Intervention de Annick Le Loch

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch, co-rapporteure :

Je suis ravie de vous présenter le fruit du long travail que nous avons mené ensemble. Nous espérons que les 60 propositions que nous formulons permettront d'apporter quelques réponses aux difficultés auxquelles les éleveurs sont confrontés. Et je ne doute pas qu'elles trouveront une traduction réglementaire ou législative.

Depuis deux ans, les éleveurs de ma circonscription m'interpellent sur la situation critique de l'élevage, et je pense qu'il en est de même pour vous, mes chers collègues. Ils sont tous très attachés à leurs exploitations et à leur cheptel et ne peuvent se résoudre à baisser les bras crise après crise.

Le constat de la mission d'information a été présenté à l'instant par le président. En découlent 60 propositions qui témoignent de notre volonté de définir une stratégie pour ces filières au coeur de l'agriculture française, de ses territoires, de ses paysages. Je vous rappelle que les filières d'élevage dégagent un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit 37 % de la production agricole française.

Mais ce secteur évolue dans un cadre concurrentiel et normatif européen – droit européen de la concurrence, organisation commune des marchés (OCM), politique agricole commune – rappelons que le budget de la PAC s'élève à 9 milliards d'euros, soit le double du budget national de l'agriculture.

Le déplacement de la mission à Bruxelles s'est imposé à nous. Nous y avons rencontré les services de la Commission européenne, nos collègues parlementaires et des think tanks. Nous avons pris conscience que le problème devait être affronté à cette échelle européenne et que si les difficultés sont partagées par les autres États membres, la France devait faire entendre sa voix, comme l'a fait d'ailleurs récemment notre ministre de l'agriculture.

Nous préconisons d'intervenir à deux niveaux, en prenant d'une part des mesures d'urgence, d'autre part des dispositions qui s'inscrivent sur le moyen ou le long terme.

Dans l'immédiat, nous proposons d'activer les outils de régulation européens dérogeant à l'OCM ; cette intervention est nécessaire compte tenu de l'ampleur de la crise de surproduction actuelle. Nous pensons que le seuil de référence et les prix d'intervention doivent être adaptés aux États membres et à la faiblesse des prix des marchés. Je vous rappelle que ces prix d'intervention sont extrêmement bas. Nous reprenons la proposition de l'European Milk Board de mettre en oeuvre un programme de responsabilisation face au marché, permettant d'actionner, en cas de chute des prix, des mesures volontaires, incitatives dans un premier temps, puis éventuellement obligatoires dans un second temps, de réduction de la production. Les observatoires européens du marché du lait et de la viande sont là pour alerter les pouvoirs publics en cas de déséquilibre sur les marchés.

Cette crise justifie aussi de relever le plafond de minimis sur les aides d'État permettant la mise en place d'aides d'urgence nationales plus importantes. De son côté, le Fonds européen d'aide aux plus démunis doit être provisionné de produits alimentaires directement issus des secteurs en crise.

En matière de simplification, il faut obtenir un moratoire des normes agricoles, notamment environnementales, et imposer un recours systématique aux études d'impact préalables à toute adoption de nouvelles normes affectant l'agriculture.

Les Français doivent pouvoir choisir de consommer des produits français. La généralisation de l'étiquetage des produits laitiers et de ceux transformés à base de viande est en bonne voie mais doit être confirmée. Les établissements publics doivent pouvoir choisir des produits locaux pour leur approvisionnement et, bien sûr, les mettre en avant.

L'harmonisation et l'adaptation des règles fiscales et sociales doivent être engagées au niveau européen, notamment celles qui s'appliquent aux travailleurs détachés et à la TVA forfaitaire.

Au niveau commercial, l'Europe doit agir collectivement dans ses rapports aux pays tiers et parler d'une seule voix forte pour lever les embargos russes et surtout exclure certaines productions agricoles sensibles des négociations sur le Partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement, le fameux PTCI, notamment pour la viande.

Le maintien de normes de haute qualité et des signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO), propres aux produits européens et dont la France a fait l'un de ses atouts, est une nécessité.

Un outil de crédit export doit être créé à l'échelle européenne. Le problème de la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne alimentaire est commun à plusieurs pays européens et a des conséquences bien au-delà des productions agricoles. Une solution européenne doit être trouvée pour stopper la concentration de la distribution et restaurer le pouvoir de négociation des producteurs, conformément aux propositions que nous faisons au niveau national et que va vous présenter M. Thierry Benoit dans un instant. En effet, nous avons constaté que, dans tous les pays, la distribution était concentrée, qu'elle était très puissante et détenait un pouvoir totalement déséquilibré face aux producteurs.

Enfin, dès l'examen, à mi-parcours de la PAC, en 2018, nous devrons réfléchir à sa réorientation vers la promotion de mécanismes assurantiels d'atténuation de la volatilité des prix agricoles. Un mécanisme de sécurisation des prix et des marges des agriculteurs doit être promu dans le cadre d'une action publique et privée à la fois, en s'inspirant du farm bill américain, et ce à budget constant. Il faut « des prix plutôt que des primes », comme aiment à le répéter nos agriculteurs.

Il faut prendre la mesure de la spécificité de ces filières, que ce soit dans leur contribution à l'économie de notre pays, à celle de nos territoires, à l'entretien des paysages mais aussi à notre souveraineté alimentaire.

Face au libéralisme sans limite souhaité par certains, réaffirmons le modèle français ou plutôt les modèles français, que ce soit avec nos champions internationaux ou avec le producteur local, et affirmons notre volonté politique et européenne de sécuriser les exploitations et les éleveurs qui en sont responsables.

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