Je suis heureux de vous présenter aujourd'hui le rapport d'activité 2015 de la délégation parlementaire au renseignement (DPR). Dans la lignée du débat qui avait été organisé dans l'hémicycle l'année dernière, la présidente et moi-même estimons important que la délégation fasse connaître à l'ensemble des parlementaires ses travaux, fasse part de ses réflexions et propositions pour enrichir le débat public et diffuser cette culture du renseignement qui reste encore à construire dans notre pays.
2015 a constitué, vous le savez tous, une étape importante pour la politique publique du renseignement. Pour la première fois, la France s'est dotée d'un cadre législatif complet autorisant et encadrant l'usage, par les services spécialisés, de techniques de renseignement. Dans le même temps, la menace terroriste n'a jamais été aussi aiguë et justifie que notre politique de renseignement fasse l'objet d'une attention particulière de notre part.
La délégation parlementaire au renseignement a, c'est une certitude, changé de statut ces deux dernières années. Ses capacités d'audition et de communication de documents ont été considérablement accrues par la loi de programmation militaire 2014-2019 que nous avons votée à l'automne 2013 et encore complétées par la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015.
Surtout, alors qu'elle était cantonnée jusque-là au « suivi de l'activité générale et des moyens des services spécialisés », elle effectue désormais le « contrôle et l'évaluation de l'action du Gouvernement en matière de renseignement ». Elle s'est saisie très rapidement de ces prérogatives nouvelles puisque dès 2014, elle a consacré une part importante de son rapport d'activité – qui à cette occasion est passé d'une quinzaine de pages à plus d'une centaine – au renseignement économique et financier, aux ressources humaines et à la réforme du renseignement intérieur, et avait formulé 103 propositions.
En 2015, vous le découvrirez à la lecture du rapport, la délégation s'est réunie à quatorze reprises et a entendu notamment le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Défense, le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) et le directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), à plusieurs reprises – et notamment rapidement après les attentats de janvier et novembre pour entendre leurs premières explications – le coordinateur national du renseignement (CNR), le directeur du renseignement militaire, le directeur du renseignement de la préfecture de police de Paris, les responsables du service central du renseignement territorial (SCRT) et de la sous-direction de l'anticipation opérationnelle de la gendarmerie nationale (SDAO), le président de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) et son successeur, le président de la nouvelle commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ou encore le directeur du groupement interministériel de contrôle (GIC).
La délégation a également rencontré le général Clapper, directeur du renseignement national (DNI) des États-Unis ainsi que des instances de contrôle parlementaire assurant des fonctions équivalentes à celle de la DPR au Japon et en Suisse.
La délégation rencontre enfin chaque année les stagiaires de l'Académie du renseignement, c'est-à-dire les futurs cadres des services de renseignement.
Comme vous pouvez le constater, le programme de travail de la DPR est donc riche et dense, ce qui prouve qu'elle est désormais un interlocuteur incontournable pour l'ensemble de la communauté du renseignement.
Son activité 2015 s'est naturellement focalisée sur le travail législatif – les quatre rapporteurs des deux assemblées, pour avis et au fond, de la loi relative au renseignement étaient par exemple membres de la DPR – : elle a consacré plusieurs réunions à la présentation et à l'examen du texte. Je vous rappelle que la DPR avait appelé de ses voeux, lors des rapports d'activité précédents et à l'occasion de l'entretien annuel qu'elle a avec le président de la République, l'adoption d'un cadre juridique complet pour l'ensemble des services de renseignement, et que la loi du 24 juillet 2015 est donc largement inspirée de ses travaux.
Il est encore un peu tôt pour tirer les premières conséquences de la mise en oeuvre de cette loi, qui n'est entrée en vigueur qu'à l'automne dernier, mais la DPR y consacrera une partie de ses travaux cette année, lorsque nous aurons un peu plus de recul. Nos points de vigilance, évoqués dans notre rapport, concernent notamment les moyens mis à disposition du GIC et de la CNCTR : celle-ci doit en effet disposer d'un accès permanent, complet et direct aux éléments collectés par les nouvelles techniques de renseignement et nous le rappelons dans notre rapport.
Une part importante de notre rapport est consacrée à la surveillance internationale. Cette activité, est-il besoin de le rappeler, est indispensable à la préservation de notre souveraineté et à la protection de nos intérêts fondamentaux. Pour la première fois donc, un rapport public fait le point sur les moyens juridiques, techniques et humains dont disposent nos services, principalement la DGSE et la DRM, pour protéger nos intérêts au-delà de nos frontières. Si beaucoup d'éléments chiffrés sont naturellement classifiés, et n'apparaissent donc pas dans le rapport public de la DPR, sa lecture n'en est pas moins intéressante. La DPR y appelle notamment à un renforcement des moyens consacrés au renseignement humain, insiste sur la nécessité de mieux évaluer les outils de coopération inter-services – dont la cellule Hermès est un exemple – et rappelle la nécessité d'adopter au niveau européen, dans les délais les plus brefs, une directive relative au fameux PNR – passenger name record.
Une troisième partie du rapport, enfin, est consacrée à l'évaluation de la politique du renseignement.
La loi du 24 juillet 2015, comprend pour la première fois une définition de la politique publique du renseignement : celle-ci « concourt à la stratégie de sécurité nationale ainsi qu'à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation ».
Les missions des services de renseignement sont également pour la première fois précisées dans la loi : « en France et à l'étranger, la recherche, la collecte, l'exploitation et à la mise à disposition du Gouvernement des renseignements relatifs aux enjeux géopolitiques et stratégiques ainsi qu'aux menaces et aux risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation ».
Pour évaluer cette politique et les missions des services, la DPR dispose de plusieurs documents dont la stratégie nationale du renseignement, un rapport de synthèse des crédits consacrés ainsi qu'un rapport d'activité des services. Ce rapport d'activité des services, prévu par la LPM 2014-2019 sera pour la première fois réalisé cette année et communiqué à la DPR dans les semaines qui viennent.
Il s'agira d'un élément d'appréciation très important pour la DPR, qui disposera alors d'éléments chiffrés et détaillés, d'éléments de comparaison entre les services et entre les années. Le rapport de la DPR rappelle les exigences de cette dernière en la matière et revient sur les échanges qu'elle a eus avec l'inspection des services du renseignement sur ce point.
La DPR rappelle également le rôle que joue l'inspection des services de renseignement dans l'évaluation et le contrôle des services de renseignement et attire l'attention du président de la République sur la nécessité de la doter d'un chef pérenne.
La DPR recommande enfin que le CNR diffuse régulièrement un rapport public relatif à l'activité des services de renseignement, afin de diffuser auprès du public cette culture du renseignement.
Une dernière partie du rapport est enfin consacrée à l'activité de la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) qui est, depuis 2014, une formation spécialisée de la DPR.
Sans dévoiler d'informations classifiées, cette partie publique du rapport de la CVFS revient sur les conditions d'emploi de ces fonds. Elle y recommande notamment une meilleure prise en compte des besoins opérationnels des services – et donc de revaloriser l'enveloppe globale qui leur est octroyée chaque année. Elle appelle également à une uniformisation des pratiques comptables observées dans chacun des services afin de faciliter le contrôle des fonds qu'elle opère.
Au total, la délégation parlementaire au renseignement formule 29 recommandations – la CVFS, 22.
Nous assurerons naturellement le suivi de la mise en oeuvre de nos recommandations et constatons que la plupart sont prises en compte par le Gouvernement. Vous trouverez par exemple dans le rapport les suites qui ont été données aux recommandations formulées précédemment par la DPR en matière de lutte contre le terrorisme, de renseignement économique et financier et de renseignement intérieur.
Avec la DPR, le Parlement dispose, je pense d'un outil efficace de contrôle et d'évaluation de la politique du renseignement. En 2016, notre programme de travail est naturellement toujours aussi dense. Nous disposons à présent de quelques parlementaires familiers de ces questions et il était important que nous vous fassions connaître nos travaux afin que le cercle de ces spécialistes ne soit pas trop restreint, tant le sujet est important. Notre commission a consacré, vous vous en souvenez, plusieurs auditions à ces questions l'année dernière – nous avions notamment entendu le CNR, le DGSE, le DRM et le DPSD.