Intervention de Colette Lewiner

Réunion du 24 janvier 2013 à 10h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Colette Lewiner, conseillère énergie du président de Capgemini :

En effet. La Ve flotte américaine est actuellement la force militaire prépondérante au Moyen-Orient.

Bref, s'il y a eu une révolution dans l'énergie au cours des vingt dernières années, c'est bien celle du gaz et du pétrole non conventionnels. Le prix du gaz des contrats européens de long terme est trois fois supérieur au prix du gaz au États-Unis, où les industries énergétivores comme la chimie ou les engrais bénéficient d'un avantage compétitif considérable. Les Américains estiment qu'ils ont créé 600 000 emplois grâce aux gaz de schiste.

Un grand différentiel de compétitivité s'est donc formé. Selon une étude commanditée par des industriels allemands, les prix de l'électricité devraient augmenter de 90 (aujourd'hui) à 98-110 euros par Mégawattheure en 2020 en Allemagne, alors que cette augmentation ne serait que de 48 à 54 euros aux États-Unis. L'électricité deviendrait deux fois plus chère pour les industriels allemands alors qu'ils sont exportateurs et en concurrence directe avec les industriels américains. De plus, les centrales au gaz se substituent aux centrales au charbon, faisant baisser les émissions de CO2 des États-Unis.

D'un point de vue environnemental, un des problèmes soulevés est celui du mélange injecté dans la roche. La technique actuelle ne présente probablement pas un risque majeur de pollution de la nappe phréatique, puisque les roches contenant ces gaz non conventionnels, sont en dessous des nappes. Le risque n'existe que si le puits est mal construit ou si l'eau, une fois remontée en surface, n'est pas stockée et traitée. Néanmoins, les exploitants ne veulent pas donner la composition des liquides utilisés, considérant que c'est un secret industriel. Plus de transparence serait souhaitable sur ce point. Certains soutiennent aussi que la fracturation induirait des micro-tremblements de terre. Si tel était le cas, ce serait vraiment des secoussessans conséquences significatives..

Pour ma part, je crois que l'on ferait mieux d'aborder le sujet de manière scientifique et non pas passionnelle : comment faire pour éviter tel ou tel problème induit par la technologie de fracturation hydraulique, et à quel coût ?

L'idée qu'il faille chercher une technologie alternative est sans doute politiquement astucieuse dans la mesure où elle pourrait permettre de rouvrir le débat. Pourquoi, cependant, se priver d'une technologie qui fonctionne ? Les technologies alternatives évoquées ne sont pas éprouvées et rien ne dit qu'elles n'auront pas d'inconvénients.

Il y a du gaz de schiste un peu partout en Europe – ainsi qu'en Chine, d'ailleurs. Les réserves françaises équivaudraient, selon les estimations, à cent ans de consommation. Leur exploitation nous redonnerait une indépendance énergétique alors qu'aujourd'hui nous importons 100 % de notre gaz. Or, pour l'instant, la France n'envisage même pas de faire l'inventaire de ces réserves.

Tout au contraire, les pays d'Europe orientale dont l'approvisionnement en gaz dépend à 100 % de la Russie considèrent sérieusement cette possibilité : la Pologne, malgré quelques déceptions, l'Ukraine, etc. Ces pays se rappellent que Gazprom (l'opérateur russe gazier), il y a quelques années, avait fermé les robinets de gaz en plein hiver ! L'exploitation des gaz de schiste représente pour eux une possibilité d'amélioration forte de leur indépendance énergétique.

L'Allemagne et la Grande-Bretagne, pour leur part, ont lancé des études pour examiner les conditions d'exploitation. En Europe, seules la Roumanie – pays pétrolier –, la Bulgarie et la France ont dit non.

À l'évidence, ces réserves de gaz pourraient changer les équilibres à la fois en termes d'indépendance énergétique et en termes d'économie.

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