Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 23 mars 2016 à 16h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Je vais essayer de répondre le plus précisément possible à l'ensemble de ces questions.

Monsieur Folliot, nous avons voulu un PNR européen qui prenne en compte un certain nombre d'éléments dont nous avons besoin pour assurer la traçabilité du retour des terroristes des théâtres d'opérations : les vols charter – il est rare que ces individus voyagent en première classe –, les vols intra-européens, les infractions nationales et internationales. Nous avons souhaité que la durée de conservation des données soit de cinq ans et la durée de masquage de six mois. Tout cela a abouti un intense dialogue entre la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen. Le trilogue s'est réuni et un accord a été trouvé entre les trois institutions au mois de décembre, au terme d'une longue négociation. Aujourd'hui, il s'agit de soumettre le texte au vote. Or le Parlement refuse de l'inscrire à l'ordre du jour de ses travaux !

Disons les choses clairement. Dans un contexte de menace terroriste extrêmement élevée, le refus de certains groupes – les Verts, les sociaux-démocrates et les libéraux – de soumettre le texte à la délibération est totalement irresponsable. Et voici que M. Verhofstadt, eurodéputé libéral, publie une tribune pour dire qu'il veut non pas d'un PNR croupion mais d'un PNR européen. Mais un PNR européen, c'est nécessairement la juxtaposition des PNR nationaux, l'interrogation par les États-membres des PNR nationaux ! Sinon, il est impossible de mettre en place les plateformes nationales PNR qui garantiront, pour chaque PNR, la protection des données personnelles. On ne peut pas vouloir un PNR européen et refuser l'échange des données entre les PNR nationaux lorsqu'on est attaché à la protection des données ; cela n'a aucun sens. Il faut donc que le texte soit adopté rapidement. De même, en ce qui concerne la directive sur les armes, les décisions prises doivent être appliquées rapidement. Sur ces sujets, il n'y a plus de décisions à prendre : elles ont été prises, et il faut les appliquer. Si les institutions européennes ne comprennent pas que la non-application des décisions prises est une manière de ruiner la réputation de l'Europe dans sa capacité à protéger ses citoyens, alors elles seront responsables de la déréliction de l'Europe ! Il faut le dire très clairement : ce n'est pas responsable, ce n'est pas sérieux. Quand le risque est grand, on doit s'élever au-dessus d'un certain nombre de considérations partisanes et politiques et prendre ses responsabilités. Quant à l'idée d'un service de renseignements européen, je n'en dirai pas plus…

La déterritorialisation de la BRI, du GIGN et du RAID est l'objet de deux démarches. Tout d'abord, avec le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, nous allons présenter, dans quelques semaines, un schéma d'implantation des antennes du RAID, de la BRI et du GIGN. Elles couvriront l'ensemble du territoire national et, en cas de tuerie de masse, la complémentarité des implantations permettra aux forces d'intervention rapide d'intervenir dans des conditions bien plus optimales. Ensuite, ce schéma permettra-t-il l'intervention du GIGN dans Paris ? Oui, car un inventaire de compétences est en cours, et le GIGN a des compétences que d'autres n'ont pas, de même que le RAID a des compétences que le GIGN n'a pas. Si nous avons besoin de recourir aux compétences spécifiques des uns ou des autres, je ne vois aucune raison de ne pas y faire appel. Le RAID pourra donc intervenir en zone gendarmerie si nécessaire. Je veux faire sauter ces cloisons, très réelles, à l'intérieur de la maison « intérieur » ; ce n'est pas facile, mais je le ferai, parce que l'intérêt de la lutte antiterroriste l'impose.

Monsieur Boisserie, vous avez raison, la gendarmerie n'est pas dans le premier cercle du renseignement, mais elle n'en a pas moins sa place dans la sphère du renseignement. Elle contribue pleinement au renseignement territorial : j'ai même créé des antennes du renseignement territorial dans les unités de gendarmerie. Travaillant en étroite liaison les uns avec les autres, la gendarmerie est également très liée à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Sur 2 000 Français concernés par les affaires terroristes, environ 640 sont actuellement sur le théâtre des opérations, monsieur Guilloteau, et 250 à 300 en sont revenus. Nous avons procédé à l'incarcération de 158 de ces 250 à 300 individus. Les autres sont sous contrôle judiciaire ou font l'objet d'une surveillance extrêmement fine de nos services, qui sont très mobilisés. Rappelons que 236 procédures judiciaires ont été ouvertes par les services, sous l'autorité des procureurs, qui concernent 1 086 personnes. Cela vous donne une petite idée de l'importance de la question.

Le rapport du SGDSN sur Sentinelle est classifié, parce que si nous le rendons public, ceux qui veulent nous attaquer sauront très exactement quels dispositifs que nous mobilisons pour protéger nos institutions. Cela ne veut pas dire que ces éléments ne peuvent pas être déclassifiés pour être communiqués, notamment, aux parlementaires qui ont à connaître de ces questions ; mais je ne préconise pas de rendre publics les documents par lesquels sont arrêtées les modalités de protection du territoire national dans le détail. Ce serait une excellente manière d'aider ceux qui veulent nous attaquer à déjouer les dispositifs mobilisés.

Monsieur Moyne-Bressand, j'ai donné au directeur général de la gendarmerie nationale, au directeur général de la police nationale et au préfet de police des instructions extrêmement claires de suivi des personnels radicalisés. Ces individus sont identifiés et écartés de nos services. Ce sont des cas très résiduels, que nous parvenons à régler de façon efficace.

Par ailleurs, dans le cadre de l'élaboration du projet de loi défendu par Jean-Jacques Urvoas et à la suite d'une proposition de loi du groupe dont vous êtes membre, Monsieur Moyne-Bressand, le ministère de l'Intérieur a fait des propositions sur les conditions d'engagement du feu. Il ne s'agirait pas d'autoriser en toutes circonstances les forces de l'ordre à ouvrir le feu, il s'agirait de leur permettre, en cas de tuerie de masse, d'assurer leur propre protection et celle des populations qu'elles sont censées protéger. Actuellement examiné par le Parlement, ce texte me paraît équilibré, et son adoption marquera un progrès par rapport aux règles qui prévalent jusqu'à présent. Je suis assez confiant : sur ce sujet comme sur d'autres qui concernent la lutte antiterroriste, nous pourrons parvenir à un très large consensus.

En ce qui concerne maintenant l'équipement, les crédits hors titre 2 de la police et de la gendarmerie augmentent de 17 % – ils avaient diminué de 17 % entre 2007 et 2012. Cela permettra d'acheter des équipements que nous n'avions, jusqu'à présent, pas pu acquérir, notamment près de 3 000 véhicules dans la police et la gendarmerie et des équipements nouveaux dans le cadre du plan BAC-PSIG que j'ai annoncé au mois d'octobre : des gilets de protection conçus par les BAC et les PSIG eux-mêmes, de nouveaux véhicules, de nouveaux fusils HK G36, des casques de protection. Tous ces équipements ont été livrés pour les BAC de Paris, et je devais me rendre demain après-midi à Reims – je ne sais pas si je pourrai le faire –, pour présenter les équipements qui doivent être livrés à toutes les BAC et à tous les PSIG de France ; ils seront équipés d'ici à la fin du premier semestre de l'année 2016.

Dans le cadre de l'Euro 2016, dix « fan zones » sont prévues, mais je ne crois pas que Belfort soit concerné par la compétition, monsieur Meslot.

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