du marché français, dominé par des acheteurs et des distributeurs puissants, et à des coûts de production plus élevés que ceux de l'Allemagne, dont la production à bas prix inonde les marchés français et européens. La conséquence, là encore, est une chute des cours à des niveaux catastrophiques, qui conduit les éleveurs au désespoir.

Dès le début de la crise, vous avez cherché à agir et à mobiliser nos partenaires. Lors du Conseil du 7 septembre, plusieurs mesures d'urgence ont été adoptées, pour un montant total de 500 millions d'euros. Elles consistaient notamment en aides financières ciblées pour soutenir les exploitations mais également en mesures de régulation du marché, notamment le stockage privé de la poudre de lait, du beurre et de la viande de porc.

Ces mesures n'ont visiblement pas suffi à enrayer la crise puisque le Conseil les a complétées hier. Les nouvelles mesures constituent des avancées et je tiens à saluer vos efforts pour les obtenir de nos partenaires et de la Commission, même si certains eurodéputés comme José Bové ont dit que Phil Hogan avait ressorti les vieilles recettes de 1977. Je pense que vous apporterez une correction à cette remarque.

Pourtant, ces décisions et, plus largement, les crises que connaît le monde agricole soulèvent plusieurs interrogations. Quelle est votre analyse sur l'origine de ces crises ? Certes, il est possible d'invoquer des éléments conjoncturels, à commencer par l'embargo russe ; toutefois, n'est-il pas possible d'y voir une crise structurelle, celle d'un modèle d'agriculture productiviste ? Les producteurs de lait et de porcs bio se portent plutôt bien actuellement.

L'élargissement de l'étiquetage au mode d'élevage apporterait une plus grande transparence aux consommateurs et un positionnement plus efficace en termes de concurrence pour les éleveurs. La mention de l'origine française du lait n'est pas suffisante, car cela peut inclure la ferme des mille vaches avec ses conséquences désastreuses.

Les mesures adoptées hier pourront-elles être plus efficaces que celles adoptées en septembre ? Si les accords de limitation de l'offre sont de nature à soutenir les prix, encore faut-il que l'ensemble des producteurs européens jouent le jeu. Est-ce que ce sera le cas ? Comment le garantir ? Sinon, ne faut-il pas craindre que ceux qui ne participent pas à ces accords en profitent pour augmenter leur production et prendre des parts de marché ?

Au-delà des crises agricoles, ce Conseil a également discuté du plan d'action européen pour les forêts visant à réduire l'exploitation illégale des forêts, par le soutien à la gouvernance forestière dans les pays producteurs de bois, ainsi que les importations de bois issus de l'exploitation illégale. Selon un rapport récent de la Cour des comptes européenne, ce plan n'a pas atteint ses objectifs. Pouvez-vous nous présenter l'analyse que le Conseil a faite de ce plan d'action et les améliorations qu'il est possible d'attendre ?

Le bois est, avec les diamants et peut-être demain les minerais de conflits, l'un des rares secteurs où un « système de diligence raisonnée » s'impose aux importateurs européens. Le règlement européen a été mis en oeuvre en France par l'article 76 de la loi d'avenir pour l'agriculture. N'est-il pas préférable, pour lutter contre l'exploitation illégale des forêts, de renforcer ce devoir de diligence, à la fois au niveau européen et national ?

Enfin, je profite de votre présence pour évoquer, car ils sont tout à fait d'actualité, deux sujets qui ne figuraient pas à l'ordre du jour du Conseil. Le premier, c'est l'adoption par la Commission du développement durable de notre Assemblée, la semaine dernière, de nouveaux amendements au projet de loi « Biodiversité » qui interdisent totalement les insecticides de la famille des néonicotinoïdes, considérés comme les principaux responsables de la surmortalité des abeilles. Je voudrais connaître la position du Gouvernement sur cette interdiction, qui me semble tout à fait justifiée, compte tenu de l'objectif poursuivi par ce projet de loi.

Le second sujet porte sur les négociations commerciales en cours. La protection de nos indications géographiques dans le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) semble mal partie, car les Américains n'y seraient toujours pas favorables. En outre, le TTIP comme l'éventualité d'un accord libre-échange avec le Mercosur me paraissent lourds de menaces à la fois pour notre agriculture et pour nos préférences collectives en matière sanitaire et alimentaire. Quelles sont donc, s'agissant des questions agricoles, les lignes rouges de la France dans ces négociations ?

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