Intervention de Fabrice Angei

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Fabrice Angei, membre de la direction confédérale de la CGT :

Je voudrais dire à M. le rapporteur que nous sommes disponibles pour trouver une date. De même, nous pourrons rencontrer l'ensemble des groupes qui nous ont sollicités – à l'exception bien sûr des députés Front national.

Sur la question du mandatement, nous avons une position commune avec la CFDT. Nous ne soutenons pas la proposition consistant à faire valider des accords par la DIRECCTE pour suppléer les difficultés de mandatement, dans la mesure où il s'agit là d'une autorisation administrative. Je rappelle que le droit à la négociation est un droit des salariés, qui figure dans le Préambule de la Constitution et qui est exercé par les représentants syndicaux. Il est important de s'y tenir. D'autres moyens existent que l'on a évoqués tout à l'heure et sur lesquels je ne reviendrai pas.

Nous avons également la même position que la CFDT s'agissant de la laïcité. Nous sommes favorables, nous aussi, au retrait du sixième principe. Il n'est pas nécessaire de légiférer en la matière, cela ne ferait qu'entraîner des complications. Un travail intéressant est actuellement conduit avec le ministère et l'ensemble des acteurs sociaux pour définir une sorte de déontologie en ce domaine. Une telle façon de procéder est préférable.

Sur le vote électronique, qui a été largement développé dans la fonction publique, nous avons constaté que sa mise en place ne facilitait pas la participation électorale. D'ailleurs, celle-ci est élevée dans les élections professionnelles – en cas de dépôt de listes. Cela étant, nous ne sommes pas opposés à une extension des modalités de vote. Pour élire les représentants du personnel au niveau de l'entreprise, le principe doit être le vote sur place. Mais les salariés et les cadres sont nombreux à se déplacer. Il faut donc trouver de nouvelles modalités pour tenir compte des spécificités de certains.

S'agissant de la représentation des salariés au conseil d'administration, nous y sommes favorables et nous avons des propositions précises à faire en ce domaine – nous vous les communiquerons. Malgré tout, nous raisonnons différemment : il ne suffit pas, selon nous, d'élargir la représentation dans les CA. Nous considérons qu'il faut doter les instances représentatives du personnel de droits élargis, notamment en matière de contrôle des aides aux entreprises, et de droit de suspension pour s'assurer du « bien-fondé », ou plutôt de la réalité des licenciements économiques décidés par une entreprise. Mieux vaut donner davantage de droits, que d'élargir la représentation.

Concernant ce que l'on appelle, et cela nous est insupportable, les « insiders » et les « outsiders », avec des salariés protégés par un contrat en CDI, qui empêcheraient les chômeurs d'accéder à l'emploi, les politiques que vous êtes doivent se méfier de ce genre de raisonnement qui désigne des boucs émissaires, favorise la division et renforce finalement l'extrémisme et le Front national, comme on le constate à chaque élection. Cela étant, il y a des choses à faire.

Je pense à la taxation des CDD, que la ministre a rejetée en expliquant que cela relevait de la négociation sur l'UNEDIC. Pourtant, elle l'avait proposée. Je ne vois pas pourquoi on ne s'engagerait pas sur cette piste, ni pourquoi on n'entend pas de recommandations fortes en ce sens – le Gouvernement sait le faire, dans les négociations qui se déroulent aujourd'hui.

Deuxièmement, le nombre des ruptures conventionnelles a explosé. En fait, ces ruptures permettent de pallier la pénibilité au travail qui est mal prise en compte, constituent une réponse à l'intensification du travail, à l'allongement de l'âge de départ en retraite et à la souffrance au travail. Ce sont les séniors qui ont le plus souvent recours à la rupture conventionnelle – déguisée ou non. Comme ils sont à bout, ils quittent l'entreprise. On les retrouve ensuite à l'UNEDIC, ce qui aggrave le déficit par ailleurs.

Pour favoriser l'accès à l'emploi, et dès lors que la rupture conventionnelle n'est pas motivée par un licenciement économique, mais découle d'une volonté contractuelle, il faudrait assujettir chaque rupture à un recrutement. Il faut aller jusqu'au bout de la logique. Sinon, il y a détournement du dispositif.

S'agissant de la complexité du code du travail, il faut relativiser les choses. Sur les 3 580 pages de l'édition Dalloz, 2 500 concernent la santé et la sécurité des travailleurs ; ce sont des dispositions très précises sur certains métiers et certaines activités. Chacun a donc du code une lecture sélective, « à la carte ». De la même façon, les TPE ou les entreprises de moins de 50 salariés ne sont pas concernées par les dispositions relatives aux délégués du personnel ou aux comités d'entreprise. Ainsi, l'ensemble du code ne s'applique pas à tout le monde.

En Grande-Bretagne, il n'y a pas de code du travail mais 500 dispositifs législatifs régissent les relations sociales du droit du travail. On ne peut pas dire que certains pays ont un droit surabondant, et d'autres pas. Le volume de notre législation du travail n'est pas plus important que celle de nos voisins, que l'on ne critique pas par ailleurs.

Bref, il convient de relativiser la complexité de notre code. Pour autant, à la CGT, nous ne sommes pas pour le statu quo. Nous sommes favorables à la simplification, à condition qu'elle ne se traduise pas par l'amoindrissement des droits et des garanties effectives. C'est en ce sens que nous prenons nos distances avec ce qui se passe aujourd'hui – l'ordre public social que l'on veut mettre en place, et le renversement de la hiérarchie des normes que l'on veut imposer.

Comment créer de l'emploi ? Tout le monde le dit : la situation de l'économie et de l'emploi est grave et l'heure est à l'action. Dans le même temps, chacun reconnaît – y compris le MEDEF – que ce n'est pas le code du travail qui va permettre de créer de l'emploi. Pour nous, il peut créer de l'emploi, mais pas par la flexibilité. Par exemple, la réduction du temps de travail, mesure de progrès social, est créatrice d'emploi. Pourquoi ne pas fixer la norme à 32 heures hebdomadaires, puis l'aménager selon les métiers et les entreprises ?

Les petites entreprises souffrent de la minceur de leurs carnets de commandes pas d'un manque de flexibilité. On ne crée pas assez d'emplois, parce que notre croissance est atone : moins de 60 000 emplois ont été créés en 2015. C'est donc bien un changement de politique économique qui est nécessaire. Et celui-ci passe, notamment, par l'augmentation des salaires, la réduction du temps de travail et le contrôle des aides.

La réponse est économique. Elle n'est pas dans le code du travail qui sert depuis deux cents ans à protéger les salariés. Notons qu'à l'époque, cette protection avait été demandée par les entreprises. Lorsqu'en 1918, on est passé à huit heures de travail par jour, c'était pour prendre en compte les personnes qui revenaient de la guerre. Il s'agissait de travailler moins pour que tous travaillent. Ainsi, la protection n'est pas l'ennemi de l'emploi. Bien au contraire.

Madame la présidente, je pense avoir dit l'essentiel. Je terminerai par un point sur lequel nous n'avons pas la même position que Force Ouvrière – mais plutôt la même que la CFDT : les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI). Nous considérons en effet que la sous-commission doit être un lieu de négociation pour les petites entreprises et les TPE.

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