Intervention de Emmanuelle Cosse

Réunion du 29 mars 2016 à 16h00
Commission des affaires économiques

Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable :

Un important travail législatif sur les questions de logement a été mené depuis 2012. Mon action s'inscrit pleinement dans le cadre des deux textes de loi sur lesquels vous avez longuement travaillé. Elle poursuit également la démarche de simplification entreprise depuis l'an passé, avec deux textes législatifs, l'un, portant habilitation, pour réformer le financement du logement social par le réseau Action Logement, l'autre s'inscrivant dans le cadre du projet de loi Égalité et citoyenneté, à venir.

Pour vous présenter de manière sommaire mon action, celle-ci comporte trois pans. Gagner la bataille du logement dans toute sa dimension, afin que chacun puisse choisir l'endroit où il va habiter, constitue le premier pan. Le plan de relance de la construction mis en oeuvre commence à porter ses fruits. Les chiffres pour 2015 et ceux du premier trimestre 2016, que je présenterai demain en conseil des ministres, sont très encourageants, alors même qu'ils couvrent une période hivernale, et tant dans la construction que dans la rénovation. En ce qui concerne la construction, d'importants dispositifs d'aide ont été mis en place. Les objectifs de construction de logements sociaux pour 2015 ont été tenus. Dans le logement privé, il faut noter l'impact du nouveau prêt à taux zéro (PTZ) ainsi que l'efficacité du dispositif Pinel.

L'entrée en vigueur de l'encadrement des loyers va faciliter l'accession à un logement abordable. Nous avons fait, la semaine dernière, un bilan d'étape des deux ans de la loi ALUR, avec un dossier de presse, pour voir où nous en sommes des mesures qui étaient d'application immédiate, des décrets qui ont été pris et de ceux qui restent en attente. Du point de vue réglementaire, d'ailleurs, nous avons également un travail important à faire sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. De nombreux sujets, assez complexes à traduire dans le cadre du règlement, intéressent, en effet, le ministère du logement.

Dans le cadre de la relance de la construction, l'accent est mis sur la question du foncier. La loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social a été adoptée fin 2012. Des rapports ont été publiés. Celui de votre collègue Daniel Goldberg pointe des évolutions importantes pour libérer du foncier. Celui que m'a remis M. Dominique Figeat, qui a travaillé avec l'ensemble des professionnels, concluait une mission qui lui avait été confiée par Mme Sylvia Pinel et M. Christian Eckert. Ces deux rapports aboutissent à des conclusions communes sur un certain nombre de points. Enfin, l'action de M. Thierry Repentin sur la mobilisation du foncier public a permis des déblocages dans pas mal d'endroits.

J'ai déjà annoncé des mesures importantes dans ce domaine. Il n'est pas temps aujourd'hui d'ouvrir le débat sur une nouvelle fiscalité foncière, mais nous avons acté certaines propositions, comme l'accès aux données en matière foncière. C'est un sujet majeur, mais l'affaire n'est pas simple, car la volonté de ne pas rendre publiques ces données perdure.

Nous poursuivons également la bataille contre les recours visant les permis de construire. Dans certains endroits, des simplifications ont permis de raccourcir considérablement les délais. Dans d'autres, la pratique du recours n'est pas toujours très saine. Il nous faudra sans doute consulter le Conseil d'État pour savoir comment avancer sur ce sujet, sans pour autant empêcher les particuliers de faire des recours. Nous sommes confrontés, en matière de logements sociaux notamment, à des gens qui se sont spécialisés dans les recours abusifs et qui arrivent encore aujourd'hui à faire pression sur les promoteurs et les bailleurs sociaux.

Je pense que nous reviendrons, au cours de cette audition, sur le financement du logement social et sur le Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Je ne m'y attarde donc pas.

Autre thématique du logement, la rénovation est un enjeu majeur pour les ménages qui bénéficient de ces travaux, mais aussi pour l'emploi. Dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les objectifs de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour le programme Habiter mieux ont été augmentés. Ils passent, cette année, de 50 000 à 70 000 logements rénovés, soit une augmentation de 40 %, avec la volonté de passer à 100 000 logements l'an prochain. Cette augmentation est financée, et l'ANAH est en train de déployer, par territoires, le nombre de logements rénovés.

Ce programme concerne la rénovation de logements par des propriétaires bailleurs ou occupants très modestes. Nous avons constaté, en travaillant avec la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), que l'impact était réel sur le secteur du bâtiment : ces travaux effectués sur nos territoires concernent à la fois de nombreuses entreprises du bâtiment et des publics très précarisés. Nous devons pouvoir compter sur des professionnels ; aussi des conventions départementales ont-elles été conclues entre l'ANAH et la CAPEB, qui est un énorme réseau, ainsi qu'avec la Fédération française du bâtiment.

Plus généralement, les objectifs de rénovation ont considérablement augmenté. Si les objectifs fixés par la loi ne sont pas encore atteints, il y a une forte augmentation des logements rénovés dans le parc social. J'espère pouvoir annoncer prochainement, avec la Caisse des dépôts et consignations, la création de prêts de hauts de bilan, qui permettront d'améliorer les résultats de certaines opérations et d'augmenter les objectifs de rénovation dans le logement social, pour les porter autour de 135 000, contre environ 100 000 aujourd'hui.

Enfin, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, porté par Mme Ségolène Royal, permet d'accélérer nombre de travaux.

Parmi les autres chantiers prévus pour cette année, la réflexion sur ce que sera la future réglementation pour les bâtiments à énergie positive (BEPOS) constituera un sujet important.

L'habitat durable est un sujet qui relève de mon ministère, lequel est très sollicité pour faire vivre la notion de « ville durable », pour engager une nouvelle génération d'éco-quartiers ou d'éco-cités, en prenant en compte la longévité de l'habitat.

Les éco-matériaux font aujourd'hui l'objet de nombreux travaux, ce qui n'est pas négligeable dans la perspective de la future réglementation bas-carbone. La filière bois, par exemple, a connu une forte mobilisation, avec notamment la création, il y a deux ans, d'un comité stratégique. Celui-ci commence à produire ses effets sur l'organisation de la filière à l'échelle française, notamment pour répondre à la demande en construction, mais aussi s'agissant de sujets très techniques, comme les délais de paiement pour les préfabriqués –problème que j'essaie de résoudre en poussant Bercy à avancer sur ce sujet.

La façon dont nous donnons à voir notre conception de la ville durable à l'international est un autre aspect de notre activité. Nous avons lancé, la semaine dernière, avec Mme Ségolène Royal, le réseau français des acteurs de la ville durable, qui permettra de faire connaître bien des innovations portées aujourd'hui sur nos territoires. Un appel à manifestation d'intérêt, intitulé « Démonstrateurs industriels pour la ville durable », a été lancé, dont l'objet est de faire aider par l'État, pendant cinq ans, les territoires désireux de construire de nouveaux quartiers. Les projets présentés allaient du quartier très urbain au quartier alpin ; ils étaient portés par des bailleurs sociaux aussi bien que par des promoteurs privés, de grands groupes du bâtiment ou de l'énergie, et des groupes travaillant sur l'usage du logement.

Autre dimension importante de la politique que nous portons : la solidarité. Au passage, je rappelle que cette semaine marque la fin de la trêve hivernale pour les expulsions.

En ce qui concerne l'hébergement, 30 000 places ont été pérennisées depuis 2012, ce qui fait qu'aujourd'hui, nous sommes passés de 80 000 à 110 000 places pérennes. Comme l'an passé, qui avait vu la pérennisation de 2 000 places, nous avons obtenu, cette année, de pérenniser 2 300 places supplémentaires réparties sur l'ensemble du territoire. Plus de places pérennes, cela veut dire des centres en dur pour assurer des conditions d'accueil dignes. Cela vise également à réduire le recours à l'hébergement dans des hôtels, qui coûte beaucoup plus cher et dont l'effet social est très limité.

L'État, par ailleurs, se mobilise aujourd'hui pour développer des produits spécifiques, comme les maisons relais ou les pensions de famille, qui participent du logement social non familial, et qui répondent durablement à l'accueil et au soutien de publics très précarisés, incapables d'être autonomes.

Le plan de lutte contre la pauvreté nous avait fixé des objectifs sur lesquels nous devons avancer. Nous devons réaliser, d'ici à la fin du quinquennat, 500 places d'hébergement pour les femmes victimes de violences.

S'agissant de l'accueil des migrants, notre action est distincte de celle que nous menons pour l'hébergement. Nous mettons à l'abri les migrants qui vivaient jusqu'à présent dans la jungle de Calais. Nous avons créé plus de 109 centres d'accueil et d'orientation (CAO), répartis sur l'ensemble de la France. Nous mettons aussi à l'abri les migrants qui vivent en Île-de-France dans des campements illicites. Dans le cadre du plan de relocalisation de l'Union européenne, nous agissons également pour créer des places répondant au nombre de réfugiés qui seront relocalisés en France, à la suite de la mise en oeuvre des hot spots.

Beaucoup d'évolutions législatives ont concerné les questions d'aménagement et d'urbanisme. De nouvelles règles d'urbanisme sont applicables depuis le 1er janvier, ce qui va demander un travail important pour les mettre en oeuvre sur nos territoires. Par ailleurs, le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) a connu une montée en puissance. La semaine dernière, plusieurs associations d'élus m'ont fait part de l'intérêt de cet outil pour travailler sur les questions d'urbanisme à un niveau supérieur à l'échelon communal. C'est un grand succès pour cet outil, alors que nous avions, au départ, des doutes sur sa mise en oeuvre.

En ce qui concerne les textes, le projet de loi réformant le réseau Action Logement a été voté à l'unanimité il y a quinze jours à l'Assemblée nationale. J'attends maintenant son inscription à l'ordre du jour du Sénat, car il faut que les choses aillent vite.

Le projet de loi Égalité et citoyenneté, qui doit être présenté en conseil des ministres le 13 avril, sera probablement examiné à l'Assemblée au mois de juin, et ce, je l'espère, dans le cadre d'une commission spéciale. Le titre II de ce texte traite du logement et de la mixité sociale, avec des dispositions visant à une attribution des logements sociaux plus transparente et plus volontairement ciblée en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville pour les publics les plus défavorisés. Des articles concernent la nouvelle politique en matière de loyers ; elle donne aux bailleurs sociaux la possibilité d'expérimenter une nouvelle répartition des loyers à l'échelle de leurs parcs. D'autres articles visent à améliorer l'application de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) par un renforcement des pouvoirs de l'État. Ils tendent aussi à remédier aux effets de seuil que la loi relative à la mobilisation du foncier public a pu créer dans des communes qui ne connaissaient pas de pression en matière de logement au moment de son adoption, en 2013.

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