Je vous remercie, madame la ministre, pour la présentation que vous avez faite aujourd'hui devant notre commission.
Chaque remaniement au ministère du travail est accompagné d'un nouveau projet de loi : après le texte portant sur la formation professionnelle et la démocratie sociale, puis le texte sur le dialogue social, voici maintenant ce projet de loi, qui vise à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. Je note, au passage, qu'il n'y a aucune référence directe aux « salariés » ou aux « travailleurs » dans le titre de votre projet de loi.
Après des semaines de déclarations, de pas en avant et en arrière, et une contestation sociale qui a parfois pris un visage violent, tant du côté des manifestants que des forces de sécurité, notre commission va se pencher dès la semaine prochaine sur les amendements à ce projet de loi. Il convient de relever l'ampleur prise par la contestation, tant sur les réseaux sociaux, avec cette fameuse pétition – qui, s'il y a des choses à dire sur le procédé, ne peut pas être écartée d'un revers de main –, que dans la rue, compte tenu de la position des partenaires sociaux, certains d'entre eux ayant néanmoins décidé de soutenir le texte après modifications. Cependant, celles-ci ont braqué les organisations patronales, pourtant acquises à la première version du projet de loi. Enfin, il est important de noter que de nombreux jeunes – certes, pas tous, je vous l'accorde – se sont montrés hostiles au projet de loi. Il faudra donc rassurer.
Disons-le d'emblée : ce texte contient des dispositions très intéressantes. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste reconnaît que, avec le code du travail actuel, la situation est compliquée tant pour les TPE et les PME que pour les salariés, qui peuvent se perdre dans la lecture d'un code parfois illisible et qui ne les aide guère à comprendre leurs droits.
Lors de la conférence de presse qu'il a donnée le 7 septembre dernier, le Président de la République a d'ailleurs déclaré : « Réformer, c'est aussi rendre lisible le code du travail, parce que c'est ce qui protège, parce que c'est aussi ce qui permet de créer de l'emploi. Nous donnerons toute la place nécessaire à la négociation collective et aux accords d'entreprise, pour permettre justement qu'il y ait une meilleure adaptation du droit du travail à la réalité des entreprises. »
Le Premier ministre, quant à lui, a déclaré lors du congrès des Radicaux de gauche à Montpellier, le 20 septembre 2015 : « Réformer, c'est enfin réformer notre marché du travail, avec un objectif : plus de souplesse, mais pas moins de protection. Le constat est très largement partagé : notre code du travail est trop rigide, trop complexe, au point même que les salariés ont du mal à connaître leurs droits. Il y a une perte de temps et d'énergie pour tout le monde. »
Sur la forme, nous déplorons à nouveau les délais relativement courts impartis à l'étude de ce texte important, ainsi que les multiples renvois à des décrets en Conseil d'État.
Sur le fond, nous avons plusieurs remarques à faire, notamment sur l'alinéa 11 de l'article 1er, qui porte sur les questions relatives à la laïcité en entreprise. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste et apparentés vous demande, madame la ministre, une clarification du texte en la matière.
L'article 2 récrit la totalité des dispositions du code portant sur la durée du travail, l'aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés payés. Nous avons bien noté la volonté du Gouvernement de mettre en avant la négociation en entreprise.
L'article 3 assure pour chaque congé spécifique actuellement prévu par le code du travail une distinction claire entre, d'une part, les droits à congés ouverts aux salariés relevant de l'ordre public et, donc, non négociables et, d'autre part, les dispositions qui peuvent faire l'objet de négociations, pour plus de souplesse d'organisation au sein de l'entreprise. Toutefois, nous nous étonnons que les dispositions supplétives fixées par décret en Conseil d'État viennent presque systématiquement compléter ces dispositions, ainsi que je l'ai déjà indiqué. Cela n'augure pas nécessairement d'une réelle appropriation de cette nouvelle méthode par les partenaires que sont les employés et le patronat.
Nous sommes satisfaits de la suppression de la première version de l'article 6, qui portait sur le travail des apprentis mineurs.
Nous notons que l'article 7 concerne la méthode pour contracter des accords collectifs, ainsi que leur durée, et prévoit que les accords d'entreprise sont rendus publics sauf si l'employeur s'oppose à cette publicité notamment pour des raisons de non-divulgation d'informations sensibles sur la stratégie de l'entreprise. Nous émettons des réserves sur le fait que l'employeur puisse s'opposer à la transparence au motif de préserver la stratégie d'entreprise.
Nous soutenons, bien évidemment, l'idée de créer un compte personnel d'activité, qui fait l'objet des articles 21 et 22, ainsi que la généralisation de la garantie jeunes prévue à l'article 23. De même, nous portons une attention bienveillante aux dispositions concernant l'apprentissage, qui visent à simplifier son organisation. Ainsi que nous l'avons déjà évoqué à plusieurs reprises, tout ce qui peut contribuer à ce qu'on se défasse du sentiment que l'apprentissage est une « voie de garage » est bon à prendre.
Dans le temps limité qui m'est imparti, j'aimerais également revenir sur les dispositions de l'article 44 concernant la médecine du travail. Cet article réforme le suivi des salariés par la médecine du travail pour mieux concentrer les moyens sur les salariés exposés à des risques particuliers. Il supprime la visite médicale d'aptitude systématique à l'embauche et renforce le suivi personnalisé des salariés tout au long de leur carrière, en reconnaissant ce droit aux salariés intérimaires et titulaires de contrats courts. À ce stade de la discussion, notre groupe estime que ce changement est positif, car, dans les faits, cette visite ne semble pas toujours répondre à son objectif premier, puisque le médecin du travail n'a pas accès au dossier médical du patient et que ce dernier peut éventuellement omettre des informations. Un protocole défini par la médecine du travail et mis en oeuvre par un professionnel de santé serait nécessaire, le médecin du travail validant l'aptitude ou convoquant la personne concernée.
Lors de l'examen des amendements par notre commission la semaine prochaine, nous serons extrêmement vigilants sur les avancées qui concerneront les artisans, les TPE et les PME, ainsi que sur la protection des salariés.