Intervention de Catherine Perret

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Catherine Perret, membre de la direction confédérale de la CGT :

Au printemps 2015, le président de la République avait annoncé un projet de loi destiné à compenser tous les efforts réalisés par les salariés depuis 2012. On attendait donc un texte sur la sécurité sociale professionnelle améliorant la situation des salariés. Or le projet de loi que vous examinerez ne comporte pas beaucoup d'éléments de progrès social et de sécurisation.

En 1999, la CGT a créé le concept de sécurité sociale professionnelle, qui a inspiré d'autres organisations et d'autres partis politiques de droite comme de gauche. Nous avons donc la prétention de penser posséder une certaine expertise en la matière.

La négociation sur le CPA a échoué puisqu'il n'y a eu ni accord, ni même de position commune, les organisations patronales ayant refusé de signer le texte qu'elles avaient écrit ! Elles n'acceptaient pas en effet les dispositions relatives au CPPP. Ce dernier n'a pas d'existence réelle dans le projet de loi, qui reprend même la définition de situations de travail par référentiel de branche, ce qui complexifiera davantage la question de la portabilité, essentielle pour le CPA. Dans ce dernier, il n'y a donc que le CPF et quelques dispositions de la deuxième version du projet de loi de Mme El Khomri sur la formation et les jeunes.

La CGT propose deux mesures qu'il aurait été intéressant d'étudier pour poser les premières pierres de la sécurisation des personnes pendant leur parcours professionnel – sécuriser les parcours, donc l'employabilité, et sécuriser les personnes différant grandement dans un contexte de fortes mutations technologiques qui crée beaucoup d'instabilité et de précarité. La première a trait à la progressivité de la qualification et à sa reconnaissance tout au long du parcours professionnel, celle-ci étant consignée dans un CPA pour sécuriser les personnes et accroître la prévisibilité de leur parcours professionnel. La population demande une telle évolution, car elle souhaite davantage de visibilité et de stabilité. Une telle réforme augmenterait l'attractivité de la formation continue : on a envie de se former quand on nourrit l'espoir d'en retirer quelque chose dans sa vie quotidienne, dans son entreprise, dans son évolution professionnelle et en matière de progression salariale. On entre là dans une démarche de progrès social, les augmentations salariales tout au long de la vie nourrissant les droits sociaux, notamment ceux à la retraite. La seconde proposition vise à maintenir le contrat de travail en cas de mobilité choisie ou subie ; aujourd'hui, bon nombre de salariés connaissant de grandes périodes de rupture et éprouvant des difficultés à retrouver un emploi appartiennent aux très petites (TPE) ou aux petites et moyennes entreprises (PME). Ces entreprises travaillent souvent comme sous-traitantes de grands donneurs d'ordres, qui utilisent ces salariés comme variables d'ajustement, y compris pour leurs dividendes. Les grandes entreprises doivent assumer une responsabilité sociale et assurer une sécurisation des contrats de travail des salariés de leurs filiales ou de TPE. On créerait ainsi une solidarité entre les entreprises et les branches pour que ces salariés ne soient pas trop tributaires des bons de commande des grandes entreprises.

La deuxième version du projet de loi porté par Mme El Khomri recycle beaucoup de mesures déjà présentes ailleurs ; j'attire notamment votre attention sur la généralisation de la garantie jeunes, disposition du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, présenté au conseil des ministres du 6 avril prochain. Elle a d'ailleurs davantage sa place dans ce projet de loi que dans celui sur le travail. Le Gouvernement effectue là un affichage grossier destiné à calmer la jeunesse qui descend dans la rue. C'est la CGT qui a négocié en Europe l'accord sur la garantie jeunes, signé unanimement ; notre Confédération défend donc cette mesure, mais l'expérimentation en cours depuis trois ans fait apparaître de nombreux problèmes, qui empêchent aujourd'hui sa généralisation. Parmi ces difficultés figurent la mise en péril des missions locales – qui se trouvent en déficit à cause de cette garantie, le forfait attribué à chaque jeune se révélant insuffisant – et l'absence de retour à un emploi stable pour les jeunes.

Les annonces sur la formation professionnelle représentent un coût de 500 millions d'euros par an, financé par des fonds mutualisés d'un milliard d'euros qui consacrent déjà 300 millions d'euros aux demandeurs d'emploi. Si cette mesure n'était pas financée, elle mettrait en péril l'ensemble des dispositifs de formation professionnelle destinés à tous les salariés.

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