Monsieur Comet, je suis vraiment proche du chef d'état-major des armées comme du chef d'état-major de l'armée de terre. Ces derniers partagent ma perception de la militarité de la gendarmerie. Pour moi-même qui suis gendarme depuis 1983, j'observe que la gendarmerie est plus militaire aujourd'hui dans son comportement, dans ses attitudes, qu'elle ne l'était par le passé. Je ne perçois pas de volonté de la fusionner avec la police nationale, dans quelque sensibilité politique que ce soit. La gendarmerie est une force loyale, qui obéit à un chef, qui a une structure très pyramidale mais qui produit très vite des effets sur le terrain ; l'autorité politique le constate bien. Prenez par exemple le cas du crash de la German Wings. Il s'agit d'une opération extrêmement complexe à conduire, en haute montagne et sans piste d'accès. Pourtant, la gendarmerie l'a conduite avec succès avec la mise en oeuvre, décidée à l'échelon central, de moyens techniques et humains nombreux et complexes – hélicoptères, gendarmerie de haute montagne, spécialistes de la police technique et scientifique, escadrons positionnés afin d'éviter le pillage de l'avion, gendarmerie des transports aériens pour opérer les constatations et conduire l'enquête – dont le déploiement a d'ailleurs impressionné jusqu'à la Chancelière allemande. Celle-ci s'est en effet demandée quelle était cette force qui, en quelques semaines, était capable de mener à bien une mission d'une telle importance. Ce modèle correspond bien à notre pays et je ne suis donc pas inquiet quant à la question de la militarité. En matière de renseignement, je ne revendique pas l'inclusion de la gendarmerie dans le « premier cercle » du renseignement, car la gendarmerie ne fait pas le même travail que, par exemple, la DGSI. Il n'en reste pas moins que la gendarmerie peut apporter beaucoup à la communauté du renseignement, et que les échanges doivent s'opérer dans les deux sens.
S'agissant, Madame Gosselin-Fleury, des capacités d'intervention spécialisées contre le terrorisme ‒ sujet actuellement très sensible ‒, celles de la gendarmerie sont reconnues. Vendredi dernier, à l'occasion d'un exercice conduit devant le ministre de l'Intérieur, nous avons d'ailleurs fait la preuve de la capacité du GIGN à traiter une situation tactique complexe sans dégâts collatéraux. Lors de cet exercice, la gendarmerie a démontré sa capacité à analyser en quelques instants une situation tactique complexe. Dans le schéma d'intervention qui va être mis en place, les capacités du GIGN seront donc davantage sollicitées.
Monsieur Guilloteau, pour ce qui est des antennes provinciales du GIGN, leur déploiement est réglé par un souci d'économie des moyens entre la gendarmerie et la police. J'avais souhaité la création d'une antenne à Bourgoin-Jallieu, mais il y a déjà une antenne du RAID à Lyon, ce qui justifie qu'il n'y en ait pas du GIGN. Les cartes isochrones que nous mettons au point montreront bien la cohérence du déploiement national des deux forces, et permettront de vérifier que tout point du territoire leur est accessible en moins de vingt minutes.
Quant à l'existence de deux gendarmeries différentes pour la troisième dimension, il faut rappeler que leurs compétences ne sont pas les mêmes : la gendarmerie de l'air est chargée de la sécurité des bases aériennes militaires, tandis que la gendarmerie des transports aériens est chargée de la sécurité les principales plateformes aéroportuaires civiles. Elle est aussi chargée de toutes les enquêtes liées aux accidents aériens civils – crash du vol Rio-Paris, du Concorde, du vol de la German Wings par exemple. Aussi, les rassembler ne permettrait pas de gagner des effectifs.
Mme Gosselin-Fleury, il existe depuis 2008 l'unité de coordination des forces d'intervention (UCOFI), chargée d'assurer la coordination et l'interopérabilité des forces concernées, au premier rang desquelles le RAID et le GIGN. Pour l'heure, il s'agit d'une structure de coordination, et non d'une structure de commandement. Nous réfléchissons à sa possible évolution, dans le cadre du schéma national d'intervention.
S'agissant, Monsieur Nauche, du général Soubelet, la question n'a rien d'anecdotique. Il s'était exprimé en décembre 2013 devant vos collègues de la mission sur la lutte contre l'insécurité, présidée par M. Jean-Pierre Blazy ; la façon dont ses propos ont été relayés n'a pas toujours été parfaitement conforme aux conditions de leur expression. Il a tenu à s'exprimer dans la presse et a écrit un livre qui paraît demain, que j'ai lu. Pour ma part, je n'ai pas le temps d'écrire grand-chose d'autre que des notes opérationnelles… Je suis donc surpris qu'un général « quatre étoiles » ait le temps d'écrire des livres. Le problème n'est pas la liberté d'expression c'est le devoir de réserve, qui s'impose particulièrement à un général de corps d'armée dans un contexte où le pays est en crise et où toutes les énergies doivent être orientées vers la gestion de cette crise. Ses interventions, aujourd'hui, sont pondérées, mesurées ; elles ne comprennent pas d'attaque contre la politique du gouvernement actuel ou des gouvernements précédents. Il s'agit de points de vue très généraux sur des sujets variés – l'économie, les autorités administratives indépendantes, l'état de la société – qui n'apportent d'ailleurs rien de nouveau au débat public mais qui risquent en effet d'être instrumentalisés. La parution de cet ouvrage ne suscite pas d'émotion particulière à l'intérieur de la gendarmerie.