Intervention de Dominique Baert

Réunion du 30 mars 2016 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert, rapporteur :

Nous avons un système de répression des abus de marché dual, avec un système administratif, avec à sa tête l'AMF, et un système pénal, avec à sa tête le parquet national financier créé par la loi de 2013.

Pendant longtemps, cette dualité s'est traduite par un doublement des enquêtes et des procédures : il n'était pas rare de voir l'enquête pénale se poursuivre alors que les procédures administratives avaient été closes, sachant que le montant de l'éventuelle condamnation pénale était imputé de la pénalité financière précédemment fixée par la sanction administrative… Cela entraînait un encombrement des procédures, qui duraient très longtemps sans être forcément efficaces. Finalement, le Conseil constitutionnel a interdit la dualité des sanctions et des poursuites, ce qui a contraint à classer sans suite ou à abandonner un certain nombre de procédures pénales à partir du moment où l'AMF s'était prononcée.

Cette proposition de loi prévoit la création d'un arbitre, d'une procédure de concertation et d'un système d'aiguillage, qui seront précisés par le décret en Conseil d'État et la circulaire prévus. Selon quels critères va-t-on privilégier la saisine de l'AMF ou du parquet ? Tout cela devra être affiné, et je propose dans le rapport certains critères à cette fin.

À ce jour, il ne s'est pas produit de désaccord depuis la décision du Conseil constitutionnel ; l'AMF et le parquet national financier ont bien compris qu'ils devaient travailler ensemble. Des procédures informelles ont été mises en place pour échanger des informations. Les personnes se connaissent et se respectent, et tous m'ont dit ne pas avoir connu de cas dans lesquels il aurait été nécessaire de recourir à un arbitrage extérieur. Mais la proposition de loi prévoit qu'un tel arbitrage puisse être rendu par le procureur général près la cour d'appel de Paris.

J'ai interrogé la procureure générale de la cour d'appel de Paris, qui a autorité hiérarchique sur le procureur national financier. Elle m'a répondu que le choix ne se ferait ni à l'affectif ni pour des raisons institutionnelles, mais sur la base du droit, au vu des critères qui auront été énoncés, dans un souci d'efficacité.

Vous avez raison, madame Dalloz : quand on transpose une directive, il arrive qu'on soit tenté d'aller plus loin. Je pense pour ma part qu'il faut transcrire la directive en l'adossant à cette proposition de loi. Nous créons une procédure prévoyant les modalités d'aiguillage, constituant la structure de concertation et définissant les modalités d'arbitrage afin d'appliquer des articles du code monétaire et financier qui seront abrogés à partir du 1er septembre. Il faudra nécessairement les réintroduire en prenant en compte la directive et le règlement européens.

J'ai donc souhaité procéder à une intégration « en dur » dans ce texte qui prévoit la répression des abus de marché. Il intègre les apports de la réglementation européenne, et en particulier la clarification des classifications des délits, car le délit d'initié était très vaste. Qui plus est, la réglementation européenne va élargir le champ des poursuites.

Je propose une mesure qui n'est pas prévue par la directive, et que je revendique : elle consiste à assurer l'homogénéité des sanctions pénales et administratives. Il existe depuis longtemps dans notre droit un décalage criant entre les sanctions administratives, qui peuvent être très lourdes, jusqu'à 100 millions d'euros, et les sanctions pénales, plafonnées à 1,5 million d'euros.

Cela se justifie d'autant moins que l'on est fondé à penser que seront soumis au juge pénal les faits les plus graves, commis en bande organisée par exemple. Autrement dit, les faits les plus graves iraient devant le juge pénal, qui prononce des peines plus faibles, tandis que les sanctions administratives, plus lourdes, prononcées par l'AMF concerneraient les faits moins graves… Si nous voulons que notre système de droit soit parfaitement équilibré, nous avons tout intérêt à homogénéiser le niveau des sanctions. C'est, je vous l'accorde, un plus par rapport à ce que contient la directive.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion