Intervention de Sergio Coronado

Réunion du 22 mars 2016 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

C'est plus calmement que je saluerai la qualité du travail accompli par le Défenseur des droits en 2015 et synthétisé dans ce beau rapport.

En écoutant mes collègues, j'ai cru n'avoir pas bien compris quelles étaient les attributions du Défenseur des droits. Toutefois, vérification faite, dans l'article 4 de la loi organique du 29 mars 2011 consacré à ses missions, je n'ai rien trouvé qui concerne la lutte contre le terrorisme ni le maintien de l'ordre public, mais seulement la défense des droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l'État, la défense et la promotion de l'intérêt supérieur et des droits de l'enfant, la lutte contre les discriminations et le contrôle du respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République.

Rien de tout cela ne fonde les reproches qui vous sont adressés aujourd'hui, monsieur le Défenseur des droits. Je conçois qu'étant donné les conditions de votre nomination, vous soyez aux yeux de certains de mes collègues un Défenseur des droits très surprenant – je le dis au bon sens du terme. Vous assumez pleinement les missions qui vous sont conférées par la loi organique. Voilà pourquoi je salue la voix forte que vous faites entendre dans le débat nécessaire sur la défense des libertés, à l'heure où celles-ci sont parfois fragilisées sous prétexte de lutter contre le terrorisme.

J'aimerais vous poser trois questions d'actualité.

Premièrement, que pensez-vous de l'accord sur la crise migratoire conclu vendredi dernier par la Turquie et l'Union européenne ? Ne fragilise-t-il pas pour le moins les engagements de la France et les conventions internationales ? Nul besoin de rappeler les déclarations à ce sujet du haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, ni la manière dont la Grèce a été contrainte par les pays de l'Union de déclarer la Turquie « pays sûr », ni encore le fait que la guerre d'Erdoğan contre le terrorisme ne connaît aucune exception – journalistes, avocats, organisations de défense des droits de l'homme, parlementaires pro-kurdes : tous sont visés par la forte répression menée par le pouvoir en place. Au demeurant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ne semble heureusement pas prêt à respecter l'accord.

S'agissant en deuxième lieu des perquisitions dans le cadre de l'état d'urgence, j'aimerais rappeler à ceux de mes collègues qui semblent trouver que vos déclarations sont un peu vives et outrepassent vos attributions que, la semaine dernière, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a été par la bouche de sa présidente, Mme Lazerges, ancienne députée socialiste, tout aussi claire sur les perquisitions, pointant les mêmes abus que vous. Vous évoquez « cris, insultes, propos déplacés sur la pratique religieuse des perquisitionnés, manque d'attention à l'égard des enfants présents […] braquages inappropriés et menottages, dégradations volontaires ». Il me paraît essentiel que, dans le cadre de vos attributions, particulièrement en matière de respect de la déontologie, vous adressiez des recommandations, notamment au ministre de l'intérieur, afin qu'il publie une circulaire donnant des consignes aux forces de l'ordre.

La CNCDH suggère en filigrane la remise en fin de perquisition d'un document rappelant leurs droits aux personnes perquisitionnées, notamment lorsqu'une perquisition n'a rien donné. Je serai très attentif à votre point de vue sur le sujet.

Le ministre de l'intérieur a-t-il donné suite à certaines recommandations que vous avez rendues publiques le 26 février dernier ?

Enfin, je ne reviens pas au fameux débat sur la remise d'un récépissé lors d'un contrôle d'identité, car on connaît la position du Gouvernement à ce sujet, malgré les engagements pris pendant la campagne. Mais le ministre de l'intérieur, répondant non seulement à M. Mamère mais à de nombreux parlementaires de la majorité qui l'interpellaient, a eu à ce sujet une phrase définitive, ce qui arrive assez souvent à ce poste : il n'y aurait pas dans notre pays de contrôles au faciès. De sorte que toute remise en cause, tout rappel des difficultés que rencontre une partie de la population lorsqu'elle est en contact avec les forces de l'ordre, est considéré comme une basse attaque contre ces dernières, soumises à une forte pression pour assurer notre sécurité. Les témoignages que vous recevez confortent-ils ce type de propos ? N'y aurait-il plus aucun problème dans les relations entre les forces de l'ordre et une partie de la population lors des contrôles d'identité ?

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