Intervention de Blanche Guillemot

Réunion du 24 mars 2016 à 11h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Blanche Guillemot, directrice générale de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat :

Le PIA contribue au programme Habiter mieux, mais il ne le finance pas dans sa globalité, puisque ce programme est d'abord financé par le budget de l'ANAH. Le fonds d'aide à la rénovation thermique, qui est alimenté par le PIA, complète donc les subventions de l'agence – lesquelles s'élèvent à 50 % du montant des travaux – par une prime dont le montant, initialement assez faible, a varié au cours du temps et atteint aujourd'hui 10 % du montant des travaux.

En quoi cette prime complémentaire est-elle essentielle ? Nous avons réalisé des travaux d'évaluation assez poussés pour mesurer le reste à charge supportable par les bénéficiaires du programme. Il faut en effet savoir que le montant moyen des travaux, soit 18 000 euros, représente plus d'un an de revenus pour ces bénéficiaires. L'équation se compose donc de trois facteurs : la qualité des travaux, donc le gain énergétique obtenu ; le ciblage social, voire très social, du programme et le montant des subventions publiques que l'on souhaite y consacrer. Or, tous les acteurs partagent la conviction qu'en matière de lutte contre la précarité énergétique, sans un niveau élevé d'intervention publique, on ne suscite pas les décisions de travaux. Le réglage très fin du niveau pertinent d'intervention est difficile à modéliser, mais, lorsque les subventions étaient dimensionnées de manière trop faible, comme ce fut le cas lors du lancement du programme Habiter mieux, nous n'effectuions que 6 000 à 10 000 actions par an. Dès lors qu'elles ont augmenté et que la prime a pu jouer un effet levier, nous sommes passés à 50 000 par an, et nous pouvons augmenter encore ce chiffre, de sorte que nous sommes en mesure d'atteindre notre objectif, qui est de traiter la précarité énergétique.

Par ailleurs, je sais que le caractère innovant du programme a pu faire débat. Cependant, la décision prise en 2010 de le faire porter par le PIA fut un véritable choix. Cette décision politique avait beaucoup de sens et elle en a, me semble-t-il, davantage encore aujourd'hui. En effet, si ceux qui vivent dans des villes petites et moyennes, en secteur rural ou dans les copropriétés dégradées des quartiers pauvres situés à la périphérie des grandes métropoles, qui ont des difficultés à payer leurs charges et qui sont les premiers à supporter l'augmentation des coûts de l'énergie ne peuvent bénéficier de la transition énergétique, cela pose un problème d'égalité. Par ailleurs, ce programme constitue une forme de pilier, dans la mesure où il produit, notamment dans les copropriétés, un véritable effet levier. Pour massifier la rénovation énergétique de l'habitat dans les copropriétés – un secteur assez peu mobilisé aujourd'hui – chacun cherche des modèles économiques : le tiers financement ou la mobilisation de financements bancaires appropriés. Mais, dans ces copropriétés, les gens ont des revenus différents et des visions de leur patrimoine différentes. Dès lors, le fait d'accorder une aide plus importante aux ménages aux revenus modestes permet de faciliter les prises de décision et donc de produire un véritable effet levier sur la rénovation énergétique en copropriété. Nous le constatons chaque jour dans le cadre de nos partenariats avec la SEM Énergies POSIT'IF ou le service public de l'efficacité énergétique en Picardie. Les modèles des sociétés de tiers financement fonctionnent quand les ménages modestes sont subventionnés grâce à Habiter mieux, qui, au-delà de son efficacité sur le plan social et énergétique, produit donc un véritable effet levier public-privé.

Ce programme est également innovant en ce qu'il bénéficie de financements privés des énergéticiens, puisque nous sommes le principal pourvoyeur des certificats d'économie d'énergie précarité énergétique. Enfin, il est innovant dans le partenariat local, puisque nous avons mobilisé les collectivités territoriales, qui savent qu'elles sont soutenues par la solidarité nationale et qui apportent un cofinancement.

Grâce aux fonds du PIA, nous avons conclu des partenariats avec des collectivités locales qui s'engagent, les énergéticiens – EDF, Engie et Total – qui s'investissent dans des programmes de lutte contre la précarité énergétique et nous soutenons l'économie locale puisque la quasi-totalité des chantiers de rénovation des 150 000 logements déjà réalisés l'ont été par des entreprises locales du bâtiment. J'ajoute que la plupart des changements de système de chauffage se traduisent par le choix du bois, d'où un éventuel impact du programme sur certaines filières.

Mais, en matière d'innovation, nous pourrions aller encore plus loin, et c'est le sens de propositions que nous avons faites dans le cadre de la préparation du PIA 3. Le programme Habiter mieux fonctionne bien, son efficacité est prouvée et il est en quelque sorte « inarrêtable », puisque la loi de transition énergétique dispose que la moitié des 500 000 rénovations annuelles doit concerner des ménages modestes. Nous pourrions cependant aller plus loin en produisant un effet levier dans les copropriétés, où nous devons pouvoir contribuer à la massification.

Le modèle d'accompagnement qui a été développé pour les bénéficiaires des aides de l'agence s'intègre dans les plateformes et sert de socle à l'information et à l'accompagnement au service de n'importe quel particulier, qu'il soit éligible ou non aux aides de l'agence. Ce programme a donc permis un travail de mobilisation sur le terrain, qui est un acquis très important pour la suite.

Nous pensons, avec l'ADEME notamment, que nous pourrions réaliser des économies d'échelle en agissant au niveau des quartiers. Je pense, par exemple, à l'élaboration de stratégies de mode de chauffage en commun ou de recours à des énergies renouvelables en commun dans les quartiers pavillonnaires. Nous pourrions développer ainsi une ingénierie de projets qui apportent de réels gains au plan des économies d'énergie, tout en accompagnant des ménages dont les projets immédiats sont un peu éloignés de ce type de préoccupations, grâce à des technologies « réplicables » ou à des effets d'échelle.

La notion d'innovation revêt bien entendu un aspect technologique, mais elle est également présente dans la conclusion de partenariats locaux, le financement public-privé et le gain de pouvoir d'achat et de confort pour les ménages modestes, sans parler de la crédibilité de l'action publique. Nous avons la conviction que nous avons produit là quelque chose d'assez innovant sur le plan de l'accompagnement des personnes éloignées de ces projets.

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