Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux d’être convié à partager avec vous quelques réflexions d’économiste sur l’avenir du nucléaire.
Je dispose de cinq minutes, qui seront bien suffisantes pour aborder cinq points.
Premier point, le nucléaire existant a un avenir. Il ne faudrait pas se focaliser uniquement sur la construction de nouveaux réacteurs, car du point de vue macroéconomique, c’est-à-dire pour ce qui concerne la situation de l’emploi, des entreprises et des ménages, le futur du nucléaire est lié à l’exploitation du nucléaire existant, qui est le moyen le plus économique pour produire de l’électricité par rapport à l’ensemble des technologies concurrentes ou par rapport à de nouveaux concurrents. Le futur du nucléaire français, c’est donc aussi le nucléaire existant.
Deuxième point, le nouveau nucléaire bascule hors de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques. Historiquement, 80 % de la flotte de centrales nucléaires est installée dans les pays de l’OCDE. L’Agence internationale de l’énergie prévoit qu’à l’horizon de 2040, trois quarts des nouvelles capacités seront installées dans les pays hors OCDE. Par conséquent, les entreprises de la filière doivent suivre ce déplacement de la demande.
Troisième point, le futur du nouveau nucléaire dépend des autorités de sûreté. Le coût de construction dépendra bien évidemment des exigences et de la façon de travailler des autorités de sûreté, de la façon dont elles se coordonnent et se complètent les unes les autres. La filière nucléaire française pourrait également être touchée par une nouvelle catastrophe qui se déroulerait à des dizaines de milliers de kilomètres. La France doit donc faire en sorte que des autorités de sûreté puissantes, compétentes, indépendantes, transparentes oeuvrent sur l’ensemble de la planète, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ; je pense en particulier à l’Arménie, à l’Ukraine ou au Pakistan.
Quatrième point, consolider le futur du nucléaire nécessite de conjurer la malédiction des coûts croissants. Historiquement, on observe qu’aux États-Unis le coût fixe de construction par kilowatt ou par mégawatt augmente en monnaie constante. Dans le cas français, il n’augmente pas ou très faiblement, mais il ne diminue pas non plus, alors qu’on parvient à diminuer le coût fixe d’installation par kilowatt des technologies concurrentes grâce à des effets d’apprentissage. La compétitivité relative du nucléaire, donc le futur du nucléaire, dépend de la façon dont les industriels réussiront à conjurer cette malédiction des coûts croissants qui implique qu’un nouveau modèle de réacteur est toujours plus cher à construire qu’un ancien modèle. Les mots clés de cette réussite sont la standardisation, l’optimisation et la modularité.
Cinquième et dernier point, l’avenir du nucléaire sera facilité par la globalisation de son industrie et de son commerce. L’avenir du nucléaire national passe à mes yeux par des alliances internationales et la participation à des consortiums internationaux. Il faut faire attention à l’image, trop souvent utilisée, par facilité, d’une « équipe de France ». Certes, les entreprises de la filière du nucléaire en France doivent mieux coopérer, mieux travailler ensemble, et être plus solidaires entre elles, mais les entreprises françaises de la filière nucléaire doivent aussi coopérer avec des entreprises étrangères. La globalisation de cette industrie permettra en effet de réaliser des gains en termes d’efficacité et constitue une des options pour la réduction des coûts de la construction de nouvelles unités.