Intervention de Bernard Sagez

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Bernard Sagez, secrétaire générale de la CFTC :

L'an dernier, nous avons été associés à des discussions relatives au code du travail. En revanche, nous n'avons pas été consultés en amont s'agissant de ce projet de loi. C'est seulement au mois de mars, à l'occasion du report de la présentation du texte que nous avons pu apporter nos réponses aux différents problèmes qu'il pose.

La CFTC avait réservé à la première version un accueil très mitigé, considérant qu'elle ne présentait pas un équilibre satisfaisant entre flexibilité et sécurité des salariés. Nous ne souhaitions cependant pas le retrait du texte dans la mesure où il comportait aussi des avancées.

Au titre de ce que nous souhaitons voir conserver figurent les éléments suivants.

La nouvelle architecture du code du travail, que chacun s'accordait à considérer trop compliqué, voire illisible, nous paraît beaucoup plus compréhensible, tant pour les salariés que pour le patronat, grâce à l'articulation entre dispositions d'ordre public, négociation collective et enfin mesures supplétives.

Le CPA constitue l'une des pierres angulaires du nouveau contrat social que la CFTC appelle de ses voeux : il s'agit d'attacher des droits à la personne, et il faudra, comme cela a déjà été dit, aller plus loin.

Le projet de loi revoit en profondeur le dispositif de la validation des acquis de l'expérience (VAE) afin de le rendre moins contraignant, et de ce fait, plus attractif : il permettra aux jeunes décrocheurs d'obtenir ainsi plus rapidement un diplôme.

Nous sommes également favorables à d'autres mesures importantes telles la lutte contre le détachement illégal, le droit à la déconnexion, le mandatement – dès lors qu'une organisation syndicale mandate une personne au sein d'une entreprise. En outre, la notion de référendum ne nous fait pas peur, dès lors qu'il est organisé à l'initiative des organisations syndicales recueillant 30 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles. Nous considérons en effet que cela renforce les syndicats signataires.

La deuxième version du projet de loi apporte plus de garanties dans le domaine de la sécurité des salariés. Les organisations patronales se sont inquiétées de l'évolution du texte mais il était important d'en améliorer l'équilibre général. Nous estimons toutefois que des points restent à améliorer dans quatre domaines.

S'agissant des branches, tout d'abord, et même si certaines de nos observations ont été reprises, des modifications rédactionnelles doivent encore être apportées. La branche constitue en effet, pour nous, le meilleur rempart à la concurrence déloyale entre les entreprises, dont les salariés font souvent les frais. Elle doit donc rester un pivot de régulation. Le texte donne une définition de la branche qui ne prend pas assez en compte ce rôle, elle doit donc être revue dans quatre articles.

L'article 1er, qui affiche des principes, comporte un alinéa 55 qui limite les conditions dans lesquelles la convention collective peut prévoir des normes ; il devrait préciser que la négociation de branche définit les garanties communes aux salariés employés par les entreprises d'un même secteur ou ayant la même activité, et tient, à ce titre, un rôle pivot dans la négociation. Cela permettrait de confirmer que le projet de loi ne procède pas à un renversement de la hiérarchie des normes, et qu'il conforte la notion de branche.

L'article 7 dispose qu'un accord de branche peut définir la méthode de négociation d'entreprise applicable : nous souhaitons qu'il soit simplement écrit qu'un accord de branche définit la méthode de négociation d'entreprise applicable, pour éviter la caducité des négociations d'entreprise. De même, à l'article 13, qui définit la notion de branche, il faut préciser que la négociation de branche « définit », et non pas « peut définir » des garanties. Il importe de ne pas pouvoir écarter la branche.

L'article 29 concerne l'accord de branche étendu contenant des accords types applicables dans les PME ; il suffirait de prévoir des stipulations spécifiques pour les petites et moyennes entreprises, et de supprimer la mention des entreprises de moins de 50 salariés. Les PME n'emploient pas en effet nécessairement moins de 50 salariés – je rappelle que la loi Rebsamen a retenu le chiffre de 300.

L'article 7 traite encore des clauses de revoyure. Nous considérons qu'elles doivent être obligatoires au lieu d'être simplement possibles. Cela apportera une sécurité juridique aux accords.

S'agissant des accords sur le développement de l'emploi mentionnés à l'article 11, nous considérons qu'il n'est pas possible d'accoler dans la même expression les termes « développement » et « préservation », car la préservation, c'est le maintien l'emploi. Les accords de maintien existent et sont normés. Ne mélangeons pas les deux notions : le développement de l'emploi renvoie à la création d'emplois. Cet article comporte donc une ambiguïté qu'il faut supprimer.

La rédaction de l'article 30, qui concerne le licenciement économique, doit être précisée. Les critères justifiant le licenciement doivent être explicités : aux termes de « baisse des commandes », par exemple, il faut ajouter le mot « conséquente », ce qui est susceptible d'être pris en compte par le juge. De même, la rédaction « tout élément de nature à justifier ces difficultés » est trop vague, il convient de préciser que ces éléments revêtent un caractère significatif. Par ailleurs, le périmètre d'appréciation des motifs de licenciement économique doit être étendu au-delà du seul territoire national. Nous proposons d'ajouter les termes « quelle que soit leur implantation territoriale ou géographique », afin d'inclure les grands groupes.

L'article 44 concerne la médecine du travail sur les deux plans des maladies et accidents non professionnels et des maladies et accidents professionnels. Nous considérons qu'un salarié ne doit pas pouvoir être licencié avant la consolidation de son état de santé – ce serait contraire aux principes fondamentaux de la suspension de l'exécution du contrat de travail. Nous proposons donc de revenir à la rédaction de l'article L. 1226-2 du code du travail qui ne prévoit pas cette possibilité de licenciement.

Ce même article 44 crée une présomption de respect de l'obligation de reclassement pour l'employeur qui se voit ainsi libéré de cette contrainte dès lors qu'il a proposé un poste au salarié. Il faut retirer de la rédaction de l'article L. 1226-12 la partie mentionnant que l'obligation de reclassement est réputée satisfaite dès lors que l'employeur a proposé un poste.

Sur le CPA, une autre organisation syndicale a déjà estimé que les dispositions proposées devaient être améliorées : nous partageons cet avis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion