Pendant ce temps, nos voisins et concurrents potentiels investissent dans l’innovation et les énergies d’avenir : l’éolien et le solaire de nouvelle génération à fort rendement, les réseaux intelligents, l’effacement et l’efficacité énergétiques, le stockage, l’auto-production, la domotique, afin d’accroître la capacité du consommateur à piloter sa production comme sa consommation.
Au moment où le monde entier passe à l’« électricité 2.0 », nous devons choisir : en rester à une France pompidolienne, organisée de façon jacobine et centralisée, ou passer à la modernité et au XXIe siècle.
Vous trouvez ces propos exagérés, mes chers collègues ? Écoutez ce qu’en disait il y a quelques jours, dans le journal Les Échos, Jacques Repussard, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN : « C’était le schéma stratégique d’il y a trente ans, or le marché est devenu européen, avec des prix de l’électricité en baisse. Il y a un dogme ancien auquel on n’ose pas toucher et comme une peur collective d’ouvrir ces dossiers. »
Oui, les signaux d’alerte s’accumulent : sortie d’EDF du CAC 40 ; démission fracassante du directeur financier du groupe en pleine négociation sur l’un des investissements les plus lourds de l’histoire de l’entreprise ; chute du cours de l’action sous les 10 euros ; 150 milliards d’euros de valeur boursière partis en fumée en sept ans, dont 85 % aux dépens de l’État, donc des contribuables ; multiplication par trois des coûts de maintenance et d’entretien de notre parc vieillissant ; mur d’investissements colossal, avec, pour commencer, le grand carénage, dont le coût, initialement chiffré à 55 milliards d’euros par EDF, a été réévalué par la Cour des comptes à 100 milliards d’euros, soit l’équivalent du coût de construction du parc existant ; endettement d’EDF, que le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, la semaine dernière, lors de son audition en commission, n’a pas hésité à estimer à 60 milliards d’euros.
On pourrait ajouter la sous-évaluation des dépenses du CIGÉO – le centre industriel de stockage géologique – et du coût du démantèlement, le rachat d’une partie des actifs d’AREVA, dont toutes les usines font l’objet d’un audit pour défaut de fabrication, l’explosion des budgets et des coûts des réacteurs de Flamanville et de Finlande, les défauts génériques récurrents sur des réacteurs vétustes, notamment sur des équipements aussi indispensables à la sécurité que les diesels de secours, ainsi que la vulnérabilité aux attaques terroristes, qui entraînera inévitablement des surcoûts liés à la protection des installations.
En effet, s’agissant du nucléaire, on en revient toujours à la même question : si ses coûts explosent, si son business model s’est écroulé, s’il a été nécessaire de créer l’Autorité de sûreté nucléaire – l’ASN –, qui a droit de vie et de mort sur chaque installation, ce n’est pas tant en raison de son rendement énergétique, des plus mauvais, ou de notre dépendance à 100 % vis-à-vis des importations d’uranium, mais du fait de sa dangerosité intrinsèque, liée au risque d’accident majeur. L’ASN ne cesse de répéter qu’un tel risque existe en France, que cet accident soit provoqué par une catastrophe naturelle, un attentat, un crash d’avion, une erreur humaine, ou encore qu’il résulte de la vétusté des installations, des déchets, radioactifs pendant des millénaires, ou de la prolifération atomique.
C’est ce qui rend cette technologie si particulière : fascinante d’un point de vue scientifique, la capacité à faire péter l’atome s’avère bien trop instable pour un usage industriel et sécurisé.
À quelques semaines du cinquième anniversaire de Fukushima et du trentième anniversaire de Tchernobyl, il suffit d’écouter Naoto Kan, Premier ministre du Japon au moment de la catastrophe nucléaire dans ce pays, et Mikhaïl Gorbatchev : l’un et l’autre militent pour l’abandon de l’industrie nucléaire, tant les ravages d’un accident nucléaire dépassent largement les bénéfices de cette technologie.