Intervention de Dominique Minière

Séance en hémicycle du 30 mars 2016 à 15h00
Débat sur le développement d'areva et l'avenir de la filière nucléaire — Table ronde

Dominique Minière, directeur exécutif du groupe EDF en charge de la direction du parc nucléaire et thermique :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j’interviendrai en ma qualité de directeur du parc nucléaire et thermique d’EDF ainsi qu’au nom de Xavier Ursat, directeur de l’ingénierie et des projets du « nouveau nucléaire » à EDF.

Je vous remercie tout d’abord de me donner l’occasion de venir exposer notre vision de la filière nucléaire française. Il me semble important, dans un premier temps, de vous parler de cette filière. Je développerai ensuite ce que je considère être un programme industriel dimensionnant en France : le « grand carénage », qui constitue un socle pour la réussite de la transition énergétique. Je terminerai sur le développement du nucléaire, en France et à l’international.

Rappelons tout d’abord que nous assumons aujourd’hui la responsabilité de l’exploitation du premier parc nucléaire au monde. De fait, EDF exploite en France un parc de 58 réacteurs, répartis sur 19 sites, ainsi que 15 réacteurs au Royaume-Uni, par l’intermédiaire d’EDF Energy – à rapporter à un parc mondial qui compte environ 450 réacteurs.

La France maîtrise l’ensemble de la chaîne de valeur de la production nucléaire, de l’extraction de l’uranium à la construction de centrales nucléaires, en passant par la fabrication et le retraitement du combustible, la déconstruction et le conditionnement des déchets. L’indépendance énergétique de la France se trouve donc consolidée par l’autonomie technologique de l’industrie nucléaire, qui maîtrise tous les procédés qu’elle utilise.

En 2015, les 19 centrales nucléaires françaises ont dépassé leur objectif de production en atteignant en toute sûreté près de 417 térawattheures, une performance supérieure aux 416 kilowattheures de l’année précédente, qui était déjà une très bonne année. Nous sommes parvenus à ce résultat grâce à la qualité de préparation des arrêts de tranche, fruit d’une collaboration quotidienne et performante entre nos sites de production, nos centres d’ingénierie et nos partenaires industriels.

Nous avons le souci de l’excellence ; c’est ce qui nous guide, c’est ce qui fait aujourd’hui notre réputation. Notre compétence d’exploitant nucléaire et la performance de notre parc sont reconnues en France et à l’échelle internationale. Nous bénéficions d’un véritable rayonnement sur la scène internationale. Le rôle clé que nous jouons aujourd’hui dans WANO – World Association of nuclear operators, l’Association mondiale des exploitants nucléaires – en témoigne, puisque nous en présidons les destinées depuis maintenant presque dix ans.

Notre parc nucléaire fournit une électricité sûre, bas carbone, compétitive, qui contribue à l’indépendance énergétique de notre pays et autour de laquelle s’est constituée une filière industrielle elle-même exceptionnelle. La filière nucléaire constitue, avec ses 220 000 salariés, le troisième secteur industriel français après l’automobile et l’aéronautique et s’appuie sur un réseau de 2 500 entreprises, dont une part importante d’entreprises de taille intermédiaire, de PME et de PMI bien placées à l’exportation. Il s’agit d’emplois hautement qualifiés dans différents domaines, comme la métallurgie, la mécanique et l’électronique. Ces emplois sont largement répartis sur le territoire français. Une part d’entre eux est locale, située au plus près des centrales, dans des territoires souvent déshérités sur les plans économique et industriel.

Plusieurs États européens – notamment la France et le Royaume-Uni – et américains ont décidé de réaliser d’importants plans d’investissements pour prolonger la durée d’exploitation de leur parc nucléaire en toute sûreté. C’est tout l’enjeu en France du grand carénage, programme industriel qu’a engagé EDF sur son parc nucléaire existant pour le rénover, en augmenter encore la sûreté et prolonger sa durée de fonctionnement. Le caractère exceptionnel de ce programme industriel tient à deux raisons principales : d’une part, le cycle de vie du parc existant, et, d’autre part, les améliorations significatives de sûreté.

S’agissant du cycle de vie des centrales, le parc français a été construit pour l’essentiel sur une période extrêmement courte – une dizaine d’années – à compter du début des années quatre-vingt. Le renouvellement de certains gros composants se trouve donc concentré lui aussi sur une dizaine d’années, environ trente ans plus tard. Concernant par exemple les remplacements des transformateurs de puissance, cinquante-deux opérations sont concentrées sur la période 2015-2019.

En ce qui concerne les améliorations significatives de sûreté, à la suite notamment de l’accident de Fukushima, elles doivent être réalisées suivant un calendrier industriel et réglementaire très exigeant. Les diesels dits d’ultime secours doivent par exemple être opérationnels avant la fin de l’année 2018 pour les 58 réacteurs. À ces améliorations s’ajoutent les avancées significatives qui nous sont demandées en termes de sûreté pour exploiter les réacteurs au-delà des quarante ans, à savoir rapprocher autant que possible le niveau de sûreté des réacteurs existants de celui des réacteurs de troisième génération.

Ce programme visant à permettre la prolongation de la durée de fonctionnement du parc au-delà de quarante ans s’appuie sur une réalité technique déjà mise en oeuvre dans d’autres pays tels que la Suisse, la Belgique et les États-Unis. À titre d’exemple, la centrale de Beaver Valley, qui a servi de référence pour notre palier 900 mégawatts, a obtenu de l’équivalent de l’Autorité de sûreté nucléaire aux États-Unis, la NRC – Nuclear Regulatory Commission –, l’extension de licences à soixante ans en 2009.

Le programme grand carénage est un programme industriel d’une ampleur exceptionnelle qui revêt des enjeux importants pour la France. Il permet la transition énergétique, car son engagement est progressif et sera en ligne avec la programmation pluriannuelle de l’énergie prévue par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

L’effort financier du grand carénage représente la solution la plus compétitive pour le client final. Nous optimisons et lissons en permanence notre trajectoire d’investissements. Nous estimons aujourd’hui que ce programme nécessitera environ 51 milliards d’euros d’investissements sur la période 2014-2025, une estimation en diminution par rapport l’estimation initiale de 55 milliards d’euros. Ce montant renvoie à un niveau récurrent d’investissements de maintenance et d’amélioration d’environ 3 milliards d’euros par an sur un parc tel que le nôtre et à des investissements supplémentaires de l’ordre de 1 à 2 milliards d’euros par an liés au caractère exceptionnel du programme. Après 2025, les investissements devraient décroître progressivement pour retrouver le rythme récurrent d’environ 3 milliards d’euros par an à l’horizon de 2030.

Dans son rapport public annuel de 2016, la Cour des comptes avance un montant global de 100 milliards d’euros, mais ce chiffre porte sur un horizon temporel plus éloigné – 2030 – et un périmètre plus large, qui inclut, en sus des investissements, certaines dépenses d’exploitation. La Cour précise d’ailleurs clairement dans son rapport que son estimation est en parfaite cohérence avec le montant de 55 milliards d’euros d’investissements que nous retenons pour la période 2014-2025.

Quel que soit le périmètre de coûts considéré, le nucléaire existant est plus compétitif. Cette approche économique reflète l’intérêt de la collectivité.

Enfin, ces investissements constituent aussi et surtout, en cette période de crise économique, une véritable opportunité pour notre industrie. À titre d’exemple, la première des troisièmes visites décennales des centrales 1 300 mégawatts à Paluel, pour laquelle 28 % des entreprises mobilisées titulaires de marchés sont locales, a donné lieu à 4 millions d’heures de travail environ, 8 000 heures de formation spécifique VD3 prévues en 2015 et, d’un point de vue industriel, à des chantiers d’envergure exceptionnelle tels que le remplacement des quatre générateurs de vapeur.

Ce programme permet de maintenir un haut niveau de qualité de fabrication, d’exploitation et de savoir-faire dans un contexte de plus en plus exigeant. Pour accompagner ce programme industriel, dès janvier 2012, l’État a demandé au comité stratégique de la filière nucléaire de rédiger un cahier des charges social. Ce dernier traite des conditions d’exercice de la sous-traitance au sein des installations nucléaires de base exploitées par AREVA, l’ANDRA – l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs –, le CEA – le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – et EDF. Il est applicable sur nos marchés depuis janvier 2013. C’est un document engageant à la fois pour nous, les exploitants nucléaires, et pour les prestataires.

L’ensemble de ces dispositions accompagne un programme d’investissements d’ampleur qui doit nous permettre de développer un nouveau nucléaire sûr, propre et compétitif, de façon à nous mettre en situation de renouveler tout ou partie de notre parc nucléaire à partir de la fin des années 2020. Ce développement d’un nouveau nucléaire passe prioritairement par la finalisation du projet Flamanville 3. Mener ce projet à son terme dans le cadre du nouvel échéancier annoncé est une priorité absolue pour nous tous. Toute l’expérience acquise bénéficiera aux projets d’EPR à venir, au premier rang desquels Hinkley Point, en Grande-Bretagne, et à la préparation de l’EPR nouveau modèle, qui sera le fer de lance du renouvellement total ou partiel du parc existant. La crédibilité d’EDF en tant qu’exploitant nucléaire de premier plan sera renforcée par la réalisation de nos nouveaux réacteurs, tant à l’international qu’en France, qui permettront de fournir dans de nombreux endroits du monde une électricité sûre, compétitive, bas carbone et porteuse d’emplois.

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