Merci, madame la ministre, pour votre intervention claire, qui peut paraître technique, mais a évidemment des implications politiques. Celles-ci concernent non seulement les partenaires sociaux et les salariés, mais aussi et d'abord les citoyens.
Vous avez donné des éléments de contexte qu'il est utile de rappeler : plus de neuf embauches sur dix se font aujourd'hui sous la forme d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat d'intérim de moins de trois mois – cette précarité croissante ne date pas de 2012 et touche principalement les jeunes ; les CDD de moins de trois mois représentent 40 % des embauches ; beaucoup, y compris parmi les représentants des salariés, conviennent aujourd'hui du fait que le code du travail n'est plus adapté au marché du travail.
Ces éléments de contexte nous obligent et vous obligent à l'action. C'est bien ce dont il s'agit aujourd'hui. Le chômage reste élevé dans notre pays, plus que chez nos voisins européens qui ont engagé des réformes du marché du travail. Pourtant, certains estiment que cette réforme n'était pas nécessaire. Tel n'est pas notre avis, et nous saluons le volontarisme politique dont fait preuve le Gouvernement.
Néanmoins, madame la ministre, cette loi suscite des interrogations légitimes, car elle induit de vrais changements et une véritable réforme dans les relations entre salariés et employeurs, en donnant aux accords d'entreprise une place prépondérante qu'ils n'avaient que partiellement jusqu'à ce jour, même s'ils étaient effectifs et signés par l'ensemble des organisations syndicales. Vous consacrez ainsi le dialogue social comme un élément prépondérant au sein de l'entreprise, et plus seulement au niveau de la branche. En d'autres termes, vous tentez de remplacer la culture de l'affrontement par celle de la négociation. Les décisions concernant la durée du travail, l'aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés payés pourront faire l'objet d'accords majoritaires au sein de l'entreprise.
Les difficultés de l'entreprise qu'il convient de prendre en compte ne sont plus seulement structurelles, mais également conjoncturelles, c'est-à-dire liées à la vie de chaque entreprise. Lorsqu'elles sont réelles, elles doivent être prises en compte tant par le chef d'entreprise que par les salariés. Il était nécessaire, ainsi que vous entendez le faire avec ce projet de loi, d'élargir et de clarifier les possibilités qui existaient déjà en la matière, afin que les entreprises et leurs salariés s'en emparent plus facilement. Mais il fallait également borner ces possibilités et garantir aux salariés – qui sont, par définition, dans un rapport de subordination à l'égard de l'employeur – que leur statut serait préservé en cas d'absence d'accord, en prévoyant que l'accord de branche s'applique alors.
Cette nouvelle approche nécessite non seulement la mise en place de formations pour les partenaires sociaux, négociateurs au niveau local, mais également un bon niveau d'information des salariés, afin qu'ils puissent appréhender plus efficacement la situation de l'entreprise en cas de difficultés, notamment lorsqu'un référendum est organisé à l'initiative des organisations syndicales. Qu'envisagez-vous dans ce domaine ? Les entreprises auront-elles l'obligation de publier les accords d'entreprise ? Si tel est le cas, sous quelle forme ? Ne doit-on pas envisager une meilleure diffusion de l'information, afin que les salariés aient une connaissance plus précise de leurs droits et participent réellement et activement à la négociation d'entreprise ?
Enfin, avec le compte personnel d'activité, les droits seront désormais attachés à la personne plutôt qu'à son statut. Tel qu'il est prévu dans le projet de loi, le CPA s'adresse d'abord aux décrocheurs et aux jeunes en grande précarité, notamment par le biais de la garantie jeunes. Ne pourrait-on pas introduire également – nous y réfléchissons – une disposition qui concerne les jeunes diplômés, lesquels paient eux aussi un lourd tribut en termes de précarité et de chômage ?